Le témoin du jour au procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé bénéficie de mesures de protection. C’est donc avec le visage brouillé et la voix déformée que P-238, un militaire, a répondu aux questions du bureau de la procureure à la Cour pénale internationale (CPI).
Par Camille Dubruelh source: Ivoirejustice
Le Bataillon d’artillerie sol-air (BASA) était au centre des discussions, ce mardi 27 septembre. Le témoin a été longuement interrogé sur les missions, l’organisation et la hiérarchie de ce corps de l’armée de terre lors de la crise postélectorale. Il a notamment été question de son commandant, le lieutenant-colonel Dadi, «un homme fort, sûr, un homme de poigne qui aimait le travail bien fait», selon les dires du témoin. « Il n’était pas possible de (lui) montrer son désaccord », a poursuivi P-238, répondant aux questions du substitut de la procureure, « parce que c’était Dadi ». Ceux qui ne l’écoutaient pas s’exposaient à des punitions et des insultes, a encore expliqué le témoin, ajoutant qu’« il avait beaucoup d’espions » et qu’« il fallait savoir tenir sa langue ».
Quant aux relations entre le colonel Dadi et les autres chefs des forces armées, elles étaient « exécrables », explique le témoin. Le chef de corps considérait par exemple le général Detto Letto, son supérieur, comme « un vaurien ». Par contre, selon les dires de P-238, le colonel Dadi entretenait de bons rapports avec certains officiers, le capitaine Zadi du 1er Bataillon de commandos parachutistes (BCP) ou encore le général Dogbo Blé, commandant de la Garde républicaine. Il arrivait d’ailleurs au BASA de mener des opérations conjointes avec ce corps à l’époque, en particulier des missions de sécurité présidentielle, lorsque le chef de l’Etat partait en déplacement.
Des véhicules offert par la deuxième épouse de Laurent Gbagbo, après le deuxième tour des élections
Concernant l’organisation du BASA, il a ensuite été question de l’armement à sa disposition lors de la crise postélectorale, un armement conséquent selon les propos du témoin qui cite des lance-roquettes multiples et des mortiers de 120 mm. « Après le deuxième tour, on a reçu 21 véhicules supplémentaires », des 4×4, explique encore P-238, « le chef de corps a dit que c’était la seconde épouse du président (Nady Bamba ndlr) qui nous les avaient donné ». Le substitut de la procureure a voulu savoir si l’armement du BASA avait été vérifié par la mission des Nations Unies. Si celle-ci venait à l’improviste, le colonel Dadi ordonnait à ses éléments de la « bloquer à l’extérieur du camp », le temps de « dissimuler les munitions », raconte le témoin.
Autre sujet abordé aujourd’hui, le vote des militaires lors de l’élection présidentielle. « A-t-on tenté de vous influencer pour voter pour l’un ou l’autre des candidats ? », a voulu savoir Eric MacDonald. « Nous n’avions pas le choix, on nous avait dit pour qui il fallait voter », affirme le témoin, racontant comment cela s’était passé. Avant le second tour, tous les éléments des forces terrestres avaient été convoqués par le général Philippe Mangou, ancien chef d’état-major, à l’ancien camp Akouédo. Celui-ci s’était adressé aux militaires, les exhortant à « faire le bon choix » et de « montrer (leur) attachement au président par les urnes en votant massivement ». Un message relayé à plusieurs reprises par le colonel Dadi à ses hommes et assorti de mises en gardes. « Pour garder nos postes, il fallait voter pour le président (Laurent Gbagbo ndlr) », assure P-238.
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