La diaspora africaine peut contribuer au développement de l’Afrique

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PRAO Yao Séraphin

Selon Dilip Ratha et Sonia Plaza (2011), plus de 30 millions de personnes ont quitté l’Afrique subsaharienne et du Nord. Ce nombre est certainement aujourd’hui plus élevé. Selon cette source, les diasporas auraient envoyé plus de 40 milliards de dollars à des résidents de leur pays natal. Essayons de donner une définition au concept de diaspora avant d’avancer dans notre réflexion. Pour l’Union Africaine, on peut définir la diaspora comme les personnes d’origine africaine vivant hors du continent africain, qui sont désireuses de contribuer à son développement et à la construction de l’Union Africaine. Si on s’accorde sur une telle définition et au regard des potentialités de la diaspora africaine, il est possible d’affirmer que les pays africains ne profitent pas suffisamment de cette diaspora. Nous relevons dans ce texte quelques atouts de la diaspora.

En premier lieu, la diaspora est pourvoyeuse de fonds. En 2014, selon la Banque mondiale, près de 120 millions d’africains ont reçu 60 milliards USD envoyés par 30 millions d’africains de la diaspora. Ce montant est supérieur à l’aide publique au développement (56 milliards de dollars en 2014) et aux investissements directs étrangers (50 milliards de dollars). Les transferts des migrants constituent une manne financière très importante pour les pays africains.

En second lieu, la diaspora encourage le développement humain. En effet, les fonds envoyés par les africains sont également destinés à régler des problèmes d’ordre social: soins de santé, frais scolaires, logement. En Côte d’Ivoire, ils sont très nombreux, les ivoiriens de l’étranger qui ont souscrit à l’offre de logements sociaux du gouvernement. Le plus souvent, ces souscriptions se font au bénéfice des parents restés sur place. Cela participe à l’amélioration des conditions de vie des ivoiriens.
En troisième lieu, la diaspora peut contribuer au développement de l’industrie

La diaspora représente un marché lucratif pour une destination touristique. Les pays africains peuvent faire de la diaspora, une de leurs cibles prioritaires pour la relance de l’industrie touristique des pays. Au vu de l’importance que revêt la diaspora pour le développement des pays, il est primordial que les autorités locales aient une bonne compréhension de ses caractéristiques ainsi que de son potentiel économico-touristique réel afin d’être en mesure de développer une stratégie adéquate pour la capter de manière efficace. La diaspora permet de dynamiser également l’économie locale.

Au Sénégal par exemple, un système d’aide de la diaspora consiste à faire passer de l’argent par l’intermédiaire d’une entreprise d’import-export présente sur le territoire. Le migrant dépose le montant auprès d’un représentant dans son pays d’accueil moyennant une indemnisation moins importante qu’en cas de recourt à une agence spécialisée de transferts de fonds. Le correspondant de ce dernier résident dans le pays achète des produits qu’il remet aux bénéficiaires. C’est l’économie locale qui en bénéficie.

En quatrième lieu, la diaspora contribue aux rapprochements culturels

Les immigrants sont également des « jeteurs de passerelles » dans l’établissement de liens entre le pays d’origine et le pays de destination, ce qu’ils font de différentes façons. Pour les représentants des organisations culturelles, notamment, en créant des passerelles entre les deux cultures, ils permettent une compréhension mutuelle. On retrouve ici l’idée des transferts sociaux qui sont « les idées, les attitudes, les identités et le capital social qui circulent entre les communautés émettrices et réceptrices ».
En cinquième lieu, la diaspora est un vecteur de transfert de connaissances

La diaspora peut aider aux transferts de technologies entre les pays hôtes et leurs pays d’origine. Comme de nombreux membres de la diaspora sont des universitaires, des médecins, des techniciens et des professionnels qui ont acquis leurs compétences et qualifications dans ces pays occidentaux, ils pourraient potentiellement participer aux transferts de technologies. Il est admis que la « circulation des cerveaux » stimule le transfert de connaissances aux pays d’origine. Cela peut signifier le retour des émigrés qualifiés dans leur pays d’origine après une période passée à l’étranger ou un schéma de migrations temporaires et circulaires entre le pays d’origine et l’étranger. Les professionnels diffusent dans leur pays d’origine le savoir qu’ils acquièrent et entretiennent des réseaux, facilitant ainsi l’échange continu de connaissances. Pour tirer le meilleur parti de cette circulation des cerveaux, le pays d’origine doit avoir une capacité d’absorption suffisante et les migrants de talent retournant dans leur pays doivent pouvoir réintégrer le marché local du travail à un niveau qui corresponde à leurs compétences et à leurs connaissances.

En sixième lieu, la diaspora peut aider à combler le déficit des pays en infrastructures

Les immigrants peuvent aider les pays d’origine à combler leur déficit en infrastructures. Des emprunts obligataires visant les immigrants peuvent aider les Etats à mobiliser les ressources nécessaires. Les emprunts obligataires visant les expatriés ont fonctionné en Inde mais moyennement en Éthiopie, au Rwanda et au Kenya. Et pourtant, de telles obligations peuvent financer des projets d’infrastructure et de développement.

Au regard de ce grand potentiel que constitue la diaspora, les gouvernements africains doivent reconsidérer leur diaspora.

Les gouvernants doivent considérer un peu plus la diaspora

Selon la Banque Africaine de Développement, l’Afrique est la partie du monde qui bénéficie le plus de ces flux financiers. En 2012, on estime à 60 Mds USD le montant total des transferts effectués par la diaspora vers le continent. Ce montant devrait atteindre 64 Mds USD en 2013/2014. Les gouvernants africains doivent s’informer davantage sur les membres de leur diaspora et créer des liens plus solides avec eux afin de mettre en place des politiques plus cohérentes pour susciter leur intérêt, plutôt que de les traiter soit comme des étrangers, soit comme des habitants du pays. Un comptoir de facilitation administrative pourrait inciter la diaspora à investir dans leur pays d’origine. Par exemple, l’Éthiopie et le Rwanda, ont mis en place des politiques officielles relatives à la diaspora. Ils ont instauré la double nationalité pour leurs membres et soutiennent les réseaux de la diaspora dans le monde pour nouer des liens forts avec leurs citoyens nés à l’étranger. Un site internet dédié à la diaspora pourrait informer les membres de la diaspora des possibilités d’investissement et de commerce en Éthiopie, des projets de développement, des politiques du gouvernement les concernant et des services de soutien existant en Éthiopie. Dans ce pays, les Éthiopiens nés à l’étranger peuvent demander une « carte jaune » leur donnant des droits et des privilèges similaires à ceux des citoyens de leur pays d’origine. Les titulaires d’une carte jaune peuvent entrer sur le territoire éthiopien sans visa, travailler sans permis et bénéficier d’un régime de retraite public.

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