Côte-d’Ivoire procès Blé Goudé/Gbagbo: Une employée de l’ONU forcée de témoigner à visage découvert devant la CPI

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Ivoire Justice

Après dix jours de pause, le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a repris ce lundi 19 septembre à La Haye. Le témoin est apparu à visage découvert et en séance publique. Il s’agit d’une employée de l’ONU qui travaillait à la division des droits de l’Homme de la mission ivoirienne lors de la crise post-électorale.

« Les mesures de protection ne sont pas justifiées ».

C’est ce qu’a indiqué le juge Cuno Tarfusser avant l’entrée en scène du 16e témoin de l’accusation dans le procès de Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo. Il n’y a « aucun risque concret et identifiable », a justifié le président de la Chambre. Malgré les demandes du bureau du procureur et de l’Unité de l’aide aux victimes et aux témoins, c’est donc à visage découvert et sous son vrai nom qu’Aurélie Fuchs a répondu aux questions des différentes parties.

Conseillère pour les droits de l’homme, celle-ci travaillait au bureau régional d’Abidjan pour l’Opération des nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) lors de la crise post-électorale.

À cette période, le témoin était notamment en charge de récolter les témoignages de victimes de violations des droits de l’Homme. À ces fins, un centre d’appel avait été mis en place par la mission onusienne, dès décembre 2010. L’objectif de cette plateforme : témoins ou victimes pouvaient appeler pour raconter des événements vus ou vécus, « tirs, disparitions, arrestations… », Énumère la jeune femme. Parmi ces appels, beaucoup faisaient mention des Jeunes patriotes, des « fouilles » et « check points » qu’ils auraient mis en place, explique encore Aurélie Fuchs. Selon les témoignages reçus par téléphone, ces personnes obéissaient aux ordres de leur secrétaire général, « Monsieur Charles Blé Goudé », rapporte le témoin, qui dit avoir été directement menacée par certains de ces jeunes. « J’ai dû aller vivre au bureau pendant deux mois », confie-t-elle.

Quant aux rapports entre les Forces de défense et de sécurité (FDS) avec l’ONUCI, ils étaient «compliqués ». « Dans un cas, nous avons été directement menacés », poursuit le témoin, racontant un événement survenu dans une clinique de Treichville suite à une manifestation de femmes. Alors qu’elle s’était rendue dans cet établissement avec d’autres membres de l’ONUCI pour recueillir le témoignage de blessés, « la Garde républicaine nous a demandé très explicitement de partir, je crois que certains collègues ont été menacés », rapporte la conseillère aux droits de l’Homme. « Quand nous sommes sortis de cette clinique dans des véhicules militaires, la Garde républicaine nous a bloqué l’accès ».

Le centre d’appel de l’ONUCI n’avait aucun moyen de vérifier, ni les sources ni la provenance des appels

Rebondissant sur les questions de l’accusation, la défense de Laurent Gbagbo a pour sa part interrogé le témoin sur son expérience et sur l’utilisation éventuelle du centre d’appel « à des fins politiques ». « Aviez-vous reçu une formation avant votre arrivée en Côte d’Ivoire ?», a notamment demandé Andreas O’Shea, l’un des avocats de l’accusé. « J’ai lu un peu (et) j’avais la préparation nécessaire à ce travail », se défend le témoin, évoquant les mécanismes de contrôle mis en place : rapports aux superviseurs, entretiens menés par deux personnes et suivi des témoignages du centre d’appel. « Est-ce que ceux qui y travaillaient étaient conscients que cela pouvait être utilisé comme outil de propagande ? », insiste la défense. La jeune femme reconnaît qu’elle n’y avait pas tout de suite pensé à son arrivée, mais s’était rendue-compte par la suite de cette éventualité. « C’est pour ça que des mécanismes de contrôle ont été mis en place », explique-t-elle, évoquant entre autres la « confrontation des sources ». « Ce n’était pas un appel qui faisait foi » assure Aurélie Fuchs, tout en admettant qu’aucun dispositif ne permettait de vérifier la provenance des appels ni l’identité des témoins.

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