Par Hervé Coulibaly | Par Connectionivoirienne
Les Ivoiriens, sympathisants ou pas de l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo et même des Africains assez libres d’esprit, loin des propagandes des médias et politiciens occidentaux, en rient ces derniers jours. « Quoi, recomptage? Mais c’est pas ce qu’ils [y compris Ping] ont refusé à Laurent Gbagbo face à Alassane Ouattara ? Comme dans le Haut-Ogoué, Ouattara n’a-t-il pas fait les 99% et même 100% dans son fief du nord de la Côte-d’Ivoire, aux mains de sa rébellion du MPCI ? », écrit un ressortissant camerounais sur sa page Facebook ce vendredi [02.09.2016].
« On est étonné que pour aider Ping, on demande le recomptage, mais pour clouer Laurent Gbagbo on lui a refusé le recomptage avant de le capturer et de l’enfermer dans une prison coloniale », renchérit un activiste du Gbagboisme sur le Net.
L’Editorial de Le Monde reprend plus ou moins les positions officielles françaises sur la crise électorale actuelle au Gabon. Comme en 2010-11, les mêmes éditorialistes, qui clouaient au pilori la demande de recomptage de Laurent Gbagbo, reprennent six ans plus tard les termes du discours officiels de Paris. Nicolas Sarkozy, alors président de la république française ne disait pas autres choses que ce qui était écrit dans les pages de Le Monde. Point de recomptage, Gbagbo avait perdu et il devait partir. Le champion des frontistes ivoiriens allait finir par se faire arrêter par les troupes d’élites françaises dans le sous-sol de sa résidence d’Abidjan-Cocody, un certain 11 avril 2011.
Alors, Ali Bongo, Laurent Gbagbo, mêmes sorts ? Ali Bongo devant la CPI ?
« Même si pour moi Ali et Ping sont tous deux des produits de la Franceafrique, qu’Ali accepte le recomptage et que le vrai choix du peuple gabonais soit respecté. Si c’est Ping tant pis, mais au moins on aura peut-être respecté le choix des Gabonais, contrairement au choix des Ivoiriens, jeté à la poubelle par les mêmes qui se jouent des donneurs de leçons aujourd’hui », renchérit un activiste panafricain depuis Dakar, au Sénégal
HC
Au Gabon, un scrutin à recompter
LE MONDE | 03.09.2016 à 10h20
Editorial du « Monde ». Normalement, le million et demi d’habitants du Gabon devraient vivre dans la richesse, santé et emploi garantis. Ce petit Etat d’Afrique centrale est l’une des grandes puissances pétrolières du continent – une sorte de Koweït africain. Mais les deux tiers des Gabonais vivent dans la pauvreté. Au fond, ce qu’il y a de plus tragique en ce lendemain d’élection présidentielle au Gabon, c’est cet arrière-plan politico-économique : la permanence d’un « système » qui entretient la misère.
Et sans doute faut-il attribuer une partie de la colère qui s’est emparée de nombre de Gabonais à l’issue de l’élection présidentielle du samedi 27 août à un sentiment d’impuissance face à un état de fait qui ne devrait pas être. La violence des manifestations et des combats de rue de ces quatre derniers jours à Libreville, la capitale, dépasse la seule contestation des résultats du scrutin. Elle témoigne d’un gros coup de ras-le-bol.
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L’élection mettait en lice deux caciques du régime. D’un côté, Ali Bongo Ondimba, 57 ans, fils d’Omar Bongo, qui « dirigea » le pays quarante ans durant. M. Bongo Ondimba, élu une première fois en 2009, avait déjà vu ce résultat assez largement contesté. En face, son ancien beau-frère, plusieurs fois ministre du temps du président Omar Bongo, Jean Ping, 73 ans, décidé à en finir avec la dynastie régnante. Quelque 700 000 électeurs ont voté le 27 août, sous haute surveillance internationale. Mercredi soir, les résultats officiels donnaient la victoire à M. Bongo Ondimba : 49,80 % des voix, contre 48,23 % à son adversaire.
Prévarication et corruption
Score immédiatement contesté par l’opposition qui réclame un recomptage des votes et dont nombre de partisans sont descendus dans la rue. Emeutes, pillages, affrontements avec les forces de l’ordre, incendie partiel de l’Assemblée nationale, cinq morts au moins et des centaines d’interpellations : Libreville vit dans le chaos. Le QG de M. Ping est cerné par des troupes, qui retiennent en otage une bonne partie des dirigeants de l’opposition. Nombre d’observateurs internationaux s’étonnent de la façon dont le scrutin s’est déroulé dans le fief de la famille Bongo. Il y a matière à contestation.
Longtemps complice du « système » de prévarication et de corruption qui tient lieu de gouvernance à Libreville, la France s’est cette fois alignée sur la position de l’Union européenne : il faut republier les résultats, bureau par bureau. Le Conseil de sécurité de l’ONU a fait part de sa « profonde préoccupation ». M. Bongo Ondimba – qui, durant sept ans, a été assez largement incapable de rompre avec le « système » – ne veut rien entendre.
Que faire ? L’Union européenne se défie de toute ingérence directe. Elle aimerait que les organisations régionales, notamment l’Organisation africaine, fassent pression sur M. Bongo Ondimba et imposent ce recomptage des votes. Mais l’Organisation, au nom du sacro-saint principe de souveraineté, semble s’y refuser.
Solidarité mal comprise entre dirigeants africains ? C’est pourtant à eux qu’il revient de jouer franchement le jeu de la démocratie, de savoir quitter le pouvoir, d’interrompre ces lignées dynastiques – particulièrement en Afrique centrale – dans lesquelles une population africaine, jeune, urbaine et dynamique ne peut pas se reconnaître. Un vrai homme d’Etat se juge à son aptitude à céder la direction de l’Etat, justement. La longévité au pouvoir est le signe d’une « mal gouvernance » synonyme de corruption.
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