Des années 90 à ce jour, Alassane Ouattara et Aimé Henri Konan Bédié ont participé à l’animation du paysage politique ivoirien. Hier ennemis jurés, aujourd’hui presque un « couple », les deux hommes forment un duo atypique qui semble avoir fait fi du passé. Ce pour avancer ensemble vers « le bonheur pour tous et le progrès pour chacun ».
Par Ruben Boni
Durant la décennie de crise qu’a connue la Côte d’Ivoire, deux personnages clés de la politique ivoirienne vont se distinguer, de manière inattendue. Il s’agit d’Alassane Ouattara (ADO) et d’Aimé Henri Konan Bédié (HKB). Réunis malgré eux (opposition), les deux figures politiques vont se rapprocher au point de développer une relation presque fraternelle. Faisant ainsi table rase de leur passé conflictuel. Un passé marqué par des luttes politiques mesquines, une chasse à l’homme et des discours violents et sectaires.
1993. Félix Houphouët Boigny, premier président de la République de Côte d’Ivoire, tire sa révérence, s’ensuit les premières querelles entre ADO et HKB. Henri Konan Bédié, soupçonne Alassane Ouattara de vouloir s’emparer par la ruse du pouvoir présidentiel. Une position qui lui est constitutionnellement dévolu. Dès lors l’ancien président du vieux parti, le PDCI alors président de l’assemblée nationale va organiser la mise à l’écart d’Alassane Ouattara.
1995. Avant les élections présidentielles, le concept d’ « ivoirité » fait son apparition. On rappelle à qui veut l’entendre que « le candidat à l’élection présidentielle… doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux même ivoiriens d’origine ». Alassane Ouattara renonce, pour cela, à se présenter et boycotte les élections.
Novembre 1999. À quelque dix mois de la prochaine échéance électorale, un mandat d’arrêt est émis à l’encontre d’ADO pour « faux et usage de faux » concernant ses cartes d’identité ivoiriennes. Contraint à l’exil et contrarié, Alassane Ouattara promet à ses partisans et militants (RDR) : « je rentrerai dans mon pays avant la fin de l’année.» Le 24 décembre 1999, un coup d’Etat militaire vient chasser le sphinx de Daoukro, du pouvoir. Quelques jours plus tard, le 29 décembre, ADO tient promesse. Il est accueilli en héros, sur le sol ivoirien, par ses partisans.
À partir de ces évènements, les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Ce n’est qu’en 2003, à l’occasion des accords de Linas Marcoussis, que le rideau de méfiance va tomber. Une relation d’ainé à petit frère se crée entre eux, au fil des rencontres, mais pour un objectif commun, re (conquérir) le pouvoir. Une nouvelle relation qui débouche sur une union, la création d’une alliance politique, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dont l’objectif clairement affiché est de faire tomber leur adversaire commun, Laurent Gbagbo. Chose qui survient avec le soutien du PDCI de HKB pour la candidature d’ADO, au deuxième tour à la présidentielle d’octobre 2010.
Pendant la crise postélectorale et bien après, Alassane Ouattara ne manque pas une seule fois l’occasion de témoigner sa gratitude à Bédié. Il sollicite son aîné dans la gestion des affaires de. ’Etat. Le président du présidium du RHDP y est si souvent associé que l’ivoirien lambda le surnomme « le Vice-président ». Les places publiques, les centres de santé, les édifices (le pont Henri Konan Bédié), portent son nom et même ceux de son épouse. En retour, HKB lui réaffirme son soutien (l’appel de Daoukro) pour sa réélection en 2015. Alassane Ouattara remporte ces élections, haut les mains, créditée de 83,66% devant une opposition quasi-inexistante.
En fin de compte, pour les Ivoiriens, ce qu’il faut retenir de cette histoire, est qu’en politique, tout est possible. Les pires ennemis, peuvent devenir les meilleurs amis et vice-versa. Le cas ADO-HKB, n’est pas le seul exemple. Souvenons-nous de l’amitié Blé Goudé-Guillaume Soro, de l’alliance Gbagbo-ADO en 1995, du retour de Dona Fologo, plus récemment au PDCI, etc. Et qui sait ce que nous réserve l’avenir !
À nous jeunes de Côte d’Ivoire, soyons modérés dans nos prises de position. Ne perdons pas notre temps à défendre des personnes, mais défendons plutôt nos idées. Non pas avec la force de nos bras, mais avec la force d’une argumentation solide et courtoise. C’est à ce prix que nous réussirons à faire de notre pays, la Côte d’Ivoire, un havre de Paix.
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