Bouaké, capitale du centre de la Côte d’Ivoire. Tout un symbole : ex-capitale de la rébellion, la ville s’est singulièrement illustrée par les casses et pillages qui s’y sont déroulés lors des manifestions éclatées contre les factures élevées de la Compagnie Ivoirienne d’électricité (CIE). Ce qui n’a pas du tout plu – aux dires d’Hamed Bakayoko, ministre de l’intérieur – au chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Mais alors pas du tout. Même le déploiement des troupes de l’armée dans la ville, la traque aux pilleurs et les arrestations tous azimuts n’ont pas suffit à calmer la colère noire du Chef de l’Etat. Hamed Bakayoko, le sécurocrate en chef, a même promis qu’il ira « jusqu’au bout ».
Propagande politique ou acte de contrition ? Ce dont l’on est sûr, c’est que des individus – se réclamant de Bouaké – se sont mis en idée d’initier une cérémonie dite de « pardon au Chef de l’Etat Alassane Ouattara ». Rétablir l’image salie du Chef de l’Etat, ou à défaut, subir les représailles à venir y sont certainement pour quelque chose. Cela n’est pas à négliger. Bien entendu, même si cela est déplorable, il faut tout de même voir dans ce geste en désespoir de cause, un instinct de survie. Ces gens n’ont donc pas totalement torts, car nul n’ignore que chasse aux sorcières, traque, enlèvements, emprisonnements, tortures… sont encore monnaie courante sous l’actuel régime.
Ainsi, le « sabari day » (‘’jour du pardon’’, en malinké et en anglais) comme l’ont dénommé certains internautes, voit le jour. Malgré le discours musclé et très remarqué d’Hamed Bakayoko sur « les terres » de son adversaire déclaré, c’est bien le spectacle de ces pères et de ces mères de famille agenouillés pour demander pardon à Alassane Ouattara qui a le plus marqué les esprits, non sans y graver le spectre hideux de la dictature.
La scène se déroule bien à notre époque, ici chez nous en Côte d’Ivoire. On peut bien déplorer les casses et pillages, mais qu’un peuple s’agenouille pour demander pardon au Chef de l’Etat pour avoir manifesté – ce qui est et reste d’ailleurs son droit le plus fondamental – contre ce qui apparait nettement comme une augmentation abusive du coût de l’électricité, est impensable… Sauf en Côte d’Ivoire, bien sûr, sous d’Alassane Ouattara.
C’était tout simplement Ahurissant et du jamais vu ! Les images, de ces gens de Bouaké agenouillés – implorant le pardon du chef Ouattara – ont fait le tour du web sans manquer de susciter, au passage, des réactions diverses et des plus indignées, y compris au sein de même des partisans du chef de l’Etat. Ainsi, plusieurs jours après la scène ubuesque, les commentaires vont encore bon train sur la toile : « c’est fou comme l’esprit humain est capable de s’aliéner en produisant les scénarios les plus catastrophiques », remarque une internaute. « Cette image m’a révulsé, dire qu’ils ont des enfants qu’ils éduquent ! Quelle déchéance ! » ; « Tout simplement pathétique » ; « Pitreries d’individus mal affranchis. Que des nègreries » ; « Indignité, grande tristesse » ; « Cela nous ramène aux temps du maître colon tout ça. Quelle honte quel manque de dignité » ; « Ils ignorent que le droit de manifestation est fondamental et ils se plaisent dans cette aliénation. Diantre que de griots aux ordres politiciens » ; « Plus rien m’étonne encore avec ce régime » ; « Quel gouvernant s’est agenouillé pour demander pardon aux populations frustrées ? »… s’offusquent d’autres. Mais l’un des commentaires les plus remarquables a été celui-ci : « Le folklore continu, rendant de moins en moins probable cette émergence promise à coups de mesures plus problématiques que convaincantes. Mais bon, c’est le propre des démocraties bananières. En général, c’est ce que dit le (guide) présidentiel et/ou spirituel qui est sacré et ne peut souffrir d’aucune contestation. Vraiment DOMMAGE que ce soit sous le règne de celui en qui nous avons placé notre confiance pendant ces décennies de turbulences politiques. Aujourd’hui, avec ce spectacle que nous voyons, nous sommes bien loin de la promesse des fleurs… ». Et une autre internaute de conclure sur un ton complètement dépité : « Wallaye ça fait honte ! Ça fait honte pour ceux qui se sont agenouillés comme des gamins ou comme au temps de l’esclavage ou du colonialisme et ça fait honte pour ceux qui leur ont demandé de s’agenouiller ou qui ont approuvé qu’ils le fassent !». J’ai envie de dire après elle : vraiment, wallaye*, ça fait pitié !
Marc Micael
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