Ceci est une réponse à l’article Critiques à l’article ‘La France responsable du retard économique des pays Franc CFA’
Dr. Prao Séréphin, Économiste
Les africains aiment bien les flatteries et la condescendance. Ils sont très nombreux, les experts occidentaux qui encensent les économies africaines. Et pourtant, notre continent enregistre les pires statistiques possibles. Dans ma jeune carrière d’universitaires, j’ai toujours essayé de poser les problèmes africains avec distanciation et lucidité. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire enregistre des taux de croissances positifs sans changement notable de sa structure économique. François Perroux nous interdisait depuis longtemps sur ces excès d’enthousiasme car dit-il, la croissance est un changement mental et structurel qui rend apte une société à faire cumulativement et durablement son produit intérieur brut. Je continue de croire que les pays de la zone franc sont mal partis par rapport aux économies anglophones.
Les pays de la zone franc ne sont pas meilleurs que les pays hors zone franc
Les pays de la zone franc ne sont pas mieux lotis en termes de performances macroéconomiques à comparer aux pays africains hors zone franc. Une synthèse de nombreux travaux comparant les performances est présentée chez Hadjimichael et al. (1995) Lorsqu’on compare les taux de croissance du PIB des pays africains de la zone franc et des pays hors zone, il apparait que les années 60 et 70 sont marquées par des résultats supérieurs pour les pays de la zone franc (5% contre 4,4%) alors qu’il y a inversion au cours de la décennie 80, plus précisément entre 1985 et 1991 (1% contre 3,7%), sur l’ensemble des trois décennies, les résultats sont, en revanche, comparables. On note également une plus grande instabilité des taux de croissance au sein de la zone. L’écart-type du taux de croissance a été entre 1971 et 1987 de 7% contre 4,5% pour les pays voisins. De 1980 à 1994, les écarts du PIB réel par rapport à sa tendance à long terme ont été supérieurs.
En 2010, la situation n’est guère reluisante pour les pays de la zone franc.
La Côte d’Ivoire demeure en dépit de la crise militaro-politique qu’elle traverse depuis 2002, le premier pays africain de la zone franc en termes de PIB réel (22 milliards de dollars) . Pourtant, le franc CFA n’a pas permis à ce pays de faire mieux que les pays hors zone franc . Les pays comme l’Algérie (4478), l’Angola (4812), l’Ethiopie (365), le Kenya (888), le Maroc 2868), le Nigeria (1324), le Soudan (1643), la Tanzanie (543), la Tunisie 4160),le Botswana (6796) pour ne citer que ces pays, ont chacun un PIB réel supérieur à celui de la Côte d’Ivoire (le premier en termes de PIB réel en 2010 de la zone franc), comme l’indique le tableau 3 ci-dessous. Certains de ces pays font mieux en matière d’espérance de vie. Au sein des PAZF, le Togo (63), le Benin (62) et le Gabon (61) occupent le peloton de tête en termes d’espérance de vie. Les pays qui ont accédé très tôt à leur souveraineté monétaire ont des espérances de vie plus élevées que les trois pays cités ci-dessus. Il s’agit par exemple de la Tunisie (74), de l’Algérie (73), du Maroc (72), de Maurice (72) et du Cap-Vert (72). En 2013, sur les 36 pays ayant atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE, 11 sont des pays de la zone franc.
En 2015, selon l’AFD , le Nigeria a maintenu un régime de la croissance économique stable, qui a permis une progression significative du niveau de richesse par habitant, lequel a plus que doublé en termes réels depuis le début de la décennie 2000 (à plus de 3 000 USD).
La Côte d’Importe tout du Nigeria
Alors qu’il a connu entre 2008 et 2015, un taux de croissance régulièrement à plus de 6 %, le géant africain qu’est le Nigeria, a ralenti ces derniers mois à cause de la chute des cours du pétrole. Mais le Nigeria reste un grand fournisseur de la Côte d’Ivoire. Les importations totales en 2015 s’évaluaient à 6570 milliards Fcfa, soit 2% des importations de marchandises de l’Afrique. Selon une analyse des données économiques de la Côte d’Ivoire par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), les principales sources d’importation de la Côte d’Ivoire sont le Nigeria (21,8%), la France (11,7%), la Chine (11%). Les produits concernés par ces échanges, selon la banque, sont entre autres le carburant, les biens d’équipements et les produis alimentaires. En revanche, les exportations de marchandises de la Côte d’ivoire en 2015, sont évaluées à 7100 milliards Fcfa, soit 2,9% du total des exportations de marchandises de l’Afrique. Le Ghana (9,1%), les Etats Unis (8,5%), le Nigeria (7,9%), les Pays Bas (7,4%) et le Gabon (5,4%) sont les cinq principales destinations des exportations des produits ivoiriens. Rappelons que depuis 2005, le Nigeria est le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne. En 2014, les exportations se sont chiffrées à 1,52 milliard d’euros.
La Côte d’Ivoire est très mal classée au niveau du développement humain
L’indice de développement humain (IDH) tient compte de 3 variables principales : l’Espérance de vie à la naissance, le nombre moyen d’années d’études suivi par un adulte et la richesse nationale par habitant.
Ici encore, en 2015, en Afrique, 3 pays sur 54 parviennent à se classer dans le groupe des pays développés (high development), il s’agit de Maurice, des Seychelles et de l’Algérie.
14 pays se placent parmi les pays moyennement développés, parmi lesquels la Tunisie (5e), le Gabon (8e), le Maroc (11e) ou encore le Congo (13e). Parmi les pays peu développés, on notera tout de même le classement peu glorieux de la Côte d’Ivoire (37e), derrière le Ghana, le Nigeria, le Togo, le Bénin et le Sénégal. En 2013, le pays africain possédant le meilleur IDH est la Libye, pays pourtant secoué par un conflit armé. Avec un indice de 0.784, la Lybie devance Maurice (0.771), les Seychelles (0.756), la Tunisie (0.721) et l’Algérie (0.717). là où le Nigeria enregistre un score de 0,51 en 2014, la Côte d’Ivoire doit se contenter de 0,48.
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