Dakar, Sénégal, Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International
Les autorités ivoiriennes doivent abandonner toutes les poursuites engagées contre trois militants de l’opposition dont le procès s’ouvre lundi prochain, a déclaré Amnesty International aujourd’hui.
Djandou Prospère, Messihi Jean Léopold et Djoman Gbata Ange Patrick, des militants du Front populaire ivoirien (FPI, opposition) ont été arrêtés le 15 juillet dernier dans la commune de Yopougon à Abidjan, la capitale, alors qu’ils recueillaient des signatures pour la libération de l’ancien président Laurent Gbagbo.
Des poursuites pénales pour de tels faits constituent un nouveau coup dur porté contre la liberté d’expression en Côte d’Ivoire où des membres de l’opposition sont fréquemment harcelés et leurs droits constamment bafoués
Ils ont été inculpés « d’attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité publique ». Leur procès s’ouvre ce lundi 25 juillet et ils risquent une peine pouvant allant jusqu’à un an de prison.
« Des poursuites pénales pour de tels faits constituent un nouveau coup dur porté contre la liberté d’expression en Côte d’Ivoire où des membres de l’opposition sont fréquemment harcelés et leurs droits constamment bafoués », a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Etant donné la nature arbitraire de ces arrestations et des charges portées à leur encontre, les autorités doivent abandonner les poursuites contre ces trois personnes. Agir autrement risque par ailleurs de nourrir les craintes selon lesquelles il s’agit d’une nouvelle tentative pour intimider les dissidents et réprimer l’opposition ».
Au lendemain de leur interpellation, Amnesty International s’est rendu sur les lieux et a pu s’entretenir avec des témoins. Ces derniers ont déclaré que les personnes arrêtées recueillaient des signatures pour la libération du président Laurent Gbagbo dont le procès se déroule en ce moment à la Cour pénale internationale.
Cette pétition est une initiative commune de l’écrivain ivoirien Bernard Dadié, et d’un ancien Premier ministre du Togo Joseph Kokou Koffigoh.
Amnesty International rappelle que, dans ses articles 9, 10 et 11, la Constitution de Côte d’Ivoire garantit la liberté d’expression et les libertés de réunion et de manifestation. Nul ne peut, de ce point de vue, être inquiété pour ses opinions. De plus, la Côte d’Ivoire est partie au Pacte International des droits civils et politiques qui garantit la liberté d’expression et de réunion pacifique en ses articles 19 et 21.
Ces arrestations interviennent dans un contexte où plusieurs opposants sont maintenus en détention. En effet, au cours de l’année 2015, plus de 50 personnes, essentiellement de l’opposition politique, et principalement des sympathisants et membres du FPI, ont été arrêtées à Abidjan et dans d’autres villes du pays. Elles ont, pour la plupart, été accusées et inculpées d’atteintes à l’ordre public et de participation à des manifestations pacifiques non autorisées.
Trois personnes ont été relaxées en mars dernier pour délit non constitué. Elles ont été maintenues en détention durant une période allant de cinq à dix mois. D’autres ont été libérées après des condamnations et certains dont Nestor Daï, secrétaire national de la jeunesse du FPI, Justin Koua, administrateur, et Hubert Oulaye, ancien ministre, demeurent en détention sans procès depuis leur arrestation en mai et juillet 2015, accusés de violation d’une décision de justice, rébellion et atteinte à l’ordre public.
Amnesty International considère Djandou Prospère, Messihi Jean Léopold et Djoman Gbata Ange Patrick comme des prisonniers d’opinion simplement détenus pour avoir pacifiquement exercé leurs droits humains, dont ceux ayant trait à la liberté d’expression et de réunion. Ils doivent immédiatement et sans condition être libérés.
Continuer à cibler des opposants avec de flagrantes violations des droits humains ne peut pas servir la justice et la réconciliation nationale tant prônées par les autorités en Côte d’Ivoire
Au lendemain d’une mission d’Amnesty International en février et mars 2016 en Côte d’Ivoire, où des sujets de préoccupations tels le respect de la liberté d’expression avaient été soulevés, l’organisation avait écrit aux autorités mais n’a à ce jour reçu aucune réponse.
« Continuer à cibler des opposants avec de flagrantes violations des droits humains ne peut pas servir la justice et la réconciliation nationale tant prônées par les autorités en Côte d’Ivoire », a déclaré Gaëtan Mootoo.
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