Jean-Claude Djereke
Seuls les Ivoiriens ne s’étant pas prévalus d’une autre nationalité et nés de père et de mère eux-mêmes ivoiriens sont autorisés par la Constitution de 2000 à briguer la présidence de la République? Il répondra qu’il ne se sent pas concerné?
Le 19 septembre 2002, le pays, qu’il avait auparavant promis de rendre ingouvernable, est attaqué par une horde de voyous et d’illettrés? Il n’est pas au courant. L’attaque fait 300 morts et des milliers de blessés, ce jour-là ? Non seulement il n’est pas au courant mais il n’a rien à voir avec cette tentative de coup d’État car il se considère comme un démocrate, c’est-à-dire qu’il est pour la conquête du pouvoir par les urnes. Or, au moment où le candidat démocratiquement élu en octobre 2000 prêtait serment, le RDR avait dit à ses militants que le pouvoir était dans la rue et qu’ils devaient y aller pour le ramasser. Or, au cours d’un meeting tenu en 2003 à Korhogo, Koné Zakaria avouait : « quand on se préparait au Burkina, c’est Alassane Ouattara qui envoyait 25 millions de [F CFA] par mois. On n’a pas pris les armes pour IB [Ibrahim Coulibaly], on n’a pas pris les armes pour Soro mais pour Alassane”. Chérif Ousmane lui emboîtera le pas en révélant à Mankono que “c’est à cause de Alassane Ouattara qu’ils ont pris les armes et qu’ils ont pris les armes pour qu’il soit candidat”. Or, lors d’une visite à Bouaké en juin 2009, lui-même félicita les rebelles pour “la justesse de leur combat et pour les sacrifices consentis” , puis fit remarquer que c’était “un combat indispensable”
L’ancien ministre Assoa Adou est emprisonné pour avoir critiqué le régime? Il n’est pas au courant.
Les factures d’électricité sont illégalement gonflées par des agents malhonnêtes? Il déclarera, le 1er mai 2016, qu’il n’est pas au courant et qu’il veillera à ce que les victimes de ces factures fantaisistes soient remboursées.
La France, “patrie des droits de l’homme”, décrète un embargo sur les médicaments ainsi que la fermeture des banques, deux crimes contre l’humanité qui provoqueront la mort de milliers d’Ivoiriens? Il n’est pas au courant.
Le 29 mars 2011, plus de 800 personnes sont exterminées à Duékoué par les FRCI, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)? Il n’est pas au courant.
Les microbes, adolescents délinquants et drogués, tailladent et tuent les gens à Adjamé, à Yopougon et à Koumassi? Il n’est pas au courant. Sinon, il aurait pris des mesures vigoureuses pour que le mal soit jugulé vite et bien.
Des routes devenues impraticables aussitôt après avoir été bitumées? Il n’est pas au courant.
Des fonctionnaires détournent les deniers publics? Il n’est pas au courant.
Des familles ivoiriennes, dépossédées de leurs terrains par des étrangers se permettant des choses qu’un Ivoirien n’oserait faire chez eux, sont désormais condamnées à dormir à la belle étoile? Il n’est pas au courant.
Nous avons ainsi affaire à un individu qui n’est jamais au courant de ce qui se passe autour de lui, du mal et des souffrances que lui et ses hommes font subir aux Ivoiriens depuis 1989. Pourquoi n’est-il jamais au courant? Parce qu’il n’a jamais voulu assumer, parce qu’il a toujours eu le comportement d’un lâche comme l’autre qui ignorait qu’il y avait un coup d’État contre Thomas Sankara, qui dormait quand Jean-Baptiste Boukari Lingani et Henri Zongo étaient froidement exécutés ou qui n’était pas là quand le journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses compagnons étaient calcinés dans leur voiture. Pour échapper à la sanction du peuple burkinabè, il est devenu ivoirien mais pour combien de temps? Car, pour Roch-Christian Kaboré, “quand on a été pendant 27 ans président d’un pays, il faut assumer ses responsabilités devant son peuple”. Bref, les deux hommes, qui ont toujours rêvé de mettre le grappin sur notre pays, ne savent jamais. Quant à nous, nous savons une chose: “On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps” (Abraham Lincoln). Nous savons aussi que “364 jours pour le voleur, un jour pour le propriétaire. Le jour du propriétaire est-il arrivé en Côte d’Ivoire? Sommes-nous dans ce que les Grecs appelaient le Kairos, ce temps favorable et opportun? Quand un peuple se tait, on peut avoir l’impression qu’il a abdiqué, qu’il a renoncé à se battre, qu’il est complice de ceux qui le font souffrir. Mais il suffit d’une injustice de trop, d’une pilule amère de trop, pour qu’il sorte de son silence et de son indifférence. Incontrôlable et indomptable, il est alors en mesure de renverser tout ce qui se trouve sur son chemin. Le peuple ivoirien, qui n’a jamais été autant malmené et spolié, s’est-il réveillé? Nous ne le croirons véritablement que si les protestations contre la vie chère et la dictature, qui ont commencé à Yamoussoukro et à Daloa, s’étendent à toutes les villes du pays, si les parents d’élèves bravent la peur pour se joindre aux étudiants dont le seul crime est de revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail, si toutes les couches sociales, réalisant que “trop, c’est trop” et que la situation est devenue intenable pour la majorité des Ivoiriens, descendent et restent dans la rue jusqu’au départ d’un régime qui, tout bien pesé, aura fait beaucoup de promesses mais n’aura réalisé que peu de choses pour les Ivoiriens.
Jean-Claude Djereke
Les commentaires sont fermés.