C’est bientôt les élections législatives en Côte d’Ivoire. Mais alors que la question taraude tous les esprits, personne, encore moins le gouvernement ou le parlement ne s’en offusque : La fâcheuse question du cumul des mandats.
Elle est fâcheuse parce que gênante sinon très sensible à l’évocation. Et enfin parce que profitable à ceux là même qui doivent en tirer les conséquences. Le gouvernement qui propose le projet de loi et le parlement qui examine et vote la loi.
En effet, élu pour représenter la Nation, le député participe à l’exercice de la souveraineté nationale. Il vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. Il bénéficie d’un statut protecteur, conçu non comme un privilège mais comme un moyen destiné à lui assurer l’indépendance et la liberté d’expression nécessaires à l’exercice de son mandat. Cette protection spécifique est consacrée par le principe des immunités parlementaires, qui trouvent leur fondement dans la Constitution elle-même.
En outre, la reconnaissance d’un statut spécifique impose des contreparties, le mandat devant être préservé de toute influence pouvant en contrarier le libre exercice. Aussi les parlementaires sont-ils soumis à diverses obligations et interdictions.
Et si le député bénéficie d’une immunité parlementaire « aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions », celui-ci reste soumis au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs qui prend en compte l’incompatibilité de son statut de Député avec certaines fonctions. Quelles soient électives ou non.
En France, pays ami de la Côte d’Ivoire et dont les textes juridiques ont beaucoup inspiré les gouvernants Ivoiriens, il vient d’être décidé ce qui suit : « Aux termes de la loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, sera interdit, à compter du premier renouvellement de chaque assemblée parlementaire après mars 2017, tout cumul du mandat parlementaire avec les fonctions de maire, adjoint au maire, président d’un établissement public de coopération intercommunale ou toutes fonctions déléguées par un exécutif local. Cette incompatibilité s’étend également aux fonctions dérivées d’un mandat local, telles que la présidence ou la vice-présidence d’une société d’économie mixte ou d’un établissement public local. »
Dans notre pays, cette réflexion est-elle menée et à quand sa faisabilité quand on sait qu’aujourd’hui, nombreux sont les élus qui ignorent les prérogatives et limites de leur fonction.
Selon un article publié dans La Nouvelle Tribune en février 2013 « en Côte d’Ivoire, certaines populations ne voient pratiquement jamais leurs élus. Ils vivent à Abidjan où ils ont d’autres activités ou fonctions. Lorsqu’on est ministre, puis député, maire ou président d’un Conseil régional, il semble vraiment très difficile de répondre favorablement aux attentes des populations. Elles choisissent souvent ces personnalités parce qu’elles pensent et espèrent qu’elles peuvent les aider à améliorer leurs conditions de vie. En général, ces dernières donnent délégation à leurs seconds pour administrer leur localité ou les représenter au Parlement. Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser ces seconds être pleinement les élus de la localité, afin qu’ils soient totalement disponibles pour leurs populations(…) A chaque élection, ce sont pratiquement toujours les mêmes cadres, dans chaque parti politique, qui sont choisis. Ils sont parfois déjà ministres, directeurs de cabinet, directeurs généraux d’administration centrale ou de société d’Etat ou très hauts fonctionnaires. Ils sont souvent aussi, en plus de leur fonction officielle, député, (déjà maires pour certains) et sont à nouveau candidats, tête de liste…. Lorsque l’électeur sait qu’un ministre, déjà député, est candidat pour la présidence d’un Conseil régional ou la mairie, il devient légitime qu’il s’interroge sur la pertinence de ces cumuls. Comment peut-on être efficace et disponible pour la population quand on a autant de mandats et de fonctions à gérer en même temps ? » Le débat est ouvert.
Philippe KOUHON, journaliste. Consultant en communication
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