A l’observation, relativement au projet de réforme constitutionnelle, l’exécutif est en train de perdre la bataille des idées. En effet, en réaction contre l’idée d’une assemblée constituante, le gouvernement répond que celle-ci n’est nécessaire qu’en cas de dysfonctionnement des institutions. Ce qui, à l’évidence, n’est pas le cas depuis mai 2011. Bien que respectable, cette argumentation ne résiste pas à la critique. Si tant il est vrai que les institutions fonctionnent bien, pourquoi, donc, chercher à modifier voire changer le socle juridique et idéologique qui structure leur organisation et fonctionnement ?
De ce qui précède, dans la logique analytique du pouvoir, l’opportunité d’une troisième république reste non pertinente. Quelle belle contradiction ? Et pourtant, la rébellion de 2002, la crise postélectorale de 2010 sont illustratives de l’échec de la deuxième république. D’où la justesse de l’idée d’une troisième république.
Une autre argumentation avancée par l’exécutif, pour justifier son approche méthodologique, est l’absence, contrairement à la révision constitutionnelle, de références juridiques en matière d’adoption d’une nouvelle constitution. Deux observations. D’abord, au niveau interne, le précédent de 2000 existe. Et sur le plan international, les exemples surabondent. Il existe donc une coutume constitutionnelle. Celle-ci met fin au vide juridique. Oui, la coutume est une source directe du droit. Ensuite, pour une question de cohérence méthodologique, si l’exécutif est légitime pour élaborer la contexture constitutionnelle, pourquoi ne le serait-il pas pour l’adopter ? Cette procédure aurait le mérite d’éclairer, davantage, la doctrine sur la nature du système politique ivoirien. Le recours au peuple en aval de la procédure d’établissement de la nouvelle constitution est, intellectuellement, difficile à comprendre. Comment celui qui est inapte, incapable d’élaborer une constitution peut-il être, subitement, compétent pour l’adopter ? Pour voter, il faut comprendre. Peut-on être sans avoir été ?
Le porte-parole de l’exécutif, tout en magnifiant l’efficacité de la méthode présidentielle, ne manque pas de déconstruire celle de l’assemblée constituante qui serait le cadre de débats idéologiques et philosophiques chronophages couronnés par l’Abidjanaise. Mais où se situe le problème ? Dans la gouvernance rationnelle et moderne, la réflexion précède toujours l’action. Et justement, parce que perchée au faîte de la hiérarchie des normes juridiques, la constitution est le creuset idéologique et philosophique, par excellence, de la République, de la Nation. Et puis, en quoi, in fine, entonner l’Abidjanaise, symbole de la fierté nationale relèverait-il du folklore ? Porter la parole, à l’évidence, n’est pas chose aisée.
Autre chose, pourquoi ne pas substituer la juxtaposition de nos différentes argumentations, par réseaux sociaux et presse écrite interposés, par des débats publics contradictoires, à la radio, à la télévision ? La grande audience de ces deux médias de service public permettrait aux politiques, aux intellectuels et aux acteurs sociaux de nourrir le débat politique tout en permettant aux populations de comprendre davantage les enjeux de la présente réforme constitutionnelle. Exigence démocratique oblige. A moins qu’on nous rétorque que, dans l’espèce, la seule parole de l’exécutif suffit.
Une interrogation, pour finir. Dans une démocratie, qui a raison, un homme ou le peuple ?
Geoffroy-julien Kouao
Juriste et Analyste Politique
Geoffroykouao@gmail.Com
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