Le personnel de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) réclame ses indemnités de départ et le payement à temps de ses cotisations
Pour commencer une mise au point. On entend dire en ville que les agents localement recrutés de l᾿Opération des Nations Unies en Côte d᾿Ivoire refusent la fermeture de cette mission. On entend même dire que ces agents seraient manipulés par des mains occultes pour exiger des indemnités. Ceci est archifaux ! Sur le premier point, il n᾿a jamais été question pour les agents de s᾿opposer à une décision du conseil de sécurité.
De plus en s᾿engageant à l᾿ONUCI chaque agent savait depuis le premier jour que la mission fermerait tôt ou tard et s᾿était préparé à cette éventualité. Tous autant qu’ils sont, étaient conscients depuis le début qu’une Mission de paix dans un pays est une grosse anomalie et même un frein aux investissements et donc au développement économique. Parce qu’ils aiment leur pays ces agents ne sauraient aller contre les intérêts de leur pays.
Le second point relève d᾿une grave méprise. De passage en Cote d’Ivoire en 2006 l’ex-Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan avait dit de ces agents qu’ils étaient de loin les meilleurs de toutes les Missions. Ce n’était pas une flatterie de politiciens en mal d’inspiration. Les agents de cette Mission onusienne sont des professionnels aguerris. Certains ont été des cadres dans des entreprises de la place pendant parfois plus de dix ans. D’autres ont été agents de la fonction publique de ce pays ou des institutions internationales.
En d’autres termes les agents localement recrutés de l’ONUCI sont des personnes suffisamment intelligentes, suffisamment mures pour connaître leur droit pour décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Personne ne les manipule et personne ne peut les manipuler. Dire le contraire, c’est faire un mauvais procès à des gens qui ont su se battre pour faire accepter la présence même et le mandat de cette Mission au sein de la population, qui ont des préoccupations légitimes et qui ont décidé de revendiquer des droits absolument légitimes.
Ces préoccupations sont deux ordres. Une troisième s’y est greffée très récemment. La première concerne les pensions et les cotisations du personnel. Les agents ont constaté que certains de leurs collègues retraités depuis 2011 n’ont pas à ce jour, perçu leur pension. Pour eux, si les dossiers de ces personnes qui ne représentent même pas le tiers du personnel actuel n’ont pas encore été traités, il n’est pas évident que ceux de tout le personnel qui sera renvoyé d’ici à Avril 2017 le soit dans un délai raisonnable.
Combien de temps va prendre le traitement des 713 dossiers surtout lorsqu’ ils apprennent grâce au responsable du bureau des pensions à New York que ce ne sont seulement que quatre à cinq personnes qui sont en charge des milliers de dossiers de retraite au sein de toutes les Nations Unies.
Pour eux un mécanisme très simple grâce aux propositions du personnel peut être mis en place pour que le versement soit fait au moment de leur départ ou dans un délai raisonnable d’un mois. Il souhaite avoir des informations plus claires et précises sur l’avenir de leurs dossiers ici en Cote d’Ivoire quand la Mission sera fermée et que le service du personnel en charge de ces dossiers en ce moment sera lui aussi fermé. Malheureusement, toutes les décisions aussi simples que celles-ci concernant le personnel et engageant leur avenir sont prises par une administration complètement fermée à tout échange et donc fermée à toute prise en compte des avis des travailleurs grâce à qui pourtant les Nations Unies peuvent aujourd’hui se vanter d’avoir écrit dans les anales de l’histoire de ses Missions de paix une succes story .
Le second point concerne les indemnités de licenciement. Le statut du personnel en son article 9 en son alinéa 3 stipule en son point a ce qui suit : « Le Secrétaire général peut, par décision motivée, mettre fin à l’engagement de tout fonctionnaire nommé à titre temporaire, pour une durée déterminée ou à titre continu conformément aux conditions attachées à sa nomination ou pour l’une des raisons ci-après : Les nécessités du service imposent la suppression du poste ou une compression d’effectifs;
Au point c de cet article 9 il est clairement écrit que lorsque le Secrétaire général met fin à l’engagement de tout fonctionnaire, l’intéressé doit recevoir le préavis et l’indemnité prévus par le Statut et le Règlement du personnel. Le Secrétaire général effectue le versement des indemnités de licenciement conformément aux taux et conditions indiqués à l’annexe III du présent Statut.
Le personnel de l’ONUCI demande l’application de ces textes écrits noir sur blanc dans le statut du personnel. En effet, leurs situations relèvent purement de la suppression de poste et de la compression d’effectifs, d’autant que la Mission ne ferme effectivement qu’en avril 2017 et que l’initiative vient du Secrétaire général.
Malheureusement, les instances de l’ONUCI refusent d’écouter ses simples revendications et d’en discuter avec le personnel. Elles préfèrent faire dans le dilatoire en se referant à l’article 9.4 et à l’annexe 3 du statut du personnel. L’article 9.4 sort du contexte. Pour ce qui est de cette annexe dans son alinéa di, dii et diii, elle affirme que l’indemnité n’est pas versée au fonctionnaire qui se démet de ses fonctions, sauf si l’intéressé a déjà reçu un préavis de licenciement et si la date de cessation de service est fixée d’un commun accord.
L’indemnité n’est pas versée au fonctionnaire titulaire d’une nomination temporaire ou d’une nomination de durée déterminée qui cesse ses fonctions à la date indiquée dans la lettre de nomination et au fonctionnaire licencié sans préavis.
Dans l’entendement des instances de l’ONUCI il suffit de faire coïncider le licenciement du personnel avec la date de la fin du contrat pour éviter de verser des indemnités. Pourtant cette vision ne repose sur aucune base légale. L’alinéa dii sur lequel elles se sont appuyées est pourtant explicite et clair. Il précise que c’est quand le fonctionnaire cesse (stoppe, abandonne, arrête) de travailler à la date de la fin de son contrat qu’il n’y a pas d’indemnité. Le sens du verbe cesser qui est utilisé ici ne souffre d’aucune ambiguïté. Il indique une décision personnelle du fonctionnaire. Son contrat ayant pris fin, le fonctionnaire ne se montre pas au lieu de travail. Ce texte ne saurait être l’objet d’une quelconque autre interprétation.
En tout état de cause c’est le Secrétaire général qui a pris la décision de mettre fin au contrat et il s’agit bien d’une suppression de postes. D’ailleurs, tous les préavis de non renouvellement de contrat adressés au personnel la stipulent très clairement. Il s’agit bel et bien d’un licenciement qui tombe sous le coup de l’article 9.3 du statut du personnel. D’ailleurs en la matière il y a une jurisprudence qui sera développée dans le point trois de cet exposé.
La troisième et dernière préoccupation : les préavis de licenciement. Depuis le 29 mai 2016 des emails ont été envoyés à plusieurs collègues pour leur signifier le non renouvellement de leur contrat. Ces emails sont arrivés dans la boite email de certains agents à 20 heures 23, 21 heures 11, 22 heures etc., totalement en dehors des heures normales de travail qui se situent entre 8 heures 30 et 17 heures 30. D’autres ont reçu leurs emails de notification de fin de non renouvellement de contrat le lendemain.
Pire, deux jours après le début de cette offensive ces curieux courriers continuaient à arriver mais cette fois en faisant avancer la fin de contrat au 2 juillet 2016 au mépris de toutes règles de séparation. Le personnel a appris que ces licenciements désordonnés se feront de façon hebdomadaire désormais.
Le personnel tient à rappeler à l’administration que le 8 octobre 2008 le tribunal des contentieux administratifs des Nations Unies, l’instance interne des règlements de conflits statuant sur un cas de suppression de poste coïncidant avec la fin de contrat avait donné raison au plaignant en estimant que son droit à un traitement juste et équitable avait été violé et avait ordonné à l’administration de lui verser neuf mois de salaire.
En effet, le poste de la victime, un membre du personnel de l’UNEP devait être supprimé. Et son administration comme le fait depuis 2014 celle de l’ONUCI avait décidé de faire coïncider cette suppression avec la fin de son contrat pour ne pas lui payer des indemnités. Le tribunal a estimé dans son jugement N1389 du 8 octobre 2008 du plaignant contre le Secrétaire général que c’était un devoir pour l’administration d’être de bonne foi dans la gestion du personnel surtout dans la gestion des questions comme de la suppression des postes.
Il a estimé que l’administration a failli dans l’application de l’article 109.1 qui demande à l’administration de mettre la victime d’une suppression d’un poste sur un autre poste vacant. Mieux, le tribunal a qualifié d’injuste cette situation qui consiste à se séparer de personnes avec qui on a travaillé pendant des années sans aucune compensation en retour.
La décision du tribunal le 8 octobre 2008 est une jurisprudence qui fait force de loi. Elle s’impose à toutes les administrations des Nations Unies y compris l’ONUCI. A partir du moment où le tribunal a tranché dans un cas similaire en faveur du plaignant, il n’y a plus aucun débat sur la légalité de payer les indemnités aux travailleurs dont les postes sont supprimés. Peu importe la manière. La question n’est plus est-ce que les indemnités doivent être versées. La question est plutôt comment les indemnités doivent être versées au personnel de l’ONUCI. L’annexe 3 du statut du personnel répond à cette question !
En tout état de cause les agents de l’ONUCI trouvent absolument injuste que l’on veuille les priver des droits qui leur sont dus en usant de subterfuges inélégants et sans aucune base juridique et légale. Pire, en les faisant passer pour de grands enfants gâtés et méchants égoïstes qui refusent la fermeture de la mission. L’administration en le faisant, a largement enfreint l’article 8, alinéa 1 du statut du personnel.
Enfin une question. Comment expliquer en effet que l’ONUCI qui a pu insérer des ex-combattants dans le tissu social, fait de la cohésion sociale, semer la paix dans ce pays, réaliser ce que ses instances appellent la success story, décide de rejeter ceux qui ont participé à ce succès comme des bons à rien.
LE PERSONNEL LOCALAMENT RECRUTÉES DE L’ONUCI ne quémande rien, n’exige rien de qui que ce soit. Il ne refuse pas la fermeture de la Mission comme les mauvaises langues le font croire.
Il veut juste ses indemnités prévues par les statuts du personnel en son article 9 alinéa 3 et en son annexe 3 dont la mise en œuvre a été appuyé et renforcé par la décision du tribunal des contentieux le 8 octobre 2008. Il réclame enfin le payement à temps de ses cotisations.
Le Collectif du personnel de l’ONUCI
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