Grand serviteur de l’État
Le président du Conseil régional du Guémon, Evariste Méambly, à travers les lignes qui suivent, rend un hommage appuyé au Préfet hors grade, Parfait Djadji Gohourou, ex-Directeur général de la Décentralisation et du développement local, décédé le 25 avril 2016. Sa rencontre avec celui qu’il appelle affectueusement « mon petit papa », ses conseils à son filleul au moment de grandes joies, comme son élection en tant que député de Facobly, au moment de dures épreuves comme la perte de sa fille, « le fils spirituel » restitue pour la postérité ses relations avec ce grand serviteur de l’Etat. Avec des mots forts.
1-Rencontre Méambly Gohourou en 1985
«J’ai connu Parfait Gohourou en 1985, après mon Bepc, au collège moderne d’Adjamé. Grâce à ma mère adoptive, Mme Etté Liliane, ancienne Directrice des ressources humaines d’une société de la place. Une Européenne qui m’a adopté très tôt et chez qui je vivais au Plateau et qui m’a aidé à terminer mes études à l’école de commerce. Elle voulait que je fasse une carrière dans l’administration ivoirienne. Pour cela, à ce jeune âge, elle m’a donc envoyé faire un stage de 3 mois d’archivage, pendant mes vacances scolaires, dans les anciens locaux de la Direction du territoire, non loin de la Primature. Où Parfait Gohourou était tout jeune sous-préfet, secrétaire du haut dignitaire du Pdci-Rda, M. Ipaud Lago. C’est là que ma mère adoptive voulait que j’embrasse la carrière « d’énarque ». Le sous-préfet Parfait Gohourou, sur les propositions de ma mère adoptive, m’a donc affecté aux archives qui dataient de Mathusalem. J’étouffais parfois à cause de la poussière. Et le jeune sous-préfet Parfait Gohourou me disait : « Ta mère me demande de t’utiliser au maximum. Mais tranquillise-toi, si tu te sens fatigué, ferme la porte, et repose-toi ». Ce que je faisais des fois. Mais après, je me suis dit, si je perds mon temps à dormir, je ne sais pas ce que je vais apprendre auprès de ce brave Monsieur pendant les trois mois de mes vacances. Surtout qu’il ne voulait pas que ses ordres soient perçus comme une corvée, mais plutôt une façon pour lui de me former sur les techniques d’archivages de la haute administration territoriale. A la fin de mon stage, je suis allé le voir. Je lui ai dit merci pour tout ce qu’il m’a appris. Surtout la patience et l’amour du prochain. Mais, je lui ai dit que je n’allais pas continuer cette carrière, parce que j’ai eu de l’estime pour lui et non un amour pour l’administration en général. Il m’a répondu que si j’aime sa personne plus que ce qu’il m’a appris, c’est qu’il a échoué. Je lui ai dit ceci : « ce n’est pas vous qui avez échoué, c’est plutôt ma mère adoptive qui a échoué ». Car, je ne voudrais pas travailler plus tard pour des leaders dans leur shadow-room. Je voudrais moi-même être leader. Je voudrais faire des études de commerce et de management pour gérer plus tard l’administration, la politique, l’économie, le social et que sais de plus. Alors, il me dit: « j’ai compris ; sache que je suis ton père désormais pour t’apporter mon expérience et mon expertise ». Plus tard, de mon retour d’Europe (Allemagne, Italie, Suède) pour des formations, j’ai créé ma 1ère société de négoce (riz, sucre, pâte alimentaire) et plus tard de transport (taxi compteur). Je suis allé lui offrir un sac de riz et je lui ai présenté un de mes taxis, estampillé « Ets Méambly, le transporteur de la famille ». C’était ma façon à moi de lui faire un petit bilan à mi-parcours. Il était content et m’a encouragé. Lorsqu’en 2000, je me suis présenté aux législatives et à la mairie à Yopougon, il était encore là pour me donner des conseils. Quand j’ai créé le Conasfor pour réconcilier les Fds et les Fafn, il m’a félicité pour cette démarche qu’il a jugée « noble ». C’est en 2011 qu’il a été plus précis en me demandant de me lancer dans la course à la mairie d’une commune d’Abidjan. Au dernier moment, mes parents ont voulu que je me porte candidat aux législatives à Facobly. Pour continuer à soutenir la région. J’y suis allé et j’y ai connu ce que l’on sait. Des élections reprises trois (3) fois. C’était des moments difficiles. Il était à mes cotés pour me soutenir avec les mots apaisants qui le caractérise. En février 2013, je lui porte l’information de mon élection en tant que député de Facobly et mon désir de me porter candidat aux régionales. Encore là, il a loué mon courage. Et fut la première personne à m’appeler pour me féliciter quand j’ai relevé cet autre défi des régionales dans le Guémon. Il m’a dit alors: « tu viens de franchir un autre palier. Tu es désormais président de toute une région. En somme un gouverneur. Chaque fois que tu auras besoin de conseils, n’hésite pas, si c’est dans le sens de la cohésion et de la paix pour tes parents de l’Ouest».
2-« Décès de mon Conseiller Aimé Aimé Diplo »
Le premier malheur qui nous a frappé, c’est la mort de mon Conseiller technique, Aimé Aimé Diplo, devenu plus tard un ami commun. Interné durant trois semaines à la clinique de l’Indénié, son état de santé était une préoccupation pour moi. Et cela a affecté mon humeur. Il l’a senti au moment où les élus de régions sont allés présenter leurs condoléances au ministre d’Etat, Ahoussou Jeannot, qui avait perdu sa sœur. Le préfet Parfait Gohourou a pris l’engagement d’intervenir auprès du ministre d’Etat, Hamed Bakayoko, à l’effet de toucher le président de la République, Son Excellence Alassane Ouattara pour obtenir une prise en charge afin de l’évacuer sur un hôpital étranger mieux équipé. En un temps court, ses démarches auprès du ministre d’Etat et du président de la République ont permis d’obtenir une subvention de 30 millions de F Cfa pour faire évacuer mon Conseiller technique sur la Tunisie. Les dispositions prises, il devait embarquer un vendredi. Malheureusement, deux (2) jours avant, c’est-à dire un mercredi, mon Conseiller décède. C’était un choc. Le Préfet Parfait Gohourou était encore là pour nous soutenir, moi et la famille du défunt. Après l’inhumation, plus tard, il apprend que les 30 millions de F Cfa obtenus par ses bons soins n’ont jamais été récupérés. C’est alors qu’il me convoqua à son bureau au Plateau. J’expliquai à mon petit papa que l’argent n’était pas destiné à inhumer mon Conseiller technique, mais plutôt à le faire soigner. Séance tenante, je lui ai présenté la lettre de remerciement au ministre d’Etat, Hamed Bakayoko et au président de la République pour leur sollicitude. Après cet éclairage, il m’a longuement fixé et m’a pris dans ses bras et nous avons encore pleuré. Après les pleurs, il m’a lancé cette phrase que je n’oublierai jamais : « Je ne me suis pas trompé sur ta personne, Méambly».
3-« Décès de ma fille, Méambly Johana »
Six à sept mois plus tard, ma fille Johana décède. Je suis totalement sonné. Mais, mon petit papa Parfait Gohourou était encore là durant les obsèques. J’ai toujours bénéficié de ses conseils, de ses largesses. Mais jamais, il n’a reçu un centime de moi Méambly, son « fils ». Je m’en veux, non pas parce que je n’ai pas essayé. Je m’en veux parce que je n’ai pas pu le convaincre d’accepter mes gestes. Nous avions des rapports de père à fils. Lorsque nous sommes allés présenter mardi les condoléances de la région du Guémon dont je suis le président, le porte-parole de la famille, le ministre Bamba Cheick Daniel, a dit quelque chose qui m’a fait couler les larmes. Il m’a dit : « Méambly, il faut qu’enfin la page noire formée par trois tristes événements, notamment la mort de ton Conseiller Aimé Diplo, le décès de ta fille Johana, et enfin le décès de ton père spirituel Parfait Gohourou s’arrête définitivement». Je voudrais à cette occasion rendre hommage au dynamique « frère siamois » de mon père, le ministre Bamba Cheick Daniel. Je voudrais rendre un vibrant hommage à feu Parfait Gohourou, à son épouse, à ses trois enfants dont la fille porte le prénom de mon épouse Nadia, à ses parents. C’était un grand serviteur de l’Etat. Il a servi les Ivoiriens du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest et du Centre. Il a servi le Pdci-Rda, le Fpi, le Rdr…, la société civile. Il a servi les religieux, notamment les musulmans et les chrétiens de Côte d’Ivoire…En un mot, il a servi la Nation ivoirienne. Il faut que les Ivoiriens saisissent cette occasion pour se réconcilier autour des obsèques du préfet hors grade, Parfait Djadji Gohourou. Que ton âme repose en paix !
Ton fils Méambly Evariste
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