Côte-d’Ivoire: Le témoin P-97 de Bensouda défend Blé Goudé et crée de sérieux soucis à l’accusation

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Jean-Serge Gbougnon

Le témoin P-97 parle de l’article 125, des pillages et de Martin Luther King

Par Antoine Panaite
Source: Ivoire Justice de Radio Pays-Bas Internationale

Pour la première fois depuis le début du procès, la défense de Charles Blé Goudé prend les rênes pour interroger le témoin. Jean-Serge Gbougnon insiste sur l’absence de preuves de responsabilité de son client dans les actions violentes discriminatoires. Quant à l’accusation, elle apporte quelques éléments à charge.

Avant que la défense ne prenne la parole, Eric Macdonald, le substitut de la procureure, termine son interrogatoire. Il brasse avec le témoin P-97 plusieurs sujets.

Formes de violence

Un des sujets traités est la bataille des jeunes contre les transporteurs abidjanais. Le témoin explique que certains voyaient les transporteurs (chauffeurs de taxis, bakas etc.) comme ceux qui « répondaient au mot d’ordre d’Alassane Ouattara de ville morte (…) en majorité les transporteurs sont étiquetés comme des partisans d’ADO ».

Par la suite, le témoin est interrogé sur les barrages et plus particulièrement sur « l’article 125 ». « C’était une forme de violence, explique le témoin. Elle consistait à prendre des gens, à les battre puis les brûler ». Le témoin ajoute que le 125 tient au fait qu’on jugeait à l’’époque qu’il fallait 100 francs d’essence pour asperger le corps de la victime puis 25 francs d’allumettes. L’accusation oriente ensuite son interrogatoire sur les discriminations.

Le témoin affirmera d’abord qu’il a vu des magasins pillés et que les propriétaires étaient en majorité des ressortissants de la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) et Macdonald diffusera une vidéo où l’on voit Blé Goudé dire que « les Mauritaniens ont laissé leurs boutiques ils sont partis (…) quand ils vont revenir ils vont trouver de nouveaux boutiquiers ».

Martin Luther King

Sur cette dernière déclaration, la défense de Blé Goudé y reviendra brièvement en soulignant l’absence, supposée par la défense, d’un rôle joué par Blé Goudé dans la discrimination des ressortissants de la CEDEAO. Jean-Serge Gbougbnon, avocat de Charles Blé Goudé revient donc sur les différents points abordés par le témoin avec Macdonald. Le témoin réitère par exemple la différence qu’il considère entre les groupes patriotiques favorables à l’action violente et ceux favorables à l’action pacifique. « L’Alliance (l’AJSN) prônait le verbe comme moyen de libération du pays (…) dans le prolongement de la lutte de Martin Luther King », dit-il. Il ajoute : « De l’autre côté, on préférait plutôt (…) la lutte armée. »

Gbougnon revient aussi sur les problèmes de rivalités au sein de la Galaxie patriotique. Il demande au sujet d’un ancien leader d’un groupe de la Galaxie : « M. Blé Goudé donnait-il des ordres à M. Eugène Djué ? ». Réponse du témoin : « M. Djué était le maréchal. » Cette réponse résonne comme un non.

Menaces contre les étrangers

Le témoin est aussi invité à revenir sur la xénophobie présente lors de la crise de 2010-2011. Gbougnon l’interroge : « Les ressortissants de la CEDEAO (…) sont-ils partis suite à une demande expresse de Charles Blé Goudé ? » « Je ne sais pas », répond le témoin qui ajoute qu’il pense que c’est surtout le contexte de troupes venues de pays de la CEDEAO qui importait. Il explique que les gens pouvaient menacer ces ressortissants en leur disant par exemple que « s’il y a des gens de ton pays qui viennent, vous aurez à faire à nous ». P-97 voit là « un réflexe populaire ».

Au sujet des pillages Gbougnon demande : « M. Blé Goudé a t-il fait un appel au pillage ? » « M. Blé Goudé n’a pas fait d’appel ni dit ‘allez piller’ », répond le témoin qui ajoute quand même qu’après la réunion au bar le baron, « il y a eu des pillages ».

Séance privée

Peter O’Schea, l’avocat de Laurent Gbagbo, prend finalement la suite. Ses questions sont très directes et le témoin répond souvent par oui. Il aborde la peur de la population en 2002 après la prise « de grands pans du territoire ivoirien » par les rebelles mais aussi les origines de certains leaders proches de la Galaxie patriotique. Le témoin dira par exemple que Navigué Konaté est un sénoufo et que Youssouf Fofana est un ressortissant du Nord.

Alors que l’interrogatoire doit continuer pour encore une heure, le juge annonce en accord avec la défense qu’il faut finir l’interrogatoire à huis-clos car les questions qui doivent être abordées ne peuvent l’être en public. Le son est coupé à la Cour pénale internationale (CPI). Mais les informations n’étaient pas limpides, les gens restent dans la salle. Jusqu’à ce que l’homme de la sécurité de la CPI confirme : « Audience à huis-clos jusqu’à la fin de la journée. »

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