En endettant la Côte d’Ivoire, le Président Ouattara vend le pays à ses amis occidentaux

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Prao Yao Séraphin

Depuis 2011, la Côte d’Ivoire est un pays qui vit à crédit. Le pays a une économie dopée par la dette. La dette publique est la somme cumulée des emprunts annuels qui ont permis de financer les soldes des budgets des administrations, y compris les intérêts échus. Pour financer dit-on des projets structurants, les nouvelles autorités ivoiriennes se sont lancées dans une course à un endettement sans limite. Le résultat est sans appel : la croissance ivoirienne est appauvrissante. Ce qui est très inquiétant, c’est l’engouement des nouvelles autorités pour les emprunts internationaux alors que notre passé nous interdit de telles aventures isolées. Avec les marchés obligataires mondiaux, le pays vend ses ressources minières et pétrolières aux occidentaux. Apres une présentation rapide des raisons du recours croissant à ces marchés, nous insisterons sur les risques potentiels auxquels le pays est exposé.

L’attrait des Etats Africains pour les marchés internationaux

Les émissions obligataires d’Etats Africains sur les marchés internationaux sont en plein essor. De plus en plus les pays du continent se financent sur les marchés internationaux. En général, ces différentes opérations devraient servir à rembourser la dette de court terme et financer certains investissements nécessaires. Les investisseurs sont majoritairement d’origine américaine ou anglaise. En effet, les marchés obligataires mondiaux sont devenus particulièrement intéressants suite à la crise financière: les Etats-Unis et les autres marchés du G3 semblent plus synchrones et risqués qu’avant 2008, tandis que les marchés hors G3 et les pays émergents ont rarement affiché des couples rendement/risque aussi attrayants. On voit bien que les opérateurs de marchés sont demandeurs de dettes africaines, ces derniers temps du fait des rendements élevés qu’ils offrent (entre 6 et 8% contre 2% pour l’Europe et les Etats Unis) et de leur solvabilité améliorée (leur taux d’endettement se situe entre 30 et 40% du PIB, suite à l’effacement partiel de leur dette dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés). Notons également que les pays Africains cherchent à fuir les conditionnalités des institutions financières internationales. Les marchés financiers n’imposent pas de conditions politiques ce qui les intéresse, ce sont les rendements et le risque.

Quand l’économie ivoirienne est dépendante de la dette

Depuis l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE en juin 2012, la dette publique ivoirienne s’est fortement allégée, passant de 73,5% du PIB fin 2011 à 37,8% fin 2014. Ce niveau d’endettement public n’inclut cependant pas l’endettement de nombreuses entreprises publiques qui pourrait être substantiel et dont l’évaluation est en cours. Cette annulation de dette a procuré de nouvelles marges de manœuvre pour le financement d’investissements publics. En termes de structure, la dette est répartie, à fin 2014, de manière quasi égale entre dette en monnaie locale et dette en devises. Avec le retour du pays sur les marchés internationaux, la part de la dette en devises est amenée à progresser, d’autant qu’en raison de l’étroitesse du marché intérieur, les opportunités d’accroissement de la dette en monnaie locale sont limitées. En 2015, le stock de la dette a retrouvé pratiquement son niveau de 2011. En clair, le gouvernement actuel nous ramène à la situation de surendettement qui a conduit les institutions financières internationales à alléger le fardeau de la dette.

Sur le marché sous-régional, l’État ivoirien ne peut plus émettre que des obligations de faibles montants, car il est contraint par la disponibilité de liquidités souhaitant investir sur des titres ivoiriens. En effet, les banques de la sous-région, investisseurs importants sur ce marché et déjà fortement exposés sur des titres ivoiriens, préfèrent souscrire à des obligations d’autres pays de l’UEMOA afin de diversifier leur risque. En 2014, sur les sept émissions obligataires ivoiriennes effectuées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), pour un total de 620 Mds F CFA (soit près d’1 Md d’euros), trois d’entre elles ont souffert d’une sous-souscription. Afin d’attirer de nouveaux investisseurs sur des obligations en monnaie locale, l’État ivoirien a prévu d’émettre fin 2015 des sukuks (certificats d’investissement de la finance islamique) de 150 Mds F CFA d’une maturité de 5 ans. Malgré l’endettement excessif, la croissance ivoirienne n’améliore pas le bien-être des Ivoiriens. En effet, la Côte d’Ivoire va mal, le taux de pauvreté est passé de 38,4% en 2002 à 51,3% en 2011. En 2012, l’espérance de vie à la naissance était de 50,7 alors que la moyenne de l’Afrique subsaharienne était de 56,8.

Quand le Président Ouattara vend par anticipation les richesses ivoiriennes à ses amis

La Côte d’Ivoire a ainsi réussi son retour sur les marchés obligataires internationaux en émettant en 2014 un emprunt à 10 ans de 750 millions USD à un taux de 5,625 %. L’emprunt a obtenu six fois plus de demandes de souscription que le montant offert initialement et le taux s’est inscrit comme le plus faible parmi les émissions d’Eurobond réalisées en 2014 par des pays d’Afrique subsaharienne. De même, la dernière émission obligataire effectuée en février 2015 a permis de lever 1 milliard USD, avec une maturité de 12 ans et un taux de 6,625 %. Le recours croissant à l’endettement international présente des inconvénients.
En premier lieu, les richesses futures du pays sont bradées. En effet, lorsqu’un investisseur finance un Etat, il acquiert un droit sur une partie des richesses futures. Or les montants en jeu sont colossaux. Pourquoi ne pas émettre des obligations pour la diaspora ivoirienne ? Les autorités préfèrent l’argent de leurs amis, leur permettant de mettre la main sur les richesses du pays.

En second lieu, ces émissions comportent un risque de change. Les émissions comportent un risque de change puisqu’elles sont en dollars, contre lequel le pays doit se couvrir, et un risque de refinancement à leur échéance. Au cours de l’année 2014, le franc CFA s’est déprécié de 13,6 % par rapport au dollar, renchérissant d’autant le remboursement des intérêts de la dette en devises de l’État ivoirien. Les recettes des principales matières premières exportées par la Côte d’Ivoire étant libellées en dollar, le risque de change est toutefois en partie atténué. Mais il faut ajouter les possibles dérapages budgétaires, les différents coûts de portage et les répercussions potentielles sur la politique monétaire des pays (en augmentant ou abaissant les taux directeurs sans fondement économique interne).
En troisième lieu, le risque très élevé de surendettement et la charge des futures générations

La plupart des pays africains émettant des euro-obligations ont un poids économique relativement faible au niveau mondial et sont relativement plus vulnérables aux fluctuations internationales exogènes des marchés de capitaux et de produits de base, d’où la nécessité pour leur gouvernement de bien gérer leur exposition aux risques financiers et autres mondiaux, ce qui est intrinsèquement beaucoup plus difficile lorsqu’intervient l’humeur des marchés mondiaux, dans la mesure où d’importantes fluctuations des taux de change peuvent avoir de lourdes répercussions financières. Pendant les années 1980, les fluctuations des taux de change qui ont entraîné une appréciation du dollar ont contribué à l’amplification de la crise de la dette dans de nombreux pays africains. On voit donc que la composition monétaire de la dette extérieure peut être lourde de conséquences pour la viabilité future de la dette. Ce sont les générations futures qui paieront le prix des errements actuels. Selon le dernier recensement de 2014, 78% de la population ivoirienne a moins de 35 ans.

L’explosion de l’endettement de notre pays nourrit des inquiétudes légitimes sur la soutenabilité à terme d’un tel fardeau. Le problème sous-jacent est la faiblesse de la transformation structurelle de notre économie. L’incertitude sur l’avenir proche de l’économie ivoirienne impose de faire la part entre les composantes structurelles de la croissance actuelle et ses déterminants conjoncturels. Le futur économique de la Côte d’Ivoire dépendra, finalement, de la capacité du gouvernement à faire sortir le pays du modèle d’économie rentière avec lequel il se débat depuis la colonisation.

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