Par Afrikipresse
Désormais en Côte d’Ivoire, et jusqu’à nouvel ordre, aucun procureur ou magistrat de siège ne peut – sans avoir eu l’aval de la hiérarchie, à savoir le garde de sceaux, ministre de la justice – autoriser un huissier de justice à recourir à l’assistance de la force publique (police et gendarmerie) pour l’exécution d’une décision de justice contre une banque ou un établissement financier.
En d’autres mots, si une banque est condamnée à payer de l’argent à un tiers, celui-ci ne peut avoir le secours de la force publique tant que le ministre de la justice ne donne pas son accord, à la place des juges et des tribunaux.
Comment en est-on arrivé à cette situation ?
Selon les informations recueillies, le «scandale» est venu par la faute d’un huissier de justice qui s’est rendu dans une banque de la place pour accéder aux caisses avec l’aide d’agents des forces de l’ordre, pour exécuter une décision de justice. Muni de la grosse de justice, il a accédé aux caisses, et à l’aide des armes qui tenaient en respect les agents de la banque, l’huissier de justice a compté billet par billet, les sommes disponibles et s’est servi en application de la décision de justice, après avoir subi des refus répétés de la banque, d’appliquer la décision rendue par le tribunal.
Par la suite, les banques ont protesté auprès de la présidence ivoirienne qui a saisi via le banquier Thierry Tanoh qui y est chargé des questions financières et économiques, le ministère de la justice.
C’est alors que le 15 avril 2016, le ministre Sansan Kambilé a adressé aux procureurs généraux, aux magistrats et à tous les acteurs sous sa tutelle, une circulaire dénonçant cette manière d’agir de certains huissiers susceptible de troubler l’ordre public d’une part, et d’autre part enjoignant ses collaborateurs à solliciter son avis et son accord, avant d’autoriser toute exécution de justice, à l’encontre d’une banque , dans le cadre de leur mission d’assistance aux auxiliaires de justice, requis pour l’application des décisions arrêtées par les tribunaux.
Si cette circulaire a apaisé les banques qui ont reçu une ampliation de la part du ministère, elle déplaît fortement aussi bien au sein du corps judiciaire, qu’au sein des opérateurs économiques qui estiment que lorsqu’il s’agit de défendre leurs propres intérêts, les banques sont moins regardantes et n’autorisent aucune immixtion de l’autorité administrative dans l’exécution des décisions de recouvrement de créances.
Des opérateurs économiques ont déjà trouvé la parade, à travers la saisie des tiers détenteurs ou débiteurs des banques locales : à défaut d’aller faire une saisie sur les comptes ou dans les locaux même d’une banque, ils saisissent les comptes bancaires d’opérateurs économiques qui doivent aux banques, afin que l’argent leur soit reversé au détriment de la banque.
Ces opérateurs économiques souhaitent le retrait de la circulaire du garde des Sceaux et appellent par ailleurs à une réforme sur la question, en donnant notamment l’exemple de la France, où en cas de litige de ce genre, la banque de France est saisie à l’effet d’aider à faire exécuter volontairement, ou de force en cas de refus, les décisions de justice prise à l’encontre des banques.
Ils constatent que dans l’espace UEMOA, il n’est pas possible de recourir à la Bceao pour ce genre d’assistance. En Côte d’Ivoire, l’un des plus gros dossiers d’exécution de décision de justice contre une banque, reste l’affaire Sgbci-Zaher Nagib, qui avait défrayé la chronique au début du mandat de l’ex président Laurent Gbagbo, en 2000.
Alice Ouédraogo
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