Côte-d’ivoire état de droit à géométrie variable: Lida, Oulaye, Assoa Adou, Bahi et Koua détenus politiques

Lida Kouassi

Détenus plus d’un an sans jugement

Par Connectionivoirienne.net

Quand on lui oppose la réconciliation par la libération des prisonniers politiques, Alassane Ouattara a toujours répondu que la Côte d’Ivoire est un Etat de droit et que tous ceux qui sont interpellés doivent passer devant le juge. En Côte d’Ivoire, l’Etat de droit est consacré par des textes bien précis et suffisamment clairs. Entre autres, le code pénal, le code de procédure pénale et bien d’autres. Tous ces textes comportent plusieurs articles liés aux droits des détenus.

En matière pénale, un principe presque universel dispose que la liberté est la règle et la détention l’exception.

En Côte d’Ivoire, on fait très souvent référence à l’Etat de droit sans se préoccuper de son contenu juridique. Des citoyens sont maintenus en prison au-delà même des délais légaux.

Moïse Lida Kouassi, ancien ministre de la République, a été arrêté le 14 octobre 2014 à Abidjan. Depuis cette date, il croupit à la Maison d’arrêt militaire d’Abidjan et rien n’indique quand interviendra son jugement. Assoa Adou et Hubert Oulaye également anciens ministres de la République et cadres du Fpi ont été arrêtés respectivement le 7 janvier 2015 et le 4 mai 2015 à Abidjan et sont détenus dans des prisons à l’intérieur du pays. Ils sont en détention préventive et aucune date n’est annoncée pour leur jugement. Idem pour Koua Justin, ancien responsable de la jeunesse du parti de Laurent Gbagbo arrêté le 4 mai 2015 et en détention préventive au camp pénal de Bouaké, originellement conçu pour loger les grands criminels du pays. Le 10 juin prochain, s’il n’est pas jugé, Dahi Nestor, lui aussi de la jeunesse du Fpi, passera un an à la prison de Dimbokro sans jugement. Patrick Bahi l’ancien garde du corps de Laurent Gbagbo, est détenu au camp pénal de Bouaké après avoir été trimbalé par la MACA et la prison de Bouna.

L’on peut aisément ajouter a cette liste les cas de l’ex première dame Simone Gbagbo [école de gendarmerie], d’Abéhi, de Séka Séka [tous deux à la MAMA] et des 200 prisonniers politiques encore à la MACA, selon Amnesty International.

Notons au passage que la Constitution ivoirienne dispose que les ministres et anciens ministres sont jugés par la Haute cour de justice pour les faits qui leur sont reprochés dans l’exercice de leur fonction. Cette cour n’a jamais été mise en place après le retour à la normalisation proclamée. Mais si ces anciens ministres ne sont pas détenus pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions (si l’on se réfère aux motifs d’inculpation), il est ici bon de noter que la détention préventive en Côte d’Ivoire ne peut excéder six mois (voir encadré).

La détention des personnalités du Fpi, à l’analyse, obéit à des motifs autres que juridiques. Sinon comment comprendre leur détention prolongée ? De tels comportements continueront de ternir l’image de la justice ivoirienne que le président de la République tente pourtant de rehausser. C’est bien Alassane Ouattara qui avait déclaré dès sa prise de fonction à la tête de l’Etat que la justice ivoirienne doit donner raison à celui qui a raison et donner tort à celui qui a tort. Cinq ans après cette profession de foi, notre justice a bien du mal à se débarrasser de son manteau de justice des vainqueurs tant la violation des droits des détenus saute aux yeux.
SD

Encadré
Extrait code de procédure pénale LOI N° 98-746 DU 23 DECEMBRE 1998 MODIFIANT LA LOI N° 60-366 DU 14 NOVEMBRE 1960 PORTANT CODE DE PROCEDURE PENALE

ARTICLE 138 – NOUVEAU
En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à six mois d’emprisonnement, l’inculpé domicilié en Côte d’Ivoire ne peut être détenu plus de cinq (5) jours après sa première comparution devant le juge d’instruction s’il n’a pas été déjà condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun.

Dans tous les autres cas, en matière correctionnelle et en matière criminelle, l’inculpé ne peut être détenu respectivement plus de six mois et plus de dix-huit mois.
Toutefois, les dispositions visées aux alinéas premier et 2 ci-dessus ne s’appliquent pas aux crimes de sang, aux vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal, trafics de stupéfiants, attentats aux mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi qu’aux atteintes contre les biens commises avec les circonstances prévues à l’article 110 du Code pénal. Dans tous ces cas, la détention préventive est prononcée pour une durée de quatre mois. Passé ce délai, si la détention apparaît encore nécessaire, le juge d’instruction peut la prolonger par une ordonnance spécialement motivée, rendue sur les réquisitions également motivées du Procureur de la République. Chaque prolongation ne peut être prescrite pour une durée de plus de quatre (4) mois.

Lorsque l’instruction est diligentée par un juge de Section de Tribunal, ce magistrat statue sur la prolongation de la détention préventive sans solliciter l’avis du Procureur de la République.

Le juge d’instruction doit à l’issue de ces délais, ordonner la mise en liberté provisoire de l’inculpé.

ARTICLE 139 – NOUVEAU
En cas d’inobservation par le juge d’instruction des délais susvisés, l’inculpé est en détention injustifiée.
La faculté de saisir directement la Chambre d’accusation aux fins de la mise en liberté provisoire d’office de l’inculpé, appartient à l’inculpé, à son conseil et au ministère Public.
La Chambre d’accusation doit statuer sur les réquisitions écrites du Procureur général, dans le mois suivant sa saisine.

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