Show biz –
Son corps a été découvert le dimanche 24 avril 2016, à son domicile, en banlieue parisienne. La disparition de Liadé Digbeu alias Dickaël Liadé est une autre perte pour le showbiz ivoirien, en particulier la musique tradimoderne bété. Fils du chansonnier Lago Liadé Emile, faiseur de Tohourou, un rythme traditionnel bété incontournable lors des cérémonies funéraires dans le département d’Issia et au-delà, Dickaël a été d’un apport inestimable à la musique du terroir qu’il a modernisée en y apportant sa touche personnelle. Au rythme « Polihet » qu’il emprunte à feu Gnahoré Djimi, son maître incontesté, Dickël Liadé apporta la déclinaison « Vava » qui fut finalement sa marque distinctive. « Vava », c’est l’éveil à la création, l’invite à la persévérance, l’exaltation du courage. Ses chansons comme le furent celles de Gnahoré Djimi sont l’expression de la douleur, de la solitude de l’orphelin avant d’être un appel à la solidarité et à la reconnaissance des bienfaits d’autrui.
Mais dickaël s’était aussi inspiré de la crise qu’a connu son pays depuis la disparition d’Houphouët pour appeler ses compatriotes à aimer la paix, à la cultiver par le dialogue et la démocratie. Aussi des chansons comme « réconciliation nationale » et « Il faut des élections », connurent-elles un succès pour devenir pratiquement des pots-pourris, des chansons populaires. Il interpellait en même temps qu’il alertait sur les dangers de toute autre voie en dehors de la démocratie. « Si tu es Bété que tu vois Sénoufo… Bonjour ! » chantait-il pour dire que la Côte d’Ivoire est une.
Artiste talentueux qui alliait prestation scénique (Dickaël était un excellent danseur) et qualité vocale, Dickaël Liadé s’est indigné quand malgré ses interpellations, la guerre a frappé son pays. C’est cette indignation qu’il exprima à travers « Mébouloto », littéralement « guerre surprise » ou « guerre éclair ». « Voici que la guerre est là ! A présent qu’allons-nous faire ? Quelle est cette guerre atroce qui n’emporte que les nôtres parmi les hauts cadres ! Laurent Gbagbo, tu es notre arbre fétiche, tu es notre étoile ! Alors Sache te cacher. Tel un caméléon, tu es changeant et personne ne peut t’atteindre. Laurent Dona Fologo, Dano Djédjé sont avec toi… » dit-il en substance dans cette chanson sortie après les attaques de 2002 qui ont vu la partition du pays.
Sur le même ton, l’artiste prolixe chantera plus tard pour Alassane Ouattara, non pas pour le défier encore moins pour lui lancer des fleurs. Connaissant l’aversion que les siens nourrissaient pour le nouveau chef de l’Etat ivoirien, tombeur de Laurent Gbagbo, DicKaël par sa voix tentait d’apaiser les cœurs de ceux-ci en leur demandant d’abandonner les préjugés sur l’homme. « Essayons Alassane Ouattara. Essayons-le ! Allons sous le palmier pour apprécier ses graines. C’est vrai qu’il a été dit qu’à son avènement, les tribus bété seraient anéanties, les tribus Akyé seraient exterminées tout comme les Abbeys, les Didas… Mais je vous prie de l’essayer et on appréciera ensemble ce qu’il va faire », chante-t-il dans « Adjara limé » (essayons), son dernier album qui le mettra en disgrâce avec ses mélomanes bété pour un temps.
L’enfant de Lagoguhé préparait son retour sur scène. Voilà que la mort l’a fauché. Il est parti avec ses secrets et ses talents, rejoignant ainsi son maître Gnahoré Djimi. Rip Dickaël, disent les anglais.
SGD à Abidjan
Les commentaires sont fermés.