Côte d’Ivoire – Requiem pour Mamadou Ben Soumahoro

waraba

Par Dr Serge-Nicolas NZI

Notre vie politique fondée sur le rattrapage, la revanche, la mort, le sang et les pillages n’a pas su réconcilier les ivoiriens.

La Presse ivoirienne est en deuil et la télévision ivoirienne aussi vient de perdre l’un de ceux qui hier encore entraient dans nos foyers à travers le petit écran pour nous apporter l’information. Les piliers de la télévision furent nombreux. Danielle Boni, Marcelle Ouégnin, Jean Kessé, Joseph Diomandé, Jean-François Amblard et Mamadou Ben Soumahoro.

De Ben Soumahoro, parlons-en ! Journaliste et présentateur de talent, il contribua positivement à la naissance de l’association des journalistes professionnels de Côte d’ Ivoire. Il fut directeur général de l’information et à ce titre il coiffait la télévision, l’agence ivoirienne de presse et la radio diffusion nationale aux côtés de Laurent Dona Fologo, Ministre de l’information.

Sa mort en exil dans les conditions que nous savons tous, nous attriste. Certains disent aujourd’hui pourquoi n’est-il pas rentré comme les autres ?

C’est mal connaitre l’homme de caractère qui préfère mourir debout que de venir vivre à genoux en quémandeur. Entre nous, même s’il entrait, la maison pillée et occupée, les comptes bloqués, la maladie et le dénuement, voilà le sort qu’il refusa préférant la mort en exil et tout ce qui va avec.

Chapeau grand Ben. Toi qui a refusé le pain moisi trempé dans la sauce gluante et nauséabonde du rattrapage ethnique au nom de ta vision grandiose d’une Côte-d’Ivoire de dignité et de partage dans un destin commun pour nous tous.

C’est pour toi que des étoiles de nuit apparaissent aujourd’hui en plein jour pour te saluer et t’accompagner sur le chemin de ton ultime voyage vers le retour auprès de notre créateur, Dieu le très haut celui qui tient nos vies entre ses mains.

Telle est la toile de fond de tes obsèques voulues par ta famille et ceux qui t’aiment comme le dernier baroud d’honneur d’un grand professionnel de l’information. D’un homme créatif et inventif dans un métier exigeant et audacieux. Te voilà Gand Ben loin des compromissions d’alcôve et des combines mafieuses qui finissent par transformer l’information en propagande.

Mon Grand Ben, le recueillement dans la prière pour retrouver la paix intérieur et la raison pour assumer le deuil de ta perte, est la voie que nous indique la grande culture musulmane de l’islam vrai dans laquelle tu as été élevé. C’est Dieu qui donne la vie, c’est lui qui la reprend, comme disent nos parents de ce nord ivoirien pillé et désossé par les chiens qui hier encore prétendaient défendre ses intérêts.

Ceux qui disent que tu courrais vers un poste ministériel oublient que ce n’est même pas les meilleurs qui deviennent ministres. Quelle est la valeur de la fonction ministérielle dans un pays ou TUO Fossié à été ministre et préfet ? Les pauvres d’esprit, ils t’ont côtoyé sans te connaitre.

Mon Grand Ben, C’est donc dans la douleur que naîtra l’espoir et c’est dans l’espoir que naîtra la force dont nous aurons tous besoin pour faire face au combat délirant de la vie. Voilà le sens profond de ce retour au pays qui caractérise tes obsèques.

Grand Ben, finalement la mort en t’enlevant à notre affection, te maintien là où notre imagination te gardera, c’est à dire au cœur de notre pensée la plus fidèle. Rien n’est gratuit dans ce bas monde, inconsciemment tu nous fais payer cher ce qu’il y avait de plus beau et de plus précieux en toi : la vie, tu nous laisses pantois et stoïque à la fois, glacés d’effroi depuis que la vie t’a quitté. Mais finalement la mort n’est-elle pas la voie qui conduit à l’immortalité ?

Si tel est le cas alors que les portes de l’immortalité s’ouvre pour toi afin que tu retrouves la paix, la force et la santé qui t’ont fait défaut dans ces derniers temps ici bas. Mais aussi l’affection de ceux qui t’ont précédé et qui t’accueilleront par une grande haie d’honneur pour te manifester leur joie, tu y verras tes frères et tes amis qu’étaient : Edo Kouamé dit Pol Amewé, Joseph Diomandé, Jean Kessé, Serge Pacôme Aoulou, Victor Mehéry, Thiam Belafonte, Kaba Taifo, Georges Coffie et même Roger Fulgence Kassy. Ils seront tous là pour t’accueillir dans le grand jardin de l’éternité, afin que tu prépares à ton tour notre retour vers toi quand le moment sera venu comme le veut le cycle naturel de la création.

I dansé, ybé waraba yé, mongobâ, kièdjan, kian mungô, Soumahoro, Ibé kélétigui yé

Grand parmi les grands, homme de vérité, guerrier Soumahoro, bienvenue à toi le lion.
Toi le puits rafraichissant qui ne craint aucune sècheresse.

Nous n’avons pas pensé de sitôt que le moment viendrait où nous porterons le deuil d’un combattant du droit des peuples à disposer d’eux même, d’un soldat de la souveraineté ivoirienne et d’un notable, qui était comme la colonne de feu qui brûlait devant le camp des indépendantistes intransigeants, ceux qui refusent l’hypothèque sur la liberté, notre liberté d’homme et l’aplatissement de notre peuple devant le cop français.

Maintenant le feu s’est éteint et nous avons froid. Nous sommes sans défense, parce que désormais privé de ton aura.

Notre Grand Ben, tu représentais ce qu’il y avait de meilleur dans ta génération, c’est pourquoi les portes de l’immortalité s’ouvrent aujourd’hui pour toi. Les anges du ciel eux même quand t-ils te verront, se précipiteront pour t’embrasser, car ils savent qu’ils ne trouveront pas meilleur soldat que toi pour garder les portes de l’espérance et de la rédemption éburnéenne que tu as porté comme une croix dans ton exil.

C’est pourquoi comme par enchantement, les étoiles de nuit s’animent déjà et se parent de leurs plus beaux atouts pour t’accueillir. Tu as déjà franchit le seuil de ce panthéon qu’est la mémoire collective de cette communauté des hommes que tu as servi et défendu avec ardeur et passion.
Bien sûr, comme les autres, tu as ta place au champ d’honneur. Tu reviendras inlassablement frapper les trois coups à nos portes pour aiguiser la flamme meurtrie qui ne cesse de se consumer dans les cœurs de tous ceux qui t’ont connu et qui ne t’oublieront pas de sitôt, comme l’écrivait si bien le contemporain de Confucius, le grand penseur chinois fondateur du taoïsme LAO TSEU.

Tout le monde tient le beau pour le beau,
C’est en cela que réside sa laideur.
Tout le monde tient le bien pour le bien
C’est en cela que réside son mal.

Car l’être et le néant s’engendre.
Le facile et le difficile se parfonds.
Le long et le court se forment l’un par l’autre.
Le haut et le bas se touchent.
La vie et la mort se prolongent,
La voix et le son s’harmonisent.
L’avant et l’après se suivent.

C’est pourquoi le saint adopte
La tactique du non-agir,
Et pratique l’enseignement sans parole.
Toutes les choses du monde surgissent
Sans qu’il en soit l’auteur.

Il produit sans s’approprier,
Il agit sans rien attendre,
Son œuvre accomplie, il ne s’y attache pas,
Et puisse qu’il ne s’y attache pas,
Son œuvre restera.

Mesdames et messieurs, chers frères et sœurs, puisse la vie renaître dans la mort pour adoucir cette séparation pour que le grand Mamadou Ben Soumahoro survive dans nos cœurs afin que la chanson retrouve tout son sens et toute sa profondeur.

Ce n’est qu’un au revoir mes frères.
Ce n’est qu’un au revoir.

Nous nous reverrons, mes frères, ce n’est qu’un au revoir.

Attend nous dans les jardins de l’éternité, nous essuyons nos larmes et notre amertume avec la certitude de t’y retrouver aux côtés de tous les messagers qui nous ont devancé.

Nous nous reverrons cher frères ce n’est qu’un au revoir. Avance nous te suivons.
Adieu Grand Ben, nos prières t’accompagnent, en ce jour du voyage éternel. Que la terre de cette Côte-d’Ivoire qui t’a vu naitre te soit légère.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Tel. 0041792465353
Mail. nicolasnzi@bluewin.ch

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.