Grand-Bassam a été victime d’une attaque terroriste le dimanche 13 mars 2016. Selon le bilan provisoire officiel, on dénombre 22 morts et 22 blessés. La station balnéaire la plus proche d’Abidjan (la capitale économique de la Côte d’Ivoire) est sous le choc et avec elle tout le pays. Entre anticipation et réaction, les autorités ivoiriennes ont péché à tous les niveaux et sur tous les plans. Bref, elles ont failli à leurs missions régaliennes. Décryptage.
Grand-Bassam a sombré, mais Abidjan n’a pas su prendre les choses par le bon bout.
Grand-Bassam fait la une de l’actualité nationale et internationale. Réputée pour ses belles plages de sable fin et ses hôtels paradisiaques, la première capitale ivoirienne a été frappée en plein coeur par des membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). C’était le dimanche en début d’après-midi. Mort en cascade, blessés légers ou graves, le scénario était insupportable. Mais quelle fut la stratégie adoptée par l’État ivoirien pour gérer la situation ? Moins de 24 heures après cet évènement tragique, on peut affirmer sans risque de se tromper qu’au sommet de l’État on a été incapable de parer au pire.
Le silence troublant de la RTI qui passe mal
Quand autour de 13h les premiers tirs se font entendre du côté de Grand-Bassam, les Ivoiriens ne sont informés de rien. La chaine publique du pays, la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) diffuse un match de football comme si de rien n’était. Il a fallu les télévisions étrangères et les réseaux sociaux pour informer toute la Côte d’Ivoire et alerter les populations sur ce qui est en train de se produire. Le pays est apeuré.
Pendant ce temps, les correspondants locaux des grands médias internationaux accourent sur les lieux du drame en quête de scoop. Est-il admis en pareille situation d’être plus royaliste que le roi ? Non. On s’attendait à ce qu’un dispositif spécial soit mis sur pied par Ahmadou Bakayoko (le DG) et ses hommes pour donner des informations au fur et à mesure que les choses évoluaient et voir défiler des experts en la matière qui décrypteraient l’attaque de Grand-Bassam. Les téléspectateurs de la RTI ont très vite déchanté.
Média d’information public, la RTI a attendu près de sept heures, soit l’heure du journal télévisé de 20h pour informer officiellement les Ivoiriens qu’une attaque terroriste a été perpétrée à Grand-Bassam au cours de l’après-midi. Lors de la grande édition du journal, les populations ont eu droit à quelques bribes d’informations avec en filigrane des paroles au conditionnel. Plusieurs reporters ont pourtant été dépêchés sur les lieux selon ce qui nous a été donné d’entendre. C’est une communication foireuse quant à la gestion de cet incident malheureux que rien ne peut justifier. Nos confrères ivoiriens ont fait preuve d’un amateurisme sans nul autre pareil sur toute la ligne qui choque plus d’un.
Une armée dirigée par des chefs incompétents
Le bilan provisoire officiel de l’attentat terroriste de Grand-Bassam fait état de 22 morts, dont 14 civils tués, dont 2 soldats des forces spéciales et six terroristes abattus. Au JT de 20h, on aperçoit le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko oisif. Le sécurocrate ivoirien titube et passe à côté de son sujet. Il se met à lancer un discours guerrier empli d’une bonne dose de pseudo-optimisme avec au passage un hommage aux deux éléments des forces spéciales (l’unité d’élite des FRCI) qui sont tombés sur-le-champ d’honneur. D’un titulaire d’un portefeuille de souveraineté, ce n’est pas ce qu’on espère entendre de lui. Un fait d’une haute gravité a eu lieu. Les spéculations vont bon train tout naturellement quant à la nature et à l’identité des assaillants.
Le ministre Hamed Bakayoko évoquera le fait qu’il était en visite à Kumasi (Ghana) lorsque l’attaque s’est produite et qu’il avait dû rentrer au pays après que le président ivoirien, Alassane Ouattara ait affrété un avion spécial. La première interrogation que cette déclaration soulève est la suivante : était-ce nécessaire de le dire ? Ou encore donc en cas d’absence du patron du Ministère d’État, de l’Intérieur et de la Sécurité, les choses sont-elles appelées à tourner inéluctablement au vinaigre ? Face aux questions du présentateur du jour, David Gouedan Mobio qui souhaitait avoir plus de détails sur l’attentat de Grand-Bassam, le ministre Hamed Bakayoko a répondu qu’on enregistre 22 morts et 22 blessés, un téléphone portable appartenant aux terroristes a été saisi et est en cours d’analyse au bureau de la police scientifique ivoirienne. Outre cela, l’on n’en saura rien d’autre. Étonnant, incroyable, invraisemblable, mais vrai !
Lors de la tenue du comité interministériel présidé par Alassane Ouattara au sein des locaux du Ministère d’Etat, de l’Intérieur et de la Sécurité, l’on apercevra des officiers de l’armée française venus coordonner l’opération. Mais où sont passées les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et leurs fameuses unités d’élite ? À quoi les exercices de simulation d’attaques terroristes ont-ils servi si l’on doit fait appel dès le premier soubresaut aux forces françaises ? C’est dire toute l’incompétence des forces de défense et de sécurité commandées par des chefs tout aussi incompétents.
Les Lieutenants-colonel Zakaria Koné (commandant en second du 1er bataillon d’Akouédo), Issiaka Ouattara dit Wattao (commandant en second de la Garde Républicaine) ou encore Ousmane Chérif (adjoint du commandant du Groupement de sécurité présidentielle), tous parachutés à ces postes pour bons et loyaux et services rendus à la rébellion armée de 2002 et conduite par Guillaume Soro (actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire), commandent les troupes ivoiriennes. C’était des soldats de rang et donc sans formation militaire véritable.
Richard Le Guerinec
Source: Afrique-sur7.fr
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