Côte d’Ivoire – Que faire face à la nouvelle menace après les discours et les récriminations ? (Analyse)

site_1322_0002-750-0-20151104150303
Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) © Ministère de la Culture et de la Francophonie du Côte d’Ivoire

Par Connectionivoirienne.net (SD)

Attaque de Grand Bassam

Une attaque de djihadistes a visé le dimanche 13 mars 2016, la station balnéaire de Grand-Bassam, au sud de la Côte d’Ivoire. Grand-Bassam c’est cette ville historique, première capitale de la Côte d’Ivoire coloniale, classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco, à 20 minutes de la base militaire française de Port-Bouët. Ses plages et ses hôtels de luxe grouillant de monde avec des piques d’affluence les weekends, sont situés au quartier France où l’on trouve plusieurs vestiges de l’époque coloniale.

Bassam frappée, toute la Côte d’Ivoire a pleuré, toutes les couches sociopolitiques, les partis politiques les plus influents en tête, ont tous condamné l’acte des barbares qui entendent instaurer un nouvel ordre politico-religieux mondial. Tout a été dit après cette attaque et le gouvernement a pris des mesures urgentes. Les Ivoiriens qui voyaient de loin cette nouvelle menace, eux qui ont tourné en dérision les alertes lancées par le groupe Ansar Dine en 2015, vivent aujourd’hui, eux-mêmes les assauts des radicaux de l’islam.

Qui l’eut cru ?

Se pose alors la question de la capacité réelle de la Côte d’Ivoire à faire face à cette guerre qui n’est pas une guerre classique, mais une guerre où l’ennemi est partout sans être nulle part. Quelles dispositions là où les armées les plus professionnelles du monde peinent à endiguer ces ennemis de la liberté ?
Il est sans doute judicieux de renforcer la surveillance des lieux publics, de performer les systèmes de renseignement, de mobiliser les moyens technologiques y compris ceux de dernière génération. Mais il faut certainement trouver une solution à l’ivoirienne. On entend dire qu’il faut plus de coopération entre les Etats pour contenir le terrorisme, qu’il faut former les hommes, qu’il faut des échanges d’informations. Certes, mais cela est fait ailleurs sans que ces moyens n’arrivent à vaincre le mal. Après les attaques contre le Bataclan en France, ce pays a fait une expédition punitive en s’en prenant aux bases des terroristes en Syrie. La Côte d’Ivoire ne peut pas se permettre une telle opération contre les bases de Al-Qaïda, elle n’en a pas les moyens militaires.

La solution ivoirienne devrait donc intégrer la cause même de la radicalisation afin que notre pays ne soit pas un terreau fertile de ce fléau à travers des complicités internes. Pourquoi certains seraient tentés de se radicaliser en Côte d’Ivoire ?

Pour sûr et quoi qu’on dise, les exécutants de l’opération de Bassam ont pu bénéficier de complicités internes soit par naïveté soit de façon volontaire. Plus que jamais, il faut réduire chez nous, les frustrations qui pourraient amener certains de nos compatriotes à agir contre leur pays. Dieu seul sait combien d’ex-combattants ont été laissés sur les bords après la démobilisation et le désarmement. Il y a eu, à côté des réussites, beaucoup de ratés dans cette opération, lesquels ont fait des frustrés qui ne jurent que par la vengeance. Ce sont des personnes vulnérables susceptibles d’être tentées par n’importe quelle aventure.

En outre, il est vrai qu’il n’existe aucun pays où il n’y ait de mécontents, mais plus que jamais, les autorités ivoiriennes doivent apporter des réponses concrètes à la problématique de la réconciliation nationale. Certains groupes sociaux dans leurs déclarations, ont proposé que l’attaque de Bassam devrait rassembler les ivoiriens autour d’un idéal commun. Ils n’ont pas tort mais encore faut-il que le pouvoir crée les conditions de cette unité. Il doit réduire les poches de résistance interne en s’ouvrant un peu plus à une certaine classe politique jusque-là vouée aux gémonies. Les lézards s’infiltrent facilement dans un mur fissuré. Le tissu social en Côte d’Ivoire est fissuré depuis des années à cause des luttes politiques sans merci. Comment dans ces conditions, pourrait-il y avoir convergence de vue autour d’un drame national ? Les uns voudront nécessairement le malheur des autres, quelle que soit la nature de ce malheur. Il faut apporter une réponse à ce problème ivoirien.

De même, face à un ennemi invisible, l’on devrait se garder de la rhétorique provocatrice. Les déclarations des autorités et de tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir ne doivent pas exposer davantage le pays au péril djihadiste. Quand on qualifie de plaisantins (propos d’un député sur le plateau de Rti 1) trois personnes qui ont pu, en quelques minutes, tuer près de 20 personnes, on se demande si on n’est pas en train d’appeler ces tueurs à alourdir leur bilan, la prochaine fois. Nous n’avons pas les mêmes moyens militaires et logistiques que les pays occidentaux. La surveillance du langage devrait faire partie de notre approche de solution. Il faut proscrire les discours du genre « les terroristes nous trouveront sur leur chemin ». Il faut rassurer avec les mots qui siéent sans tomber dans la provocation. Il ne s’agit point de plier l’échine devant les terroristes mais de renforcer l’efficacité de la lutte dans la discrétion.

On attend également nos députés sur les premières lois spécifiques au terrorisme après leur visite sur le lieu du crime.

SD

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.