Des éleveurs ont sifflé François Hollande et lui ont demandé de démissionner. Plus tard dans la matinée, des manifestants ont démonté le stand du ministère de l’Agriculture. Les CRS ont procédé à cinq interpellations.
François Hollande, de retour d’une longue tournée dans le Pacifique et en Amérique latine, a inauguré tôt ce samedi matin le salon de l’agriculture, Porte de Versailles. Accueilli par une haie de drapeau de la FNSEA, il s’est d’abord entretenu avec Xavier Belun, président de la FNSEA à 6H47. «Si je suis là aujourd’hui c’est pour montrer qu il y a une solidarité nationale», et «on va tout faire» pour aider l’agriculture, car «en défendant l’agriculture je défends toute la nation», a déclaré le président. «Vous arrivez dans un contexte difficile. Un contexte de crise profonde. Elle dure», et «il y a beaucoup de désespérance, beaucoup de colère», lui a confié le chef de la FNSEA, entouré de membres du syndicat drapeaux à la main.
Mais le calme aura été de courte durée: une heure après le début de sa visite, des éleveurs, revêtus pour certains de t-shirts noirs, ont hué le président en lui demandant de «démissionner et de se casser», selon notre journaliste sur place (voir sa vidéo en fin d’article). «C’est l’état d’urgence pour l’élevage!», lance l’un d’eux. «Bon à rien», «on n’est pas des migrants», «connard», «fumier» et autres insultes ont fusé tandis que le président progressait au milieu d’une haie hostile d’éleveurs. «Il s’en fout complètement de nous», clame un autre. «Ca fait un an qu’on mène des actions en France, personne ne nous écoute», renchérit un troisième.
Le stand du ministère de l’Agriculture entièrement démonté
Le président, accompagné du ministre du l’Agriculture Stéphane Le Foll, n’a pas interrompu pour autant sa visite. Il s’est ensuite rendu au hall 2 du pôle végétal. Là, l’ambiance était plus calme, toujours selon notre journaliste. «Je suis aussi venu pour entendre ces cris, qui sont des cris de douleur, de souffrance», a affirmé le chef de l’Etat, avant de rappeler les différentes mesures prises par le gouvernement ces derniers mois, comme l’allègement des charges sociales agricoles. «Je suis venu au salon car je savais que j’allais entendre cette proclamation. Les agriculteurs veulent un avenir. Je suis venu pour agir», a-t-il ajouté. Il a également redemandé aux groupes de distribution, dont les négociations tarifaires annuelles avec leurs fournisseurs s’achèvent dans deux jours, de «faire un effort de solidarité». En l’absence d’accord, le chef de l’Etat a déclaré qu’il faudrait revoir la loi de modernisation de l’économie (LME) votée en 2008, qui a déréglementé les négociations entre fournisseurs et distributeurs pour la fixation des prix agricoles.
Le stand du ministère de l’Agriculture mis à sac par des manifestants en colère.
L’ambiance s’est de nouveau tendue en milieu de matinée. Des manifestants ont totalement démonté le stand du ministère de l’Agriculture. Des CRS sont intervenus pour maîtriser les manifestants, qui ont détruit les parois et le mobilier du stand, et les ont mis à l’écart. Certains manifestants ont été blessés, l’un se retrouvant le nez en sang.
Cinq interpellations
Des CRS interpellent des manifestants au salon de l’Agriculture.
Après cette action, plusieurs dizaines de manifestants ont continué à manifester leur mécontentement à grands coups de sifflets durant plusieurs minutes. Cinq personnes ont été interpellées. Des manifestants se sont de nouveau confrontés un peu plus tard aux forces de l’ordre, en tentant de bloquer une camionnette dans laquelle leurs collègues avaient été embarqués. Selon notre journaliste, il n’y aura pas de poursuite pour les cinq interpellés.
«Notre action est légitime, nous ne pouvons plus nous contenter de n’avoir que des discours, on veut des actes», a lancé Jérôme Despey, secrétaire général adjoint de la FNSEA. Le président François Hollande n’était pas présent lors de ces heurts. «On peut entendre la colère. La violence, les dégradations matérielles, non», a réagi l’entourage du président. Ce dernier a quitté le salon vers 12H30.
Un questionnaire à 13 points destinés aux dirigeants politiques
Avec l’effondrement généralisé des cours agricoles qui frappe en particulier les éleveurs, plus de 40.000 exploitations sont en situation d’extrême urgence, selon Stéphane Le Foll. Plus de 60.000 (sur 490.000) ont réclamé de l’aide alors qu’un éleveur de porcs, en Bretagne, perd jusqu’à 6.000 euros par semaine.
Le président discute avec un fermier qui lui présente un plateau de fromages durant sa visite au salon de l’Agriculture.
Malgré le désespoir ambiant, les professionnels n’ont pas boycotté ce salon, foire-exposition de l’excellence des terroirs français et d’un modèle qui s’interroge sur son avenir. «On y va même si le coeur n’y est pas. C’est souvent la seule semaine de vacances des agriculteurs, mais ils sont à fleur de peau» confie Florent Dornier, Secrétaire général de Jeunes agriculteurs (JA). «C’est peut-être un des salons les plus compliqués depuis 20 ou 30 ans». «Les politiques, il va falloir qu’ils fassent très attention à ce qu’ils nous disent. Il y a un risque de douche froide», a-t-il prévenu.
Entre taureaux de compétition et bêtes à concours, se glisseront Manuel Valls lundi matin, et dans l’opposition Marine Le Pen (mardi), Nicolas Sarkozy et François Fillon (mercredi), Alain Juppé (jeudi) et Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Agriculture qui a prévu un triplé minuté – lundi, mardi, mercredi. A tous, la FNSEA a adressé un questionnaire en 13 points sur les problématiques agricoles. «Ceux qui n’auront pas répondu feront mieux de ne pas s’arrêter à notre stand» prévient Xavier Beulin. «Le cul des vaches, le petit verre qui va bien et le sourire sur photo… aujourd’hui on est sur autre chose» avertit-il carrément.
Source: Lefigaro avec AFP
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