Côte d’Ivoire – Des commerces et habitations détruits dans un quartier précaire d’Attécoubé

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Sur le sol du quartier précaire « Abrass » d’Attécoubé au nord d’Abidjan, des détritus, tessons de bouteille, déchets et autres brisures de verres jonchent la zone proche des rails, reliant la commune à Adjamé (nord d’Abidjan), dans une atmosphère de tristesse et de désolation, après la destruction d’installations anarchiques jeudi.

Pendant que certains endroits sont démolis sous le regard des forces de l’ordre, certains essaient tant bien que mal de récupérer ce qu’ils peuvent dans les décombres : des feuilles de tôles, des morceaux de bois, du matériel de ferronnerie, des câbles, et même les fruits des arbres tombés.

Quelques-uns entreprennent eux-mêmes de détruire ce qui reste de leurs commerces quand d’autres, réunis par petits groupes échangent à propos de cette opération qui, de l’avis général, n’est pas surprenante mais plutôt redoutée.

« On était prévenus, mais bon quelque part il y avait l’espoir qu’ils ne viennent pas », raconte Habib, jeune apprenti menuisier qui espère un « dédommagement » qui permettrait aux déguerpis de « s’installer ailleurs pour pouvoir survivre ».

Tout se déroule dans le calme jusqu’à ce que des jeunes mécontents se lancent dans la provocation en jetant de loin des pierres aux policiers.

La réaction ne se fait pas attendre. « Vous lancez des cailloux sur nous ? » demande, furieux, un policier portant un casque et un gilet par balle, avant de se tourner vers ses collègues : « Qui a les munitions? Dépêchez-vous, on a besoin de beaucoup de gaz ».

Par des gestes et des phrases fermes, les policiers somment les passants et autres badauds de quitter rapidement les lieux. C’est le début d’un mouvement de panique où tout le monde tente tant bien que mal de se mettre à l’abri d’un quelconque affrontement.

Il n’y a finalement eu aucun face à face. Par contre le gaz lacrymogène, largement répandu, réussit à disperser les récalcitrants pendant quelques minutes.

Une fois l’effet estompé, les provocations reprennent de façon sporadique, amenant des policiers à se livrer à une chasse ciblée, sans pour autant agir avec violence.

En marge de ce jeu de chat et de souris, certains habitants réconfortent ceux dont les installations ont été détruites et les aident à amasser des effets enfouis sous les décombres.

Assise sous un reste de brique de ciment, Fatim, une adolescente, observe sereinement le spectacle qui s’offre à elle. « Ceux qui ne sont pas contents provoquent parce que c’est ici qu’ils trouvent un peu d’argent pour manger », lance-t-elle calmement.

Le mur de la cour de ses grands-parents, marqué d’une croix rouge, a échappé « pour l’instant » à cette vague de démolition.

« Ils nous avaient dit que la cour allait être détruite mais finalement on a eu de la chance », se réjouit-elle, précisant que les occupants des installations anarchiques ont été prévenus « depuis 2015 et dernièrement on avait annoncé (cette opération pour) le 05 février. Comme personne n’est venu beaucoup ont pensé qu’ils avaient oublié ».

« Tout le monde sait qu’il ne faut pas s’installer près des rails », poursuit l’adolescente, soulignant : « Ma grand-mère m’a dit qu’auparavant c’était une gare de train où on déchargeait des marchandises. C’est normal qu’on nous demande de partir ».

Plus loin, Yssouf, la vingtaine et l’air épuisé, déterre un seau, là où se trouvait il y a quelques heures la cour de ses voisins: »ils étaient au courant donc ils ont pris ce qu’ils pouvaient et sont partis ».

Entre deux coups de marteau pour tenter de redonner forme à un caisson détruit au passage des machines, Hamza, un menuisier d’une trentaine d’années, décrit le décor comme un « chaos « .

« On n’y peut rien. Mon problème en ce moment, c’est de trouver une solution pour reconstruire les toilettes et la douche de ma mère », détruits pendant l’opération.

M. Doumbia, fonctionnaire à la retraite, estime pour sa part qu' »il n’y a rien de mauvais dans ce qui s’est passé », l’air ravi de voir « un peu d’ordre dans ce désordre ».

« Les Ivoiriens aiment trop l’anarchie, c’est pour cette raison que depuis 5h les policiers aussi ont détruit leurs baraques de façon anarchique. Il faut imposer la discipline », tranche-t-il.

Depuis près d’une semaine, plusieurs zones d’Abidjan ont été déguerpies dont le sous-quartier « 9 kilos » situé à Cocody (Abidjan Est).

Cette opération s’inscrit « dans la continuité » de celles entamées depuis 2014, après des pluies diluviennes qui ont fait plusieurs morts dans la capitale ivoirienne, a expliqué mercredi la porte-parole adjointe du gouvernement, Affoussiata Bamba-Lamine,à l’issue d’un Conseil des ministres.

Mme Bamba-Lamine a par ailleurs souligné qu' »à chaque fois » qu’il y a un déguerpissement, « le gouvernement donne une contrepartie aux populations pour qu’elles puissent se reloger ».

Par Manuella YAPI

MYA

Alerte info/Connectionivoirienne.net

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