Côte d’Ivoire – Le président Ouattara fait de Compaoré un VRAI FAUX ivoirien

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PRAO Yao Séraphin

“On ne prend pas une nationalité comme on prend son parapluie.”
(Françoise Giroud)

Il est écrit que la résistance et l’obéissance sont les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance, il assure l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté. Depuis 2011, le pays est entré dans une phase se soumission et de spoliation de ses valeurs et richesses. Pour le résistant que nous sommes, il nous faut susciter une telle tension que la société, après avoir obstinément refusé de négocier, se trouve contrainte d’envisager cette solution. L’action a pour objet de porter la question sur une scène où il sera impossible de prétendre l’ignorer. Je viens de mentionner la création d’une tension comme une partie de la mission d’un résistant non violent. C’est dans cette dynamique que nous menons cette présente réflexion. Son ambition est unique et simple : informer la Côte d’Ivoire profonde du bradage de notre nationalité à des déstabilisateurs impénitents. Bien entendu, il s’agit spécifiquement de donner notre avis sur la naturalisation de Blaise Compaoré. Contrairement à la porte-parole adjointe du gouvernement, Affoussiata Bamba-Lamine qui a indiqué que l’ancien homme fort du Burkina Faso sous le coup d’un mandat d’arrêt international est un ivoirien un point un trait, les ivoiriens ont la charge de protéger leur dignité. Commençons par donner les conditions d’acquisition de la nationalité ivoirienne avant de justifier comment Compaoré est un vrai faux ivoirien.

En Côte d’Ivoire, il y a deux modes de naturalisation. Le premier est la naturalisation de plein droit. C’est le cas d’un enfant adopté par un national. Le cas d’un homme ou une femme qui épouse un ivoirien ou une ivoirienne lorsque l’option est faite au moment de la célébration du mariage (depuis août 2005). C’est également le cas d’un enfant mineur dont le parent exerçant la puissance paternelle acquiert la nationalité Ivoirienne (l’enfant doit résider chez ce parent au moment de sa naturalisation). Le deuxième mode est la naturalisation par décision de l’autorité. Dans ce cas, il faut être âgé d’au moins 18 ans et résider en Côte d’Ivoire depuis au moins 5ans au moment de la demande; ce délai est réduit à 2ans pour l’étranger né en Côte d’Ivoire et pour l’étranger qui a rendu des services importants à la Cote d’Ivoire. En plus il faut être de bonne moralité, être en bonne santé physique et mentale et être en situation régulière vis-à-vis des règles de séjour des étrangers en Côte d’Ivoire (avoir sa carte de résident ou de séjour). Par-dessus tout, il ne faut pas être sous le coup d’un arrêté d’expulsion ou d’assignation à résidence.
Il découle clairement de ces deux modes que la nationalité est le lien juridique qui relie un individu à un État déterminé. De ce lien découlent des obligations à la charge des personnes qui possèdent la qualité d’ivoirien, en contrepartie desquelles sont conférés des droits politiques, civils et professionnels, ainsi que le bénéfice des libertés publiques. Dans notre pays, le cas Compaoré pose problèmes, pour deux raisons au moins.

La première raison est que Blaise Compaoré n’aime pas la Côte d’Ivoire

Georges Bernanos disait que ce sont les démocrates qui font les démocraties, c’est le citoyen qui fait la république. Mais le nouveau citoyen étrange a fait du mal aux ivoiriens. Il y a des accusations plus ou moins fondées d’implication dans la crise politico-militaire qui se déclenche le 19 septembre 2002. Ce jour-là, ceux qui voulaient assassiner la république sont venus du Burkina Faso. Mais cette tentative infructueuse s’est muée en rébellion dont les gourous se retranchaient au pays des hommes intègres. Après cinq années de crise marquées par les échecs répétés des différentes médiations (sud-africaine et ghanéenne notamment) le président Gbagbo parvient à la conclusion que la crise ne pourra être résolue qu’en remontant à ses origines. Cette logique est simple : le président Gbagbo avait compris que «les rebelles étaient venus de Ouaga, et que c’est de Ouaga qu’ils pouvaient déposer leurs armes.». C’est ainsi qu’il sollicita Compaoré pour mener des négociations directes avec la rébellion pour aboutir à la signature, le 4 mars 2007, de l’accord politique de Ouagadougou(APO) entre le chef rebelle Guillaume Soro et lui. Véritablement, Compaoré n’aime pas la Côte d’Ivoire car il est à la base de la souffrance des ivoiriens. Il ne peut pas être un bon ivoirien.

La deuxième raison : la nationalité ivoirienne, une façon de se soustraire à la justice de son pays

Daté du 17 novembre 2014, soit un peu plus deux semaines après son exil à Abidjan, le décret numéro 2014-701 annonçant sa naturalisation a été publié au Journal officiel daté du 18 janvier 2016. Cette honteuse action du président Ouattara provoque des réactions diverses, entre indignation et résignation. En effet, l’ancien président burkinabè, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’État Thomas Sankara, devrait ainsi échapper à une éventuelle extradition vers son pays. La nationalité ivoirienne est devenue pour le bourreau de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, une sorte de protection contre son extradition. C’est un comportement peu digne de la part même de Compaoré car il a oublié qu’il est né au pays des hommes intègres. En effet, c’est le 4 août 1984, un an après le coup d’État qui avait porté le capitaine Thomas Sankara à la tête de la Haute-Volta, que celle-ci a été rebaptisée Burkina Faso. Dans l’esprit du nouveau pouvoir, il s’agissait non seulement de bannir une appellation héritée de la colonisation, mais aussi de trouver un nom susceptible de renforcer la cohésion nationale. C’est pourquoi celui-ci a été constitué d’emprunts à plusieurs langues. Burkina signifie « homme indépendant » ou « intègre » en mooré (parlé par les Mossis) alors que faso est la « maison du père », donc la patrie, en dioula. Ce n’est pas tout. Pour désigner la nationalité des habitants du pays, on a fait appel à une troisième langue en ajoutant au radical burkina le suffixe bè, qui veut dire « les enfants de », en fulfulde (parlé par les Peuls). Compaoré, l’homme intègre s’est désintégré pour devenir un vrai faux ivoirien, juste pour échapper à son passé. Mais la question qu’on se pose est de savoir si un homme peut échapper à son destin ?

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