Par Kpangui Christian Hyppolite, publié en collaboration avec Libre Afrique
La révélation d’un enregistrement sonore rapportant une conversation entre le présumé Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale, et Djibril Bassolé, le Général ayant mené le putsch raté de septembre 2015, et écarté de la course à la présidentielle au Burkina Faso, a soulevé un tollé général. Quelques jours avant la diffusion de cet enregistrement, Djibril Bassolé instruisait l’ancienne garde de Blaise Compaoré (RSP), commandé par le général Diendéré, de faire un coup d’Etat pour essuyer cet affront dont il serait victime. Auparavant chef de la rébellion ivoirienne, Guillaume Soro, qui a l’expérience de la prise du pouvoir par la force, aurait donné conseillé son ami Bassolé pour la réussite d’un nouveau plan de renversement.
Malgré les précautions prises, ces propos seront diffusés sur les réseaux sociaux, ce qui va jeter un froid dans les relations entre Ouagadougou et Abidjan. Les nouvelles autorités Burkinabè, après perquisition de la maison de Guillaume Soro, ont émis un mandat d’arrêt par le bais d’INTERPOL ‘’Burkina’’ à l’encontre celui-ci. Ce mandat arrive, après celui émis à l’encontre de l’ex-président Burkinabé Blaise Compaoré qui a trouvé asile en Côte d’Ivoire du fait de son lien d’amitié avec l’actuel président ivoirien.
La Côte d’Ivoire s’insurge alors en qualifiant ce mandat de violation manifeste de sa souveraineté et reproche aux Burkinabè de ne pas avoir emprunté la voie diplomatique pour régler le différend. Les griefs d’Abidjan sont-ils fondés ?
En Côte d’Ivoire, la réponse à cette interrogation pour une frange de la population et les soutiens du président de l’assemblée nationale, est claire :
« Pour eux, l’acharnement contre Guillaume Soro est inacceptable et intolérable. Cette attitude des autorités burkinabè ressemble à une provocation visant à créer un incident diplomatique entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. « Tiéni Gbanani » comme on le surnomme en Côte d’Ivoire, n’est pas un ressortissant du Burkina Faso pour qu’un mandat d’arrêt international soit lancé contre lui. Il n’est pas un citoyen lambda, il est le numéro deux de l’État ivoirien et jouit ainsi de l’immunité parlementaire et ne peut être poursuivi par le Burkina ». Ainsi, certains Ivoiriens crient au scandale estimant que la souveraineté de leur pays a été bafouée.
Bien qu’lnterpol Burkina ait émis un mandat d’arrêt à l’encontre du président de l’Assemblée Nationale, en réalité, cela ne constitue pas une violation de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Il s’agit plutôt d’une recherche de justice et de respect de sa propre souveraineté, puisque Guillaume Soro n’aurait pas a priori les mains propres et se serait ingéré dans les affaires du pays voisin. Il est à noter que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso entretiennent depuis longtemps des rapports d’étroite collaboration du fait de leurs liens historiques. Mais, « les Etats, n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ».
C’est donc la tentative présumée de déstabilisation fomentée par Soro qui expliquerait la violation des traditions diplomatiques entre Abidjan et Ouagadougou. Cet argument de violation de souveraineté est souvent avancé par des souverainistes qui foulent au pied l’intérêt national et l’instrumentalisent pour échapper à la justice ou servir leurs vils intérêts. Les écoutes téléphoniques, qui semblent avoir été authentifiées, démontreraient l’implication du président du parlement ivoirien dans les troubles qui ont secoué le Burkina. Par conséquent, celui-ci devrait répondre de ses crimes devant la justice en dépit des privilèges et immunités dont il bénéficie. L’émission de ce mandat d’arrêt est la preuve même du refus de consécration de l’impunité liée à la fonction. Notons que Guillaume Soro ne fait qu’alléguer son immunité dans pratiquement toutes les affaires dans lesquelles il a été cité jusqu’à ce jour (forte somme d’argent retrouvée dans sa maison au Burkina avec des armes et des munitions ; justice française qui le réclame pour sa probable implication dans l’affaire Michel Gbagbo). Le respect de l’Etat de droit, se doit d’être au-dessus de toute autre considération afin de faire obstacle à l’impunité qui est une pratique trop courante en Afrique.
Ce mandat d’arrêt lancé par le Burkina est d’autant plus important qu’il constituera un précèdent, une jurisprudence qui servira d’exemple à ceux qui magouillent en coulisses pour déstabiliser des pays voisins. L’Afrique ne peut pas se présenter comme étant victime des complots occidentaux, et en même temps tolérer des pratiques de déstabilisation entre pays voisins.
Ainsi, le parlement ivoirien devrait lever l’immunité de son président ou constituer une commission d’enquête pour mettre en lumière cette grave affaire. Mieux, Guillaume Soro devrait démissionner pour prouver son innocence ou répondre de ses actes devant la justice Burkinabè. Espérons seulement que la récente rencontre entre les deux chefs d’Etat ivoirien et Burkinabè n’influence pas le cours des enquêtes de manière à ce que justice soit faite. On ne peut pas parler d’Etat de droit si l’on traite ce genre d’affaire par la voie diplomatique.
Kpangui Christian Hyppolite, étudiant chercheur à l’université Félix Houphouët Boigny – Abidjan – Côte d’Ivoire
Article publié en collaboration avec Libre Afrique
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