Par Patrice Allégbé
L’amende d’un million de Fcfa prévue par l’annexe fiscale 2016 en Côte d’Ivoire, qu’encourent notamment les entreprises non immatriculées aux impôts dans les délais « est trop lourde » et risque d’ »obérer » leur trésorerie, selon l’experte fiscaliste Marthe Kouaho Traoré, responsable du « Cabinet Conseil & Formation MK », dans un entretien à ALERTE INFO.
L’annexe fiscale 2016 demande aux entreprises y compris les PME de faire viser leurs états financiers par des experts comptables, que pensez-vous de cette mesure ?
Il y a quand même quelques mesures qui ne vont pas forcément dans le sens de ce que les entreprises attendaient. Aujourd’hui, on demande à des PME (Petites et moyennes entreprises) de faire viser leurs états financiers par des experts comptables, combien de PME ont des moyens de payer un expert-comptable diplômé ?
Si les actes uniformes ont ciblé que les grosses entreprises que sont les sociétés anonymes ou des Sarl qui ont un certain montant de chiffre d’affaires pour un certain nombre d’employés, c’était à dessein. Or, aujourd’hui, en imposant le visa à toutes les entreprises de Côte d’Ivoire y compris les PME, c’est comme si on mettait les PME sur le même pied d’égalité que les grandes entreprises qui ont les moyens. C’est une mesure qui n’est pas vraiment favorable pour les PME.
La loi fiscale fait état de l’immatriculation aux impôts des entreprises sous peine d’une amende de 1 million de Fcfa, comment jugez-vous également cette disposition ?
Concernant l’immatriculation fiscale des entreprises, nous sommes dans un système déclaratif, c’est normal que l’Etat de Côte d’Ivoire demande à toutes les entreprises de s’immatriculer, c’est juste, mais je trouve que la sanction pour la nom-immatriculation est trop lourde. Imaginez une petite PME qui ne s’est pas immatriculée dans les délais, on lui demande de payer 1 million de Fcfa comme sanction pour l’immatriculation aux impôts.
Je veux bien qu’elle soit admise parce que c’est la base de notre système déclaratif, mais une sanction aussi lourde ne va pas aider les PME qui n’ont pas peut-être en temps réel pu faire leur déclaration d’existence.
Je pense qu’on aurait pu les amener autrement parce que cette mesure-là va forcément obérer la trésorerie de certaines (PME). Peut-être, si on vous demande de payer et que vous ne payez pas, on va aller jusqu’à même à la fermeture de votre établissement et donc, ce n’est pas des mesures qui pourraient être accueillies favorablement par les entreprises de Côte d’Ivoire.
Quelle est la conséquence du non remboursement des crédits TVA au bout de trois ans ?
Dans notre système, la TVA ne doit pas être une charge pour les entreprises. Je paie une TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), en amont à mon fournisseur, je facture une TVA à mon client, je déduis la TVA que j’ai payée en amont sur ce que je dois payer à l’Etat, s’il reste une TVA positive, je la reverse à l’Etat, mais s’il me reste une TVA négative, l’Etat me dois.
Cependant, certaines entreprises, du fait qu’elles exportent le café ou le cacao ne sont pas assujetties à la TVA, mais une entreprise qui va fabriquer un produit fini, va être assujettie à la TVA si le produit est vendu en Côte d’Ivoire. Mais, dès l’instant où le produit sort à l’extérieur, il n’y aura pas de TVA à l’exportation. Et la TVA que cette personne a payée en amont, il faut bien qu’on la lui donne.
L’Etat dit on va vous rembourser cette TVA, mais compte tenu des difficultés de trésorerie, l’Etat n’y arrive pas. Dans cette loi des finances, on a mis des systèmes en place pour aider à pouvoir les récupérer. Il y a des entreprises qui aujourd’hui n’ont pas pu se faire rembourser totalement cette TVA, et l’Etat dit dans cette nouvelle loi de finances, vous avez trois ans pour vous faire rembourser une TVA, passés les trois ans, c’est perdu.
Vous avez l’obligation de déclarer votre crédit de TVA sinon dans trois ans vous perdez. Cette TVA, c’est leur agent et l’Etat le leur doit. L’Etat dit habituellement vous l’étendez sur cinq ans ou six ans je payais, maintenant au bout de trois ans vous le perdez (…) est-ce que le paiement est de la faute des chefs d’entreprise ?
Par ailleurs, les assujettissements sur les opérations de transferts d’argent ne traduisent-elles pas une taxe supplémentaire ?
Il y a l’article 7 qui prévoit une loi relative à l’assujettissement des opérations de transfert d’argent, la question des opérations de transferts d’argent était essentiellement payée par les entreprises de micro-finance qui payaient la TVA sur les opérations de transferts d’argent, les banques par contre payaient la TOB (Taxe sur les opérations bancaires) à un taux de 10%.
Aujourd’hui, avec l’annexe 2016, on demande aux banques de payer et la TOB et la TVA, or anciennement ils payaient l’ensemble à 10%. Aujourd’hui, ils vont payer pour les autres opérations 1% et 18% pour la TVA, donc il y a deux déclarations distinctes. Du coup cela fait des charges supplémentaires pour les banques et évidemment les banques ne pourront pas récupérer cette TVA qu’elles vont déclarer sur ces opérations de transferts d’argent.
Le nouveau régime fiscal sur les cessions des droits sociaux d’entreprises ne pourrait-il pas ralentir les ventes d’actions ?
L’article 12 consacre l’aménagement des cessions des droits sociaux d’entreprises. Dans les entreprises, il y avait la vente des actions, et dans cette vente d’actions, anciennement il n’y avait pas de paiement de droits d’enregistrement dans la vente puisque c’était un droit unique de 18.000 Fcfa que les actionnaires payaient, mais aujourd’hui, ils sont amenés à payer ces droits comme s’ils avaient fait une cession de fonds de commerce.
Par conséquent, cela devient lourd et c’est plus d’imposition. Et donc, c’est des aménagements qui ne viennent pas pour arranger les actionnaires qui vendent leurs actions.
PAL
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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