Côte-d’Ivoire affaire mandat présidentiel – Bacongo s’explique « Ouattara ne sera pas candidat en 2020 »

e36133ae-9262-45bd-bb8b-8012c8b1cda6

Révision de la Constitution, limitation de la durée du mandat présidentiel

«Allez dire à Bacongo d’arrêter ce petit jeu tout de suite. La limitation du mandat présidentiel (sic) en Côte d’Ivoire est un acquis démocratique qu’il ne faut absolument pas remettre en cause, pour des intérêts personnels (personne n’est dupe) ; contrairement aux autres dispositions conflictuelles (sic) qui doivent nécessairement être reformées au cours du référendum prochain que je soutiens (…). Je répète : allez dire à Cissé Bacongo d’arrêter ça (…). Il y a des choses avec lesquelles on ne doit pas jouer et chercher à remettre en cause la clause de limitation du mandat présidentiel est un vilain, très vilain jeu (…)». Telle est la réaction, en forme d’arguments, s’il en est, d’un certain André Silver Konan, publiée sur les réseaux sociaux, complétée par des jappements féroces de chacals, tels : «ce sont des sorciers comme ça qui …», avant d’être reprise dans les colonnes du quotidien «L’Intelligent d’Abidjan» du 7 janvier courant. Que dire de la propagande navrante, sans inspiration, publiée sous le titre peu convenu barrant la UNE de leur «VOIE» du même jour, qui reste fidèle à sa réputation de quotidien de secte : «Bacongo cherche palabres» ! Comme quoi, le criminel revient toujours sur les lieux du crime. Mais, comment ne pas se réjouir du début de repenti de ceux qui ont précipité le pays dans le deuil et l’horreur avec la Constitution du 1er août 2000, puisqu’ils admettent, même si ce n’est que du bout des lèvres, que «les autres dispositions conflictuelles (sic) doivent nécessairement être reformées au cours du référendum prochain». N’est-ce pas là un aveu inconscient que la limitation de la durée du mandat présidentiel est aussi une disposition «(…) conflictuelle» ?! Alors, disons : encore, un peu de courage et d’effort, au moins pour mener le débat, hors de toute crise d’hystérie et de vaines démonstrations de biceps, dans le calme et la sérénité, avec des arguments, rien que des arguments.

Est-il besoin de rappeler, sans insister davantage, que le Président de la République, Alassane Ouattara, n’est pas concerné, ni visé, à un double titre, par la proposition d’abrogation de la limitation de la durée du mandat présidentiel. Premièrement, il a dit et redit qu’il ne sera pas candidat en 2020. Deuxièmement, même s’il le voulait, pour un troisième mandat, il ne pourrait pas être candidat, puisqu’en 2020, il aura 78 ans. Or, l’alinéa 2 de l’article 35 de la Constitution dispose que «le candidat à l’élection présidentielle doit être âgé (…) de soixante quinze ans au plus». Donc, que ceux qui veulent entendre, entendent !

Et puis, pourquoi selon tous ces censeurs pro domo et directeurs de conscience sans la moindre conscience historique, si remontés et intransigeants sur leurs certitudes, la révision de la Constitution devrait-elle s’accommoder de l’existence de «zones rouges» ou de sujets tabou ? Sans doute, on conviendra avec eux que les «(…) dispositions conflictuelles (sic) qui doivent nécessairement être reformées au cours du référendum prochain (…)» ne sont pas des acquis démocratiques, pour avoir été imposées au Peuple. Mais, a-t-on expliqué à celui-ci le sens et la portée de «la limitation de la durée du mandat présidentiel (…)» considérée, de façon péremptoire suivant une appréciation suspecte, comme «(…) un acquis démocratique (…)», avant de lui extorquer son consentement, à l’issue du guet-apens qu’a été le référendum ? Bien sûr que non. C’est pourquoi, elle doit être passée au crible de la critique, nonobstant les chants de hiboux.

Ceux qui crient leur indignation sélective et au scandale, sous le prétexte dérisoire de redouter une manœuvre visant, de la part du Président de la République, à se maintenir au pouvoir, à travers la présente prise de position assumée par son auteur, tentent, honteusement, de fuir un débat qui est manifestement au-dessus de leur force. Or, l’alinéa 1er de l’article 35 est matière à débat, parce qu’il porte atteinte à la liberté de choix du Peuple, au-delà du fait qu’il peut être contre-productif pour la promotion de la démocratie et même s’avérer mortifère, dans son application stricte.

Entendons-nous bien. Les conditions d’éligibilité sont, nécessairement, discriminatoires, puisqu’elles déterminent les citoyens qui peuvent postuler à la magistrature suprême et ceux qui ne le peuvent pas. Mais, l’exclusion des derniers n’est pas le résultat d’une simple fantaisie, ni d’un jeu de hasard. Elle doit reposer sur une justification convaincante. Ainsi, l’exigence d’un âge minimum et d’un âge maximum (40 ans au moins et 75 au plus) se justifie par le fait que l’exercice des fonctions suprêmes de Chef de l’Etat est supposé nécessiter certaines dispositions ou qualités, que les jeunes et les personnes d’un âge avancé sont présumés ne pas ou plus avoir : maturité de l’esprit et lucidité dans les prises de décisions qu’implique la gestion du pays. De même, l’exigence d’une moralité irréprochable se justifie par le fait que les personnes d’une moralité douteuse ou ayant été condamnées à des peines pécuniaires ou privatives de liberté constituent un danger pour la Société. En revanche, quelle autre justification peut-il fonder la disqualification d’un candidat, qui a dirigé le pays pendant 10 ans, en dehors de la nécessité de garantir la souveraineté du Peuple en préservant sa liberté de choix ? C’est justement au regard de cette justification que la limitation de la durée du mandat présidentiel est une entorse à la souveraineté du Peuple, à sa liberté de choix et, en définitive, à la démocratie.

Il est vrai, comme on l’a déjà fait observer, dans un contexte de démocratie factice, comme dans de nombreux pays, particulièrement d’Afrique, où les Chefs d’Etat sont enclins à se maintenir au pouvoir, ad vitam aeternam, généralement au moyen d’artifices électoraux, la limitation du mandat présidentiel, dans la constitution, peut être considéré comme un compromis salutaire entre le règne de la dictature déguisée et l’alternance au moyen des armes. Il n’empêche qu’elle ne constitue pas une panacée. Et pour cause !

Dans l’écrasante majorité des démocraties stables au monde, la limitation de la durée du mandat présidentiel résulte de la pratique, qui revêt deux modalités :

Soit, le Président sortant décide de ne pas se présenter pour un troisième mandat, par pure élégance politique, pour soutenir un cadre de la même formation politique que lui ;

Soit, la formation politique dont est issu le Président sortant investit, après deux mandats successifs, un nouveau candidat, qui peut être élu.

Une telle pratique est le résultat, notamment, de l’éducation et de la sensibilisation des populations à travers les Associations, les ONG de la Société Civile et les Partis Politiques. Elle doit être consolidée par le renforcement de tout le processus électoral par la crédibilisation des organes et structures de gestion, la transparence dans les procédures, le respect des règles d’égalité et d’équité. Surtout, elle donne la preuve que seul le Peuple est souverain, en même temps qu’elle est conforme au rêve d’un Ivoirien Nouveau, citoyen du Monde, de son Temps, ayant l’esprit critique, libre de toute emprise partisane, religieuse ou tribale et responsable de son Destin.

En ce sens, comment ne pas relever la leçon donnée par le peuple sénégalais, qui a établi, avec éloquence, la vacuité de la limitation de la durée du mandat présidentiel par la Constitution. Puisque, malgré l’abrogation de cette mesure dans la Constitution sénégalaise, le Président Macky Sall a été élu face au Président sortant, Me Abdoulaye Wade, son mentor, malgré la légitimité historique de celui-ci, son charisme politique et son leadership incontestable.

En sens inverse, le peuple peut se trouver, au cours de son histoire, comme contraint d’élire un Président de la République par défaut, dont la gestion peut le conduire à un désastre, en l’absence de cadres politiques charismatiques, compétents, crédibles et intègres, pouvant assurer la relève. L’exemple topique, en une telle occurrence, dans notre pays, est Laurent Gbagbo, parvenu au pouvoir par une ruse du destin, qui a fait l’unanimité sur son manque total de leadership et de vision et son incompétence affligeante associée à sa gestion burlesque du pouvoir ayant eu pour conséquence 10 ans d’enfer.

Un risque aussi élevé et grave est cristallisé et renforcé par la limitation de la durée du mandat présidentiel par la Constitution. Pour y échapper, en ce qui le concerne, le peuple Rwandais, dont la mémoire du génocide reste encore vive, n’a pas éprouvé le moindre complexe en abrogeant cette disposition de sa Constitution, pour pouvoir maintenir sa confiance au Président Kagamé, encore jeune et dont le monde entier s’accorde à apprécier le bilan à la tête du pays.

Concluons. La volée de bois vert suscitée par la précédente contribution de l’auteur est plutôt un signe d’espoir. Car, au-delà de leur aridité et de la dissonance de leur contenu, les prises de position sur la question de la limitation de la durée du mandat présidentiel attestent du consensus sur la nécessité voire l’urgence d’abroger toutes «(…) les autres dispositions conflictuelles (…)» de la Constitution, celles qui catégorisent les ivoiriens en :

ivoiriens d’origine, nés de père et de mère ivoiriens d’origine ;
ivoiriens ne s’étant jamais prévalus d’une autre nationalité ;
ivoiriens des campements, des villages ou n’étant jamais sortis du pays, etc.

Reste à mener le débat pour parvenir, également, à un consensus sur la question de la limitation de la durée du mandat présidentiel. Pour ce faire, il est vrai que la seule volonté ne suffit pas. Il faut du détachement, qu’un minimum de culture confère et quelques moyens intellectuels, dont ne disposent pas, hélas, de nombreux contradicteurs, qui tentent d’argumenter au-dessus de leurs forces. Ce qui est déjà méritoire, de leur part.

Répétons que la révision de la Constitution, au moment où le Président de la République entame son second mandat, après avoir annoncé, à maintes reprises, son départ du pouvoir, au plus tard en 2020, est une interpellation à l’ensemble des ivoiriennes et des ivoiriens, afin que tous se mobilisent pour «(…) relever la dignité (…)» de la mère-patrie. Elle vise à renouer, entre les ivoiriens, le contrat social rompu depuis 1999, à réconcilier la Côte d’Ivoire avec sa devise «Union-Discipline-Travail» et lui permettre de réaliser son rêve d’être «(…) une terre d’espérance (…), un modèle de l’espérance promise à l’humanité (…), la patrie de la vraie fraternité».

CISSE Ibrahim Bacongo

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.