Par Anselme Blagnon
Assise derrière sa table, Jacqueline, restauratrice au marché de Prollo, village frontalier du Liberia, (pays voisin à l’ouest de la Côte d’Ivoire), a presque perdu le sourire face à la baisse de ses recettes depuis deux ans, en raison de la fermeture des frontières terrestres ivoiriennes avec Liberia.
« La fermeture des frontières a complètement arrêté notre marché », peste Jacqueline, la trentaine, vêtue d’un tee-shirt noir et d’un pagne noué à la taille, sous le regard de quelques clients venus se restaurer.
« Avant la fermeture de la frontière, je préparais 15 kilogrammes de riz, deux à trois fois par jour », grâce aux différents mouvements de personnes entre les deux pays, explique Jacqueline, nostalgique de cette période.
Comme elle, plusieurs commerçantes du marché se plaignent de la mévente, et de la baisse de leurs chiffres
« Plusieurs personnes effectuaient le déplacement du Liberia vers la Côte d’Ivoire » et vice-versa, « ce qui n’est plus le cas », ajoute son amie Lucie venue lui tenir compagnie.
Situé dans l’extrême sud-ouest de la Côte d’Ivoire, le village de Prollo, est séparé de Yokloui (Liberia) par le fleuve Cavally. On y accède par traversée en pirogue ou en barque en moins de cinq minutes.
La restauratrice soutient que son activité lui rapportait quotidiennement 15.000 FCFA de bénéfice avant la fermeture de la frontière. Mais, depuis, elle dit avoir du mal à avoir 5.000 F de bénéfice.
Le 23 août 2014, les autorités ivoiriennes ont décidé de fermer les frontières terrestres avec la Guinée et le Liberia, pays touchés par le virus Ebola, pour éviter la propagation de l’épidémie vers la Côte d’Ivoire à titre préventif.
Selon un bilan de l’Organisation mondiale de la santé au total, 28.571 cas ont été signalés dont 3.810 en Guinée, 10.672 au Liberia et 14.089 en Sierra Leone et occasionné 11.314 décès dans ces pays.
Victorien Gnépa, planteur casquette blanche vissée sur la tête, tee-shirt bleu, avec de grands gestes de la main soutient que cette fermeture a des répercussions sur le village.
« L’organisation des traversées avec la pirogue du village permettait aux jeunes dont c’étaient l’activité principale de se faire de l’argent, mais depuis que les autorités ont pris cette décision, ils ont du mal à joindre les deux bouts » raconte-t-il.
« Le seul grand service dont a besoin Prollo, c’est l’ouverture des frontières pour qu’on puisse circuler et vaquer à nos occupations, note pour sa part Wilfried Madio, un commerçant qui avait pour habitude de faire la navette entre la Côte d’Ivoire et le Liberia.
« Les importations et les exportations des produits vivriers (aubergine, piment, tomate, oignon) et autres sont aujourd’hui interrompues, ce qui nous cause beaucoup de difficultés », indique Wilfried.
Le jeune homme qui dit avoir « mal » que toutes les pirogues affrétées pour la traversée ne soient pas actuellement fonctionnelles » implore la clémence » du président Alassane Ouattara pour la levée de cette décision afin de soulager les habitants de Prollo qui « souffrent énormément de cette décision ».
Au poste des douanes, les agents ont délaissé leurs bureaux pour s’installer dans la cour pour échanger.
Selon l’un d’eux, les activités de contrôles des marchandises ne peuvent se poursuivre vu que la frontière reste fermée. La situation est la même au niveau de la police en charge de l’immigration.
« Il est temps de rouvrir les frontières. Il est vraiment temps ! », souligne Rémi Kouya, 22 ans.
Cet originaire de Prollo dit « ne pas comprendre ce pourquoi la frontière reste toujours fermée malgré la fin de la transmission du virus Ebola au Liberia » annoncée le 3 septembre par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Début décembre, le gouvernement ivoirien a décidé d’ ouvrir des couloirs humanitaires pour faciliter la reprise des opérations de rapatriement volontaire des réfugiés ivoiriens installés au Liberia suite aux violences postélectorales de novembre 2010 à avril 2011 qui ont fait 3.000 morts.
ABL
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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