Côte-d’Ivoire Fresco reportage : Quand la route tue l’activité de pêche

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Située à environ 150 km de la capitale économique Abidjan, la ville de Fresco dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire peine à sortir de son hibernation. Raisons : cette sous-préfecture de la région du Gbôklè souffre d’un enclavement criant. Notre équipe de reportage s’y est rendu. Le constat est alarmant.

La route précède le développement, mais C’est un secret de polichinelle, la route favorise le développement rapide d’une ville. Car, par son ouverture sur les autres, toutes sortes d’échanges deviennent dès lors, possibles. Si la distance Abidjan-Grand Lahou est aisée à pratiquer, celle entre Grand Lahou et Fresco n’est pas une partie de plaisir pour seulement 74 km. S’y aventurer relève du hasard que du courage, tant la voie est semée de crevasses, de nids de poules béants et d’embuches en tout genre. Sur ce tronçon, on n’évite pas les nids de poule. On les choisit. Parce qu’à la vérité, il ne reste plus rien du goudron qui faisait autrefois la fierté de cette commune dont la population est estimée à environ 20 000 habitants. Fresco fait frontière au nord avec Divo, à l’est avec Grand-Lahou, à l’ouest avec Sassandra et au sud avec une frontière naturelle : le Golfe de Guinée. Du fait de son positionnement – coincée entre trois eaux, un fleuve, une lagune et la mer – on pourrait sans risque de se tromper qualifier cette ville d’accident géologique. N’empêche qu’à Fresco, la route tue l’économie et conséquemment l’une des activités principales, la pêche qui a pris du plomb dans l’aile.

Une organisation embryonnaire

De toutes les plaies, le manque d’organisation des pêcheurs eux-mêmes et des autres acteurs de la chaine en groupements coopératifs constitue la plus béante. Jusqu’à une date encore récente, il n’existait aucun groupement, aucune coopérative ni association des communautés de pêche. C’est seulement le 4 décembre dernier, qu’à la demande des autorités municipale (le ministre Alain Lobognon, maire de Fresco, en tête) et préfectorale que deux coopératives ont vu le jour. Celle regroupant les pêcheurs et celle rassemblant les mareyeuses. Si ce début d’organisation peut augurer des lendemains meilleurs au sein de l’activité de pêche à Fresco, il est fort à parier sur un réel décollage de l’activité aquacole, le secteur étant miné de problèmes. D’abord, Fresco n’a pas de station de pêche contrairement à Sassandra et Grand Lahou. Du coup, il est difficile de s’approvisionner en carburant. Ce qui entraine des surcoûts qui grèvent forcément le prix du poisson. A cela, il faut ajouter les difficultés financières des pêcheurs qui n’arrivent pratiquement plus à s’approvisionner en matériel de travail. Cette situation fait qu’ils se tournent vers certaines mareyeuses qui leur prêtent de l’argent et à qui ils sont redevables. Toute chose qui est source de conflit car l’accord tacite est que le pêcheur doit approvisionner seulement son ‘’associée’’ et non ses concurrentes. Celle-ci revend le poisson et ils se partagent les dividendes. Si l’accord n’est pas respecté, bonjour les dégâts ! A Fresco également, les intrants coûtent excessivement chers, croit savoir, Kwadjassi Kodjo, tout nouveau Président de la coopérative des pêcheurs de Fresco. Qui souhaite que le Gouvernement revoie à la baisse le prix des intrants. Non sans faire état des difficultés de leur métier en mer : «Quand il y a un coup de vent en mer, cela fait beaucoup souffrir les pêcheurs. Si la marée tire beaucoup aussi, les pêcheurs ont des problèmes pour pouvoir sortir leurs filets de l’eau. Et dire que les chalutiers menacent beaucoup les pêcheurs artisanaux en raclant nos filets. Lorsqu’on n’arrive pas à identifier le chalutier en question, les pêcheurs reviennent bras ballants sans leurs filets, ce qui cause des pertes énormes».

Etant entendu que ce phénomène est récurrent à Fresco et qu’il empêche les pêcheurs artisanaux de pratiquer aisément la pêche, ils entendent unir leur force pour repousser les chalutiers au large des côtes. Car, l’un des objectifs que s’est fixé le président Kwadjassi Kodjo, consiste à améliorer la situation des pêcheurs de Fresco. Les mareyeuses ne sont pas en marge de ces difficultés. Elles, qui arrivent difficilement à écouler leurs provisions sur le marché du fait de la cherté. Lorsque la demande est forte aussi, elles rencontrent des difficultés au niveau de la conservation, vu que Fresco n’a pas de chambre froide et la production locale de glaçons insuffisante. Or, le poisson est une denrée périssable. L’impraticabilité des voies engendre le problème d’exportation des produits des mareyeuses vers d’autres villes.
D’un côté, il y a la population de Fresco qui n’arrive pas à absorber la production locale, de l’autre, la route qui ‘’refuse’’ l’exportation du poisson. «Or s’il y a une station qui est créée, le carburant sera subventionné et le prix du poisson deviendra moins cher. Il nous faut aussi une chambre froide pour la conservation du poisson. Nous avons des congélateurs que la présidente Micheline Dion nous a offerts, mais ils ne sont pas suffisants», a indiqué dame Kragbé. Conscients aujourd’hui du retard amorcé par le secteur de la filière pêche de Fresco, tous les acteurs de la chaine de valeur -les autorités en premier – ont décidé de se mettre ensemble, s’entendre et laisser leur divergence pour former un bloc compact, afin de mieux revendiquer certains droits. Espérons que l’âge d’or de la pêche artisanale à Fresco, soit pour demain.
Aymar Dedi, (Membre du Réseau des journalistes pour une pêche artisanale responsable en Afrique de l’Ouest – REJOPRAO CI)

CI avec SD

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