Côte-d’Ivoire refus catégorique du RDR de retourner au PDCI: Le décryptage d’André Silver Konan

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Le refus catégorique du Bureau politique du Rassemblement des républicains (RDR, parti d’origine d’Alassane Ouattara) de se fondre dans le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, parti d’Henri Konan Bédié) tel que souhaité par le président de ce dernier parti, en dit long sur les futurs rapports problématiques entre les deux poids lourds de l’alliance des houphouëtistes, actuellement au pouvoir en Côte d’Ivoire. Décryptage.

Il faut être catégorique, tout de suite. Le RDR a raison de dire qu’il refuse de retourner au PDCI. La raison est moins dans le fond que dans la forme. En effet, la forme du discours de certains responsables du PDCI a sans doute laissé penser à des militants du RDR, qu’il y avait comme un complexe de faiseur de roi chez leur allié. Ils n’avaient pas tort. De fait, le bout de phrase « les souhaits de Bédié sont des instructions », illustre bien ce complexe qui a souvent poussé des militants du PDCI à réclamer plus qu’ils n’auraient dû.

Deuxième chose : le PDCI a de sérieuses, alors de très sérieuses raisons, de se méfier du RDR. En effet, sans être opposé au projet de parti unifié, ce parti sorti, je le rappelle, des entrailles du PDCI (à l’instar de l’UDPCI d’Albert Toikeusse Mabri), s’est jusque-là bruyamment abstenu de prendre une position claire sur une déclaration non moins importante de Bédié, dans le package de l’Appel de Daoukro : l’alternance en 2020, en faveur d’un cadre issu (c’est bien l’expression utilisée par Bédié) du PDCI.
Si tant est que le RDR peut convoquer, dans une sorte de procédure d’urgence, un Bureau politique, sur un simple souhait (l’expression n’est pas de moi) de Bédié, pourquoi quinze mois après l’Appel de Daoukro, et alors que Bédié a eu à revenir à plusieurs reprises, sur ce « souhait » de l’alternance, aucune instance importante du RDR n’ait encore pris le temps de se prononcer sur le sujet ? Réponse : le RDR a l’intention de ne pas tenir compte de ce « souhait », en 2020. Le refus de retrouver le logo du PDCI, qui équivaudrait à valider ce « souhait » de Bédié, pour 2020, valide l’intention du RDR. En politique, le silence cache forcément un agenda…

Erreur politique

Aussi, serait-ce une erreur politique du PDCI, que d’aller au parti unifié, sans que le RDR n’ait eu à sa prononcer préalablement, publiquement et clairement en faveur de l’alternance au profit d’un cadre issu de ses rangs, en 2020.

A mon avis (et je peux me tromper), sur le sujet de la candidature à la présidentielle en 2020, la pression ne se trouve pas au PDCI, comme des cadres du RDR pourraient le penser, en se basant sur la majorité de leur parti au Parlement. Analyse erronée. Chacun sait qu’il est facile, par le truchement du redécoupage électoral, de gagner vingt à trente circonscriptions, au détriment de ses adversaires. Bref, ceci est un autre débat.
Le parti qui a plus de chance de diriger la Côte d’Ivoire après Alassane Ouattara, c’est bien le PDCI. Pour deux raisons.
La première tient en une analyse prospective de l’état du RDR en 2020. S’il n’y a pas de parti unifié, en 2020, le RDR sera un parti divisé en trois, voire quatre clans rivaux et chaque présidentiable ira y ramasser son morceau. A retenir : tous les Alassanistes ne sont pas forcément des Républicains, tout comme tous les Gbagboïstes sont loin d’être FPI. La popularité de Ouattara dans les bases du RDR ne va pas être automatiquement reportée sur un quelconque candidat du RDR, en 2020 et chacun le sait. Tout simplement parce que le « Bravetchê » reste le « Bravetchê » avec ou sans le RDR, mais le RDR sans Ouattara, ça ressemblera un peu au FPI sans Gbagbo. Il ne faut donc pas s’y méprendre.

Au demeurant et c’est la deuxième raison, étant donné qu’on ne gouverne pas sans faire de déçus (cf résultats du vote récent à Abobo), les déçus du RDR seront une contre-force avec laquelle il faudra compter. Tandis que les déçus du PDCI en voudront moins à leur parti qu’au RDR, coupable à ses yeux de n’avoir pas mieux redistribué les acquis de l’alliance.
De son côté, le PDCI aura réussi à co-diriger le pays pendant 10 ans, sans en donner vraiment l’air. Il pourra se présenter comme le parti de l’alternance (pas forcément du changement, puisqu’il revendiquera les bons points du bilan forcément positif de Ouattara), s’allier avec qui il veut (comprenne qui pourra) et personne ne pourra dire qu’il a trahi qui que ce soit, puisqu’il aura respecté sa part de contrat avec Ouattara.
Au passage, il aura eu de nombreux cadres dans l’administration et sera mieux organisé, en tant que parti politique. Quant à ses « irréductibles » qui connaissent désormais leur poids réel, ils n’auront d’autre choix que de rentrer dans les rangs ou d’en sortir, sans que l’un ou l’autre des cas, soit un vrai problème pour le parti.
Alors que le RDR avec le « mentor » Alassane Ouattara ne pouvait déjà pas gagner seul une présidentielle en 2010 et 2015, il est illusoire pour ce parti de croire qu’il pourrait gagner seul une présidentielle en 2020, surtout en l’absence de Ouattara, qui a déjà annoncé qu’il respecterait la limitation des mandats présidentiels.

Alliance improbable

De même, il apparaît improbable qu’une quelconque alliance avec une branche ou une autre du FPI (qui restera divisé, à tout le moins fragilisé, puisque Gbagbo serait toujours en prison) soit envisagée. Ce qui ne sera pas le cas du PDCI (cf rapprochement entre Banny et les frondeurs) qui n’a pratiquement aucun problème insurmontable avec le parti de Laurent Gbagbo.

Alors que le PDCI serait tenté de développer un complexe de celui par qui le RDR en est arrivé là, le RDR lui, entretiendrait, celui de parti qui n’avait, en réalité, pas besoin du PDCI, pour en arriver là. Evidemment, chacun des deux partis a tort et gagnerait à avoir le triomphe modeste…

André Silver Konan
Journaliste-écrivain

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