Par Noé Michalon
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Le site français d’investigation, Mediapart, a diffusé mercredi l’enregistrement d’une autre conversation non authentifiée, entre l’ex-ministre des Affaires étrangères burkinabé, Djibrill Bassolé, et le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire Guillaume Soro dont ALERTE INFO a pris connaissance.
« J’ai envoyé les deux numéros tout à l’heure », annonce la voix attribuée à M. Bassolé à son interlocuteur, qui lui confirme réception, dans le document d’une minute et 24 secondes. « Donc je transfère ça, comme moi je suis à Daloa (ville du centre-ouest ivoirien), quelqu’un les appellera demain en mon nom et il procèdera à ce que j’ai dit », réplique M. Soro.
L’article accompagnant l’enregistrement dresse l’analyse que « ce court échange pourrait être particulièrement gênant pour les deux hommes. » Dans le précédent extrait diffusé le 12 novembre, l’ex-ministre des Affaires étrangères aurait promis d’envoyer à M. Soro « par SMS deux contacts téléphoniques » afin de « faire passer les moyens » soutenant les auteurs du coup d’État du 16 septembre au Burkina Faso.
« L’authenticité de cette bande-son n’est pas remise en cause par l’entourage de Guillaume Soro, a précisé lundi l’hebdomadaire Jeune Afrique qui a évoqué le document dans ses colonnes » ajoute le media d’investigation.
Le 12 novembre, la diffusion dans la presse et les réseaux sociaux d’un enregistrement de plus de 16 minutes attribué à MM. Soro et Bassolé avait mis en cause les deux interlocuteurs pour leur implication dans le coup d’État du 16 septembre au Burkina Faso. Le président de l’Assemblée nationale avait qualifié ce document de « grossier » et de faux.
NMI
Alerte info/Connectionivoirienne.net
Un nouvel enregistrement implique Guillaume Soro dans le putsch avorté au Burkina Faso
2 déc. 2015 | Par La rédaction de Mediapart et Antton Rouget
Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, est suspecté d’avoir voulu aider les putschistes contre le gouvernement de transition au Burkina Faso. Une nouvelle bande-son, que Mediapart diffuse en exclusivité, confirme que le bras droit du président Alassane Ouattara a voulu venir en aide à un ex-ministre de Blaise Compaoré.
Guillaume Soro, bras droit du président ivoirien Alassane Ouattara, s’est-il directement impliqué avec Djibrill Bassolé, ancien ministre des affaires étrangères du président déchu Blaise Compaoré, dans la tentative de putsch qui a secoué le Burkina Faso fin septembre 2015 ? La question tourmente Ouagadougou et Abidjan depuis les publications début novembre 2015, à quelques heures d’intervalle, de deux enregistrements contradictoires faisant état de tractations entre les deux hommes.
Jeudi 12 novembre 2015, une première bande-son de 16 minutes, présentée comme une conversation téléphonique du dimanche 27 septembre entre Soro et Bassolé, non authentifiée, est diffusée sur Facebook puis reprise par de nombreux médias. On y entend Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne et proche de Blaise Compaoré, proposer de faire chuter le gouvernement de transition pour faire revenir dans la course des proches de l’ancien président, en déstabilisant militairement le pays et éliminant deux des plus importants opposants au régime. Bassolé accepte. Cette révélation provoque un séisme politique.
Seconde secousse le soir même avec la diffusion d’une autre bande de moins de deux minutes. Présentée comme la conversation originale, elle dédouane Guillaume Soro. Selon le document, qui n’a pas non plus été authentifié, le président de l’Assemblée ivoirienne ne serait intervenu auprès de son ami que pour assurer sa sécurité.
Un troisième enregistrement, que Mediapart diffuse en intégralité, vient confirmer que le président de l’Assemblée ivoirienne suivait de près la situation au Burkina Faso et accrédite la thèse d’un soutien logistique à Djibrill Bassolé. L’authenticité de cette bande-son n’est pas remise en cause par l’entourage de Guillaume Soro, a précisé lundi l’hebdomadaire Jeune Afrique qui a évoqué le document dans ses colonnes.
Ce jour-là, c’est Djibrill Bassolé qui appelle Guillaume Soro. Le « président » répond à son « très cher frère ». Soro dit se trouver à Daloa, troisième ville de Côte d’Ivoire, à 320 km d’Abidjan, laquelle jouxte le village d’origine de sa belle-famille, Zakoua. Le 27 septembre, le président de l’Assemblée ivoirienne était justement en visite officielle à Zakoua en compagnie du président Alassane Ouatarra. Ce nouvel échange téléphonique a donc pu se tenir le même jour que la supposée première conversation, soit deux jours avant l’arrestation de M. Bassolé.
Au téléphone, l’ex-ministre burkinabè confirme à son interlocuteur « avoir envoyé les deux numéros tout à l’heure ». « Si, si, j’ai reçu », répond alors Soro qui poursuit : « Quelqu’un les appellera demain en mon nom et puis procédera à ce que j’ai dit. » « D’accord », acquiesce Bassolé avant de souhaiter une bonne nuit à son interlocuteur.
Ce court échange pourrait être particulièrement gênant pour les deux hommes. Car, dans l’enregistrement de 16 minutes diffusé le 12 novembre, l’ex-ministre aurait promis d’envoyer à son ami ivoirien « par SMS deux contacts téléphoniques » afin de « faire passer les moyens » nécessaires au soutien des putschistes du régiment de sécurité de présidentielle (RSP) du général Diendéré, fidèle bras droit de Compaoré qui a mené la tentative de coup d’État du 17 septembre.
« D’ici quarante-huit heures, j’aurai des fonds. Je peux t’envoyer quelque chose pour que toi aussi tu rentres dans la base [où sont retranchés les soldats du RSP] (…). Si on voit qu’il y a vraiment une opportunité : on frappe », aurait établi Soro, dans un passage accablant de la première bande sonore. Et de détailler son plan : « Voilà ce que je voulais te proposer. On frappe dans une ville quelque part là-haut. On récupère un commissariat, une gendarmerie. Eux, ils vont fuir… On me dit que l’armée est autour de Ouagadougou, l’armée va vouloir se réorganiser pour aller vers là-bas (…). Au moment où ils décollent on refrappe dans un autre coin. Ça va les paniquer, et le RSP, lui, sort en deux temps. »
Le président de l’Assemblée ivoirienne aurait également projeté d’assassiner deux leaders des autorités de la transition : « Quand on aura fini tout ça. Moi, il y a deux personnes que tu dois accepter que je “règle” : c’est Salif Diallo [ancien conseiller de Blaise Compaoré aujourd’hui aux côtés du nouveau président Roch Marc Christian Kaboré] et [Chérif] Sy [l’actuel président du conseil national de transition]. Ils ne peuvent pas être vivants et le Burkina va être tranquille. » L’entourage de Guillaume Soro, qui conteste avec vigueur la véracité de cet enregistrement, explique que le président de l’Assemblée voulait aider, par l’intermédiaire des deux contacts évoqués dans le troisième enregistrement, Djibrill Bassolé à se retirer du Burkina.
Soro s’est défendu sur twitter en parlant d’un faux
Soro s’est défendu sur twitter en parlant d’un faux.
Le troisième enregistrement ici révélé met de toute façon à mal une partie de la défense du haut responsable ivoirien. L’entourage de ce dernier a assuré que son téléphone satellitaire de marque Thuraya ne pouvait pas être mis sur écoute, selon l’hebdomadaire satirique ivoirien l’Éléphant déchaîné. C’est d’une part nier l’efficacité de certains services d’espionnage et le fait que Djibrill Bassolé aurait pu, lui, être placé sur écoute. De plus, le répondeur au début de ce troisième enregistrement révèle que Soro utilise un opérateur fort classique et sans doute un téléphone portable ordinaire : « Orange bonjour, votre correspondant est actuellement en ligne. Nous lui signalons votre appel. »
Personne n’est aujourd’hui en mesure de dire si les enregistrements seront un jour authentifiés. L’origine de ces écoutes reste pour l’heure mystérieuse, même si elles semblent avoir été réalisées localement et non par un service de renseignement étranger. Leur crédibilité déterminera pourtant l’avenir de Djibrill Bassolé et de Guillaume Soro.
Onze chefs d’inculpation dont ceux d’« attentat à la sûreté de l’État » et de « collusion avec des forces étrangères pour déstabiliser la sécurité intérieure » ont été retenus contre Djibrill Bassolé, en détention depuis le 29 septembre. Me Alexandre Varaut, son avocat, parle de « manipulation » au sujet de l’enregistrement n° 1 : « Oui, Bassolé s’est entretenu avec Soro après le coup d’État, comme il s’est entretenu avec de nombreuses personnalités de la région qui l’appelaient pour prendre des nouvelles. Il n’a jamais été question de financer le putsch ou d’établir la tactique. » L’affaire n’est pas moins dommageable pour Soro : ce proche de Ouattara était considéré par certains comme le favori pour sa succession à la tête de la Côte d’Ivoire en 2020.
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