Par Patrice Allégbé
Le Mali, principal fournisseur de bétail de la Côte d’Ivoire, veut restreindre ses exportations à 20% de sa production nationale, une mesure qui créerait un « problème d’approvisionnement », selon le secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives de la filière bétail/viande de Côte d’Ivoire (Fenacofbvi-CI), Roger Boni, dans un entretien à Alerte Info.
Dans quelques semaines, il y aura les fêtes de Noël et du Nouvel an, pensez-vous satisfaire le marché ivoirien en bétail ?
En tout cas, cela fait partie de nos priorités et nous faisons tout pour pouvoir y parvenir. Nous venons de finir la Tabaski, les partenaires avec lesquels nous avons travaillé ont été tellement satisfaits qu’ils nous ont demandé de conduire une opération « Christmas » pour les fêtes de fin d’année (2015). On va discuter de cette question le 27 novembre prochain à Bamako.
Cela va concerner l’approvisionnement du marché ivoirien à partir du Burkina et du Mali. Lors de la fête tabaski, on a pu réaliser un chiffre d’Affaires de l’ordre de 44 millions de dollars (26,92 milliards Fcfa), uniquement pour la Côte d’Ivoire et le Sénégal. La Côte d’Ivoire était autour de 5 à 6 millions de dollars (3,06 milliards à 3,67 milliards de Fcfa) sur ce montant, ce qui est quand même énorme.
Le pays ne produit pas assez, aujourd’hui, nous sommes en train de remonter la production vers 25 à 30%, ce qui est loin de ce que nous avions avant que la crise de 2002 ne commence.
En termes de consommation, la Côte d’Ivoire, c’est autour de 100 milliards Fcfa de lait par an et autour de 60.000 tonnes par an de viande surgelée, les importations sur pied. Actuellement, le pays satisfait autour de 30% ses besoins en protéines animales et l’Etat est en train de mettre les bouchées doubles afin que nous puissions aller au moins jusqu’à 50%.
Est-ce que les prix du bœuf et du kilogramme de viande seront maintenus ou revus à la hausse, vu les soucis d’approvisionnement du marché ivoirien ?
On ne peut pas certifier aujourd’hui qu’à la fin de l’année, nous aurons des prix stables ou des prix au delà de ce que nous avons aujourd’hui. A ce jour, la grande difficulté au niveau du commerce de la viande et du bétail, c’est que nous vendons « au pif », ce n’est pas encadré comme il se doit.
On répond toujours à la loi de l’offre et de la demande. Si aujourd’hui, sur le marché abidjanais il y a beaucoup d’animaux, personne ne va vouloir laisser ces animaux sans être vendus. Donc, les bouchers vont vendre même à perte, cela va faire que le kilogramme de viande va baisser, mais s’il n’y a pas d’animaux du tout, les prix vont grimper.
Notre souhait est qu’on puisse fixer le prix du bœuf selon sa race et son poids, en définissant des normes qui permettent aux bouchers, qui sont les plus gros perdants de ce secteur, de pouvoir avoir des animaux à des prix acceptables.
Quels sont les statistiques au niveau de l’approvisionnement du marché ivoirien ?
La moyenne au niveau mensuel des arrivages en Côte d’Ivoire s’élève autour de 150.000 têtes par mois en ce qui concerne les petits ruminants et les gros autour de 60.000 têtes, mais à l’approche des grandes fêtes, ces chiffres augmentent. On peut aller jusqu’à 30 à 40% de hausse de la commande. Ce sont les pointes de consommation.
Il y a des soucis majeurs au niveau régional, comme vous le savez, c’est d’actualité. D’ailleurs, les changements climatiques impactent beaucoup sur les productions.
Nous avions l’habitude de travailler avec le Mali, le Burkina, le Niger. Le Niger ne vend pratiquement plus de tête d’animaux au niveau de la Côte d’Ivoire, parce qu’il y a le Nigeria qui consomme beaucoup et à un prix plus intéressant par rapport à ici. Aujourd’hui, vous partez à Niamey qui est censé nous ravitailler, eux, ils vendent le kilogramme de viande à 2.500 Fcfa, alors qu’ici on est à 2.000 Fcfa actuellement.
La plupart des animaux qui viennent en Côte d’Ivoire sont les petits ruminants, les bœufs vont généralement au Nigeria en passant par le Bénin et un peu au Ghana. Le Mali nous ravitaille en grande partie aujourd’hui. Sur dix bœufs qui viennent sur le marché ivoirien, il y en a au moins six qui viennent du Mali et il se pourrait qu’on commence à connaître des problèmes d’approvisionnement.
Pouvez-vous expliquer cette menace concernant l’approvisionnement de la Côte d’Ivoire en bétail à partir du Mali ?
Le mois surpassé, il y a eu une grève au niveau de Bamako parce que le kilogramme de viande était monté jusqu’à 3.000 Fcfa, ils avaient des problèmes chez eux aussi. L’État a voulu ces derniers temps imposer une restriction à l’exportation, nous sommes en train de lutter pour que cette restriction ne puisse pas rentrer en vigueur parce que cela va nous tuer.
Le ministre malien du Commerce a demandé qu’il y ait un taux d’exportation vers les pays consommateurs. S’il doit avoir un taux, cela veut dire que nos marchés ne seront plus approvisionnés comme nous le voulons.
En fait, c’est un vieux texte qui existe chez eux mais qui n’a jamais été appliqué. Le texte dit qu’au niveau de l’exportation, vous ne pouvez pas exporter plus de 20% de la production nationale. Et c’est ce texte que le ministre du Commerce veut faire appliquer. Or, si c’est le cas, ce sera grave, les camions vont rentrer au compte-goutte en Côte d’Ivoire et ce n’est pas bon.
Quelles alternatives préconisez-vous pour éviter un manque d’approvisionnement critique du marché ivoirien en bétail ?
Nous sommes en train de mobiliser les gens à aller à la production. L’élevage de bovins est plus rentable que quelques cultures que nous pratiquons ici. Il faut sensibiliser les gens à aller à la production, mais quel type de production ?
La première édition d’un salon dédié exclusivement à l’élevage des bovins devrait avoir lieu à Ouagadougou, et nous avons exigé que cela se tienne à Abidjan en 2016. Donc, nous sommes en train de travailler pour que nous puissions avoir une meilleure visibilité de cette filière, pour que les financiers puissent accompagner les producteurs.
Aujourd’hui, quelle part de la demande intérieure la production ivoirienne peut-elle satisfaire ? Par ailleurs, quelles sont les pertes que vous enregistrez par rapports aux tracasseries routières ?
Il y a 70% à combler par rapport aux besoins de bétail en Côte d’Ivoire.
Avant, on pouvait payer 600.000 Fcfa pour quitter la frontière jusqu’à Abidjan, aujourd’hui, on ne paie même pas 30.000 Fcfa, mais le prix du kilogramme de viande continue d’augmenter. Pendant la crise (politico-militaire) de 2002, on était à 1,2 million voire 2 millions, après on n’est descendu jusqu’à 300.000 Fcfa de pourboires.
Depuis 2011/2012, il y a eu une politique de lutte contre la vie chère, au cours des points qui ont été relevés, il était question de supprimer tous les barrages routiers et de les réduire à 33, et de faire en sorte qu’avec tous les pots de vin qu’on donnait sur la route, en quittant la frontière jusqu’ici, on ne paie pas plus de 30.000 Fcfa aujourd’hui.
PAL, avec DEK
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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