Par Venance Konan
C’est le titre d’une pièce de théâtre créée en France en 2007 et qui réunissait, en une même histoire, deux pièces du célèbre dramaturge Georges Feydeau. On pourrait la transplanter chez nous en la baptisant: « A quoi rêvent les membres de la Coalition nationale pour le changement (Cnc) ? ». Parce que l’on a l’impression d’assister à deux pièces de théâtre réunies en une seule histoire.
Il y aurait, d’un côté, la pièce de ceux qui, au sein de la Cnc, rêvent, à défaut de bouter Alassane Ouattara hors du Palais présidentiel, de faire au moins suffisamment de voix pour espérer compter dans la recomposition du paysage politique de l’après octobre ou novembre 2015. Et, de l’autre, il y aurait la pièce de ceux qui, ayant appelé au boycott de l’élection présidentielle prochaine, savent qu’ils disparaitront de la scène si tout se déroule bien, et rêvent d’une transition qui leur permettrait de continuer à exister. Et qui feront donc tout ce qu’ils peuvent pour que cette transition ait lieu.
Charles Konan Banny, le leader de la Cnc, et Essy Amara, qui y a un pied sans vraiment y être, ont déposé leurs candidatures. KKB, autre membre de cette coalition, a annoncé le dépôt de la sienne ce jour. Pendant ce temps, la frange extrémiste du Front populaire ivoirien (Fpi), conduite par Aboudramane Sangaré et Laurent Akoun, elle aussi membre de la Cnc, a appelé au boycott de ladite élection. A quoi jouons-nous donc ? à deux pièces dans la même histoire ? Ou à un jeu de dupes dans lequel certains donnent le sentiment d’accepter la règle du jeu, pendant que d’autres la refusent et font de la surenchère, alors qu’en réalité, tout ce monde travaille de concert à un autre scénario ? En toute logique, dès lors que certains membres de la Cnc ont déposé leurs candidatures et briguent donc les suffrages des Ivoiriens, ils ne devraient plus être dans une coalition avec des personnes qui demandent explicitement aux Ivoiriens de ne pas aller aux urnes. Que font donc Banny et KKB dans une coalition qui appelle les électeurs à ne pas voter, donc à ne pas leur donner leurs voix, s’il n’y a pas un agenda caché ?
Depuis quelque temps, alors que rien de spécial ne se passe dans le pays, alors que les conditions de la prochaine élection sont de loin les meilleures que nous ayons eues depuis le retour au multipartisme, les réseaux sociaux bruissent de diverses rumeurs. Et le moindre incident, tel que l’assassinat de l’étudiante Claude Larissa Abogny par des voyous, est monté en épingle pour faire croire que nous vivons ici sous le siège permanent de ces bandits en culottes courtes baptisés « microbes ». Et que mettre les pieds hors de sa maison reviendrait à mettre sa vie en danger. L’assassinat de cette jeune fille qui fait le buzz sur la Toile est une tragédie, et le phénomène des « microbes » doit être pris à bras-le-corps par nos autorités. Mais il faut cependant savoir raison garder. Nous ne sommes ni au Mexique, ni à Kinshasa, ni à Johannesburg. Il y a peu, c’était des faux rapports des services secrets français et de M. Jean-Marc Simon, l’ancien ambassadeur français en Côte d’Ivoire, que des journaux sans scrupules publiaient.
Aujourd’hui, ce sont des rumeurs que l’on fait circuler en les enflant. Que nous prépare-t-on demain ? Nous devons tous être très vigilants. Il y a des personnes dans ce pays, en l’occurrence les extrémistes du Fpi, et peut-être d’autres membres de la Cnc, qui ne veulent pas que la prochaine élection se déroule dans la paix et la tranquillité. Les gbagboïstes avaient boycotté toutes les élections durant tout le premier mandat du Président Ouattara, car pour eux, y participer aurait signifié qu’ils le légitimaient, ce qui serait revenu à leur arracher la peau.
Pour eux, il est encore hors de question de légitimer le Président sortant en participant à la prochaine présidentielle qui, selon toute vraisemblance, devrait conduire à sa réélection. Ils n’hésiteront donc devant aucune action qui pourrait conduire au report de l’élection à venir, ou même à la perturber si elle se tient à la date indiquée. D’ici le 25 octobre, toutes sortes de rumeurs circuleront, toutes sortes d’actes pouvant perturber l’ordre public et provoquer les autorités afin de les pousser à commettre des bavures seront tentés.
La crise post-électorale de 2010-2011, c’était hier. Nous avons encore tous en mémoire les souffrances que cela a occasionnées. Sommes-nous prêts à revivre ce scénario ? Devrions-nous laisser des individus nous y conduire ? Il faudrait que ceux qui veulent vraiment aller à l’élection se démarquent clairement de ceux qui veulent la boycotter, voire l’empêcher. Je ne sais finalement pas à quoi rêvent les poissons rouges, mais je sais que les Ivoiriens, eux, rêvent d’une élection apaisée, de croissance continue et mieux partagée. Ils n’ont aucune envie de gâcher les acquis du premier mandat de M. Ouattara.
Venance Konan
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