Pouvait-on, objectivement, croire que les adversaires irréductibles de M. Ouattara allaient le regarder partir se faire élire pour un second mandat qui marquerait leur fin politique, sans vraiment rien faire ? Pouvait-on imaginer le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo assister passivement à la réélection de M. Ouattara sans essayer de lui mettre un petit bâton dans les roues ?
Très honnêtement, lequel des adversaires du Président sortant peut sérieusement croire qu’il pourrait le battre dans une élection normale ? Tous les Ivoiriens auront remarqué qu’à moins de trois mois de l’élection présidentielle, aucun des candidats déclarés ne leur a dit pourquoi il souhaiterait qu’ils lui donnent leurs voix. Aucun meeting sérieux, aucun programme de gouvernement, aucune promesse aux électeurs, rien ! La réalité est qu’aucun de ces candidats n’espère gagner en proposant mieux, mais plutôt en cherchant à discréditer l’adversaire, en cherchant des voies de traverse. D’où la tentative de résurgence de « l’ivoirité » à travers l’interview du Pr Simon-Pierre Ekanza accordée au journal de Joseph Titi, celui qui a été arrêté puis libéré de prison il y a deux jours ; les dossiers présentés par le même journal sur de prétendus détournements de fonds et des histoires de vente d’armes, qui viendraient des services de renseignements français et cette histoire de transition que l’on distille partout. Les Français ont vigoureusement protesté contre ces faux grossiers dans lesquels leurs services officiels sont cités. Qui ne connaît pas l’habileté de nos amis de la mouvance de Gbagbo à fabriquer des faux documents ?
En novembre dernier, j’avais rencontré à Paris un de mes amis, très proche des services de renseignement français. Il m’avait averti qu’un des adversaires du Président Ouattara, se réclamant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda), avait payé une officine spécialisée dans la fabrication de vrais-faux documents, c’est-à-dire des faux documents qui ressemblent à des vrais, pour tenter de discréditer le Chef de l’État. Fort de ces informations, j’avais alors, le 24 novembre 2014, écrit ces lignes dans mon éditorial de Fraternité Matin: « Pour certaines personnalités, l’élection de 2015 est la dernière occasion qu’elles auront de se porter candidates à un scrutin présidentiel, à cause de leur âge. Et sans l’aval de leur parti, leurs chances de victoire semblent bien compromises. Que leur reste-t-il alors à faire, en dehors de maudire l’auteur de « l’Appel de Daoukro » ? Renoncer, au risque de passer pour une poule mouillée ? Y aller quand même, en sachant que la victoire relèvera du miracle ? Ou encore, y aller, en discréditant au maximum l’adversaire et ses proches, par officines interposées, afin de l’affaiblir malgré sa victoire ? »
Les adversaires de M. Ouattara ont donc mis en marche leur plan pour jeter le discrédit sur sa personne. Les histoires de corruption et de détournement d’argent sont celles auxquelles nos populations croient le plus facilement. Ils ne s’arrêteront pas à cette première tentative. Les prochains « dossiers » qu’ils fabriqueront concerneront l’épouse du Chef de l’État et d’autres proches. Leur plan est de mettre tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas d’élection, et qu’une transition à laquelle ils participeront soit mise en place. Pour y parvenir, il faut : d’un, relancer l’idée de l’inéligibilité du Président de la République ; de deux, faire croire que les conditions pour aller à des élections crédibles ne sont pas rassemblées, donc qu’une grande fraude est en train d’être organisée ; de trois, montrer que le Chef de l’État est un dictateur qui ne respecte pas les droits de l’homme et met les journalistes en prison ; de quatre, faire croire qu’il pille les ressources de son pays ; et enfin montrer que même la France que l’on croit être son soutien a fini par le lâcher.
Nous sommes dans un pays, et surtout nous sommes face à des gens, les partisans de Gbagbo, pour qui, plus c’est gros, et plus ça marche. Une simple lecture, un tant soit peu critique des documents publiés, suffit pour comprendre que c’est du faux grossier. Mais les extrémistes gbagboïstes n’en ont cure. Ils ont besoin de ce genre de document pour alimenter leur haine inextinguible, tout comme ils ont besoin qu’un pasteur farfelu vienne leur dire régulièrement que Dieu lui a annoncé la fin prochaine du régime de M. Ouattara et le retour de M. Gbagbo. Mais la vraie utilité de ce genre de document est qu’il sert à semer le doute dans les esprits un peu fragiles. Et Dieu seul sait combien il y en a dans ce pays. Une amie restauratrice me disait hier que depuis quelque temps, tous ses clients ne parlent que de cette histoire de transition qui n’a ni tête, ni queue. Si le pouvoir ne fait pas attention, ses adversaires finiront par détourner l’esprit des Ivoiriens des vrais enjeux de la prochaine élection.
Venance Konan
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