Par Jacob Djossou
Son étal de chaussures posé à même le sol, sur le trottoir du boulevard Nangui Abrogoua, Hamidou jette, de temps à autre, des regards en direction de la mairie d’Adjamé, d’où pourraient débarquer, d’un instant à l’autre, des policiers et des éléments de la brigade de fluidité et de sécurité
Le Boulevard Nangui Abrogoua (Adjamé
Après le lancement de l’opération de déguerpissement, en février 2014, sur le boulevard Nangui Abrogoua, considéré comme la “vitrine“ du plus grand marché de Côte d’Ivoire, policiers et vendeurs anarchiques continuent de jouer au chat et à la souris.
“Adjamé, c’est une jungle. On est obligé de venir sur le trottoir pour vendre, affirme Hamidou, la trentaine, derrière son étal, non loin de la mosquée. C’est vrai, on a peur de police mais on doit aussi vendre pour manger“.
Les tables installées dans les marchés sont délaissées au profit des trottoirs, jugés opportuns pour attirer la clientèle et faire de bonnes affaires. “ Si on reste à l’intérieur du marché, les clients ne vont pas venir“, se justifie-t-il.
Entre 07H00 et 9H00 GMT (du matin), période où les interventions sont plus musclées, la plupart des vendeurs restent sur le qui-vive, prêts à détaler lorsque des agents et éléments de la Brigade de sécurité et de fluidité (BSF), dans leur T-shirt vert, font irruption.
Et, les détaillants ne se font pas prier pour se ruer sur les trottoirs, dès que la brigade n’est plus dans les parages. “Ce n’est pas facile mais on fait ce qu’on peut. Nous travaillons avec un effectif de 54 agents qui ne sont pas mobiles“, affirme le Sergent Abou Coulibaly, un agent de la police municipale.
Pourtant, sur les trottoirs surpeuplés, d’autres commerçants semblent, eux, ne pas s’inquiéter de la présence des forces de l’ordre et de la BSF. “Quand ils viennent ramasser nos marchandises, on va négocier, c’est comme ça“, révèle Koné, un vendeur de friperie.
L’opération de déguerpissement “est un échec“
Selon Koné, les détaillants dont les produits ont été saisis, versent “500 FCFA“ aux agents pour reprendre leurs marchandises. Le vendeur confie avoir, à plusieurs reprises, “donné“ cette somme quand la BSF a “ramassé mes marchandises“.
Des propos confirmés par Hamidou et plusieurs autres détaillants qui se disent obligés de payer pour récupérer leurs articles et s’attirer aussi la sympathie des éléments de la BSF et de la police municipale.
Pour le 3e adjoint au maire d’Adjamé, Fané Abou, l’opération de déguerpissement “est un échec“ après que le maire Youssouf Sylla a décidé de confier la gestion à l’Agespa (Agence de gestion d’espace de stationnement et de parkings), une structure privée, six mois après son lancement.
Coordonnateur de cette opération à ses débuts, Fané Abou accuse la police municipale et la BSF de racketter les commerçants, en les soutirant “200-500 FCFA“ pour les « réinstaller sur les trottoirs ».
« Il faut reconfier l’opération à ceux qui avaient la gestion du boulevard au début, pour arrêter le désordre », affirme un conseiller municipal.
Un responsable de l’Agespa, sous couvert d’anonymat, estime plutôt que “c’est un travail sérieux qui se fait sur le boulevard. Nous ne sommes ni de près ni de loin mêlés au racket des vendeurs“.
Quant au Directeur de cabinet de la mairie, Basile Ouattara, il affirme que “l’opération n’est pas un échec. Adjamé est une commune enclavée, qui accueille plus de deux millions de personnes jour. Si on doit régler ce problème définitivement, le boulevard doit être revu et retracé“.
Sur le boulevard, les interventions de la BSF donnent souvent lieu à des altercations, voire des échauffourées entre les agents et les revendeurs.
JAD
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