Côte-d’Ivoire grogne des Ivoiriens en offshore: Les expatriés touchent « entre 200 et 1000 euros par jour »

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Par Patrice Allegbé

Les expatriés opérant dans le secteur pétrolier ivoirien notamment en offshore touchent « entre 130.000 et 600.000 Fcfa par jour », alors que les travailleurs locaux exercent dans une situation de « précarisation », selon le secrétaire général du Syndicat ivoirien du secteur pétrolier offshore et onshore (SISPOO), Imrana Konaté, dans un entretien à Alerte info

Selon la réglementation, 75% des emplois sur les plates-formes en offshore devraient être attribués aux Ivoiriens, pourquoi cela n’est-il pas véritablement appliqué ?

La première explication vient du fait que la Côte d’Ivoire n’avait pas une tradition de production des hydrocarbures. La nécessité de recruter des expatriés s’était donc imposée à elle pour exploiter ses puits pétroliers. La formation des Ivoiriens qui demeure la seule voie pour le remplacement des expatriés n’a pas suivi.

La loi portant code pétrolier n’est que peu ou pas du tout respectée. Elle stipule que « le titulaire d’un contrat pétrolier ainsi que ses sous-traitants doivent employer en priorité du personnel de nationalité ivoirienne, qualifié pour les nécessités de leurs opérations ».

Le plan d‘ »ivoirisation » a été établi comme une exigence du contrat de partage y compris le taux d’au moins 75% des effectifs constitués d’Ivoiriens. Sur le terrain, des compagnies pétrolières emploient 60 à 66% de personnel ivoirien, et d’autres 40% du personnel, parfois sans aucun projet de formation.

Cette mesure peut aujourd’hui être appliquée au regard des compétences ivoiriennes. A preuve, à Foxtrot International (compagnie pétrolière française) et Petroci CI 11 vous trouverez entre 90% et 100% de personnel ivoirien dans la production. Les compétences existent sur place pour peu que les formations suivent. Les autres ne forment pas ou presque pas.

Il faut aussi indiquer que les agences en charge de l’emploi n’ont aucun contrôle sur l’embauche du personnel expatrié des compagnies pétrolières dans la mesure où ces expatriés rentrent parfois en Côte d’Ivoire avec des visas de tourisme et non des visas de travail, délivrés par les autorités ivoiriennes elles-mêmes.

Le secteur pétrolier est un milieu à risques, quelles sont les garanties d’emploi et mesures d’accompagnement vu la temporalité du travail ?

La Côte d’Ivoire s’est depuis au moins deux décennies établie une tradition en matière de production des hydrocarbures et il existe des compétences dans le domaine de l’exploitation pétrolière.

Mais, les agents vivent une situation de « précarisation » en termes d’emploi. Les expatriés sont préférés aux Ivoiriens sur les plateformes parce que l’opérateur pétrolier préfère engager soit des compatriotes soit des ressortissants de pays ayant une réputation de producteur en matière d’hydrocarbures (Indonésie, Malaisie etc.) plutôt que d’investir dans la formation des Ivoiriens, toute chose qui entrave le développement de la Côte d’Ivoire et profite aux pays dont les ressortissants travaillent sur nos plateformes.

Vous parliez de « précarisation » des emplois, qu’est-ce qui fonde cette assertion ?

La pratique courante dans le milieu est d’avoir recours à des entreprises de travail temporaire (Cabinet de placement). Ces entreprises considèrent injustement le travail sur les plateformes comme saisonnier.

En Côte d’Ivoire, sur une plateforme l’on travaille 14 jours successifs à raison de 12 heures par jour pour 14 jours de repos. Cela correspond dans le fond à un mois normal de travail eu égard au temps d’activité.

Les entreprises contractantes font signer des contrats à leurs travailleurs chaque fois que ceux-ci embarquent sur la plateforme et leur délivrent un certificat de travail et un bulletin de salaire avec solde de tout compte chaque fois qu’ils débarquent de la plateforme faisant ainsi croire à la résiliation du contrat.

Un nouveau contrat est signé lorsque l’employé doit remonter sur la plateforme. Cet employé-là peut être licencié après plusieurs années de travail sans aucun droit ou mesure d’accompagnement.

Or, selon la législation, lorsque la mission du travailleur excède la durée maximum de six mois, l’entrepreneur est censé faire le placement de l’employé concerné dans l’entreprise de l’utilisateur pour une durée indéterminée. Dans ce cas, le travailleur est réputé embauché, à compter de la date à laquelle la mission a commencé. Mais, ce n’est presque jamais le cas.

Qu’est-ce qui selon vous, explique les énormes écarts de salaires entre les travailleurs locaux et les expatriés ?

Sur la question des salaires, ce qu’il faut retenir c’est la disparité selon que l’on est expatrié ou pas. Les expatriés sur la base des salaires élevés qu’on leur verse sont tous considérés comme des cadres supérieurs (C4) alors que leurs alter ego Ivoiriens sont ouvriers, agents de maîtrise et cadres dans la mesure où en Côte d’Ivoire le salaire de base est lié à la catégorie.

Les expatriés touchent entre 220 et 1.000 dollars américains par jour soit entre 130.000 Fcfa et 600.000 Fcfa par jour en ce qui concerne les techniciens de production, les électriciens, les mécaniciens, les informaticiens et autres superviseurs. Les dirigeants des compagnies, eux, ne font pas partie de cette classification. Les Ivoiriens sont tous payés sur la base de la réforme salariale de 1998.

Les salaires de base mensuels dans le domaine des hydrocarbures en Côte d’Ivoire variaient entre 36.607 Fcfa et 555.037 Fcfa avant la réforme du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti). Ils n’ont pas beaucoup évolué, seul le SMIG a été touché. Tous les travailleurs du domaine ne sont pas tous payés selon ce barème, certains perçoivent même la moitié du salaire de base.

Quelle est la situation en matière de production pétrolière en Côte d’Ivoire ?

Quatorze nouveaux contrats de partage de production ont été signés avec le gouvernement et 19 blocs sur les 33 disponibles ont été octroyés à 11 sociétés pétrolières depuis la fin de l’année 2011.

A ce jour, le pays produit, avec quatre blocs en exploitation, 45.000 barils par jour en moyenne sur ses réserves prouvées de 100 millions de barils. Les exportations de pétrole représentent quant à elles environ 30 pour cent des recettes d’exportation de l’Etat, et le gouvernement espère produire plus de 200.000 barils par jour d’ici à 2018.

PAL

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