INTERVIEW par Sériba Koné
De son récent séjour parisien à l’inculpation de deux ex-Commandants des Forces Nouvelles (Chérif Ousmane et Loss), en passant par la réconciliation nationale, ses rapports avec l’ex-président Laurent Gbagbo, la menace jihadiste etc. le Général des corps d’armée à la retraite et actuel Président du Conseil d’Administration (PCA) de Côte d’Ivoire Télécom, Michel Gueu Gondi qui revendique la paternité du dialogue inter-ivoirien fait le tour de l’actualité, non sans inviter les Ivoiriennes et Ivoiriens à s’inscrire résolument dans la dynamique de la paix qui passe par le réconciliation des cœurs afin de garantir l’émergence de la Côte d’Ivoire, à l’horizon 2020 .
Entretien…avec celui qui était le plus haut gradé rebelle/FRCI durant les violents combats dans la partie ouest de la Côte-d’Ivoire en 2010/2011.
Comment se porte le Général de corps d’armée depuis sa retraite et sa prise de fonction à la tête du Conseil d’Administration de CI Telecom ?
Le Général Michel Gueu Gondi se porte comme un charme depuis qu’il a fait valoir ses droits à la retraite après avoir consacré près de 40 ans de sa vie au service de son pays et que Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire lui a fait l’honneur de le nommer, Président du Conseil d’Administration de Côte d’Ivoire Télécom.
Général, vous avez séjourné récemment durant quelques jours à Paris. Peut-on savoir dans quel cadre s’inscrivait ce séjour ?
Je suis à Paris depuis mardi 7 juillet 2015 pour présider une réunion du Conseil d’Administration de Côte d’Ivoire Telecom. Laquelle s’est tenue mercredi 8 juillet. En marge de cette activité officielle, samedi 11 juillet, j’ai parrainé la cérémonie de sortie de l’Association « Génération K-IGA » composée de jeunes Dan résidant à Paris. Cette cérémonie s’est déroulée dans une ambiance de parfaite harmonie.
Le dimanche 12 et le lundi 13, j’étais en Normandie, d’abord au Mont Saint Michel, pour communier avec mon Ange gardien qui n’est autre que l’Archange Saint Michel. Puis à Lisieux, pour prier pour moi même et confier notre pays à Sainte Thérèse de Lisieux, encore appelée Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus pour le retour d’une paix durable et des élections apaisées dans notre pays.
Concernant la visite en Normandie, précisément au Mont Saint-Michel, pouvez-vous être plus précis sur les motivations réelles, outre votre foi chrétienne et votre qualité de soldat ?
Enfin, en tant que Soldat et historien, j’ai visité les plages de débarquements sur les plages de Normandie, à savoir entre autres, Omaha Beach, Utah Beach, Gold Beach, ainsi que le cimetière américain. Pour mémoire, ces débarquements qui ont eu lieu en juin 1944, ont contribué notablement à mettre fin à la seconde guerre mondiale par la victoire des forces alliées sur l’Allemagne nazie. Au sortir de la crise postélectorale en 2011, une des priorités du Président Alassane Ouattara reste la réconciliation de tous les Ivoiriens. Quatre ans après, ce processus arrivé à terme n’a pas répondu aux attentes des populations et de la communauté internationale. Selon vous, qu’est-ce qui n’a pas marché et quels sont vos conseils pour que la nouvelle structure (la Conariv) mise en place puisse réussir cette mission très complexe ? La réconciliation est un processus complexe qui demande aux personnes qui la conduisent, beaucoup de tact, beaucoup de diplomatie, beaucoup de finesse et du savoir-faire. Mais il y a que les Ivoiriens ne doivent pas toujours attendre que quelqu’un d’autre vienne les réconcilier. Je sais qu’il y a eu des blessures profondes qui vont se refermer et se cicatriser difficilement. Mais je sais aussi qu’à l’initiative des cadres et/ou des élus, à l’initiative de personnes de bonne volonté, des cérémonies de retrouvailles et de réconciliation sont organisées ici et là qui ont permis le rapprochement des entités profondément divisées.
Justement, sur la question de la réconciliation, certains experts, pensent qu’elle est complexe, du fait des politiques. Partagez-vous cet avis ?
Ces experts ont peut-être raison dans la mesure où un soir je partageais un repas avec quatre personnalités ivoiriennes de haut rang et deux ambassadeurs européens quand ces sommités de la politique et de la diplomatie débattaient de la politique en Côte d’Ivoire et des crises ivoiriennes. C’est alors que l’un d’eux demande mon avis. A la place d’un avis, j’ai marqué un sentiment d’étonnement doublé d’un constat, à savoir que certains hommes politiques ont des idées lumineuses tant qu’ils sont dans l’opposition et dès qu’ils accèdent au pouvoir, c’est un autre personnage qu’on découvre. Et à l’un des ténors de la politique ivoirienne de me rétorquer « Mon Général, c’est le fauteuil-là, une fois qu’on est assis dedans, on oublie beaucoup de choses ».
Général, l’actualité aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est l’appel à la réélection du Président Alassane Ouattara, c’est aussi les activités de l’opposition (CNC) qui pose certaines conditions avant d’aller aux élections, sans oublier la menace djihadiste. Que vous inspirent ces questions brûlantes ?
Depuis cet appel dit « Appel de Daoukro », lancé par le Président Henri Konan Bédié, au Pdci, et partant aux partis politiques regroupés au sein du Rhdp, on assiste à une certaine effervescence dans le milieu politique. Je pense que cela dénote de la vitalité de la démocratie dans notre pays. Je pense aussi, que l’opposition qui pose ses conditions pour aller aux élections en a le droit. C’est tout cela la démocratie. Quant à la menace djihadiste, il fallait s’y attendre. Cette menace date de fin 2013-début 2014. » Commander c’est prévoir « dit-on. Dans la même veine, prévoir c’est prévenir. Pour un Soldat, c’est anticiper, c’est planifier. Certaines personnes auraient averti depuis deux ans. D’autres ont griffonné quelque chose sur leur calepin ou leur tablette depuis janvier 2014.
C’est vrai que rien n’a été planifié pour prévenir cette menace jihadiste. Maintenant qu’elle est réelle, que faut-il faire pour éviter l’irréparable ?
Je n’ai jamais dit que rien n’a été planifié. Je ne fais qu’énoncer des principes élémentaires et des réflexes que n’importe qui peut et doit avoir. Je parie que même nos parents des régions concernées ont pris des dispositions pour parer à toutes éventualités. À part qu’ils ne possèdent pas de moyens adéquats pour contrer d’éventuels assauts des djihadistes.
Cette même actualité, est alimentée également par l’inculpation par la justice ivoirienne de certains de vos ex-compagnons de lutte des ex-Forces Nouvelles (FN), dont, Cherif Ousmane et Loss. Comment réagissez-vous face à cette nouvelle ?
Cela confirme l’impartialité de la Justice ivoirienne. A ceux qui parlent de « Justice à deux vitesses ou de justice de vainqueurs », le Président Alassane Ouattara a toujours répondu qu’il n’interférerait dans aucun dossier, qu’il ne protégerait personne et que le droit sera dit.
S’il est vrai que cela dénote de l’impartialité de la justice, il n’en demeure pas moins qu’elle peut fragiliser le tissu politico-social déjà très précaire…
C’est exact, mais ne dit-on pas qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ? Je pense que c’est un passage obligé pour notre pays. Tous ceux qui ont pris part aux différentes crises qu’a connues la Côte d’Ivoire devront répondre aux convocations des autorités judiciaires. Qu’ils aient quelque chose à se reprocher ou non.
Etes-vous prêt à répondre de certains actes que vous avez posés à un certain moment de l’histoire de la Côte d’Ivoire au cas où les autoritaires judiciaires ivoiriennes vous le demandaient ?
Pourquoi refuserais-je de répondre à une convocation des autorités judiciaires ivoiriennes le cas échéant? Je suis un citoyen comme tout autre. Et si j’ai posé des actes répréhensibles, naturellement, j’en répondrai. Mais, je voudrais vous dire que je suis serein et lucide.
Certains leaders politiques de passage à Paris, notamment ceux de l’opposition, ont souvent avancé qu’une visite à l’ex-Président Laurent Gbagbo à la Haye est toujours inscrite dans leur agenda. Est-ce votre cas, même si vous n’êtes pas de l’opposition, considérant que l’ex-chef de l’Etat est un compatriote ?
Une visite à l’ex-Président Laurent Gbagbo, je ne l’ai jamais envisagé. Mais si l’occasion se présentait à moi, je la lui rendrai. C’est un ivoirien. C’est un frère. Pour la petite histoire, alors que politiquement nous étions diamétralement opposés, je n’hésitais pas à lui prodiguer des conseils quand j’en avais l’occasion. D’ailleurs, certains amis des Forces Nouvelles me traitaient de traître ou de taupe. Pourtant, les mêmes n’hésitaient pas à lui rendre des visites nuitamment. Ces échanges avec Monsieur Gbagbo et d’autres hautes personnalités ivoiriennes et étrangères m’amènent à m’attribuer la paternité du Dialogue inter ivoirien. Ça, c’est un autre débat.
Quel est votre message à l’endroit de la diaspora ivoirienne vivant à Paris (France) ?
Aux Ivoiriens de la diaspora en général, et pour faire écho à l’appel de Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République, je leur demande de rentrer au pays, surtout pour ceux qui n’ont pas une situation stable. En effet, il y a de la place pour tout le monde. Et à ceux qui en ont la capacité, je leur demande de contribuer autant qu’ils le peuvent, au développement de notre chère Mère patrie sur le chemin de l’émergence à l’horizon 20120.
Réalisée par Sériba Koné
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