Frein au développement « il est urgent de réviser l’arrimage du Fcfa à l’Euro » selon l’économiste Kako Nubukpo

Kako-Nubukpo

Kako Nubukpo|DR

Il avait déjà soulevé le débat, ce qui a d’ailleurs été à l’origine de sa démission de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Mais en début de l’année, l’économiste togolais Kako Nubukpo, alors ministre de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques est revenu sur le sujet de l’arrimage du franc CFA à l’euro. La réaction du ministre a été au centre des débats les plus fous au Togo et dans la sous-région depuis que les responsables de la BCEAO ont demandé au Président togolais de le sortir du gouvernement.

En effet, le franc CFA a une parité fixe avec l’euro et les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français. Selon un rapport de la zone franc, la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale) et la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) disposaient en 2005 de plus de 3600 milliards de francs CFA auprès du Trésor français. Dans une interview accordée au journal français Le Monde, Kako Nubukpo a réitéré la nécessité de revoir l’arrimage à l’euro du franc CFA, la monnaie des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale créée en 1945.

«Si l’arrimage du franc CFA à l’Euro était une garantie de stabilité monétaire dans la zone franc et qu’en contrepartie, ces pays avaient des taux de croissance relativement faibles, on pourrait considérer que l’arbitrage fait à la création du franc CFA en 1945, confirmé à la création de l’euro en 1999, a son sens. Mais on voit bien avec le cas de la Grèce qu’une économie faible qui a une monnaie forte engendre des ajustements très difficiles à soutenir. Comment pouvons-nous avoir un discours crédible sur l’émergence si nous ne touchons pas aux outils dont nous disposons ? Il faut revoir l’arrimage fixe du franc CFA à l’Euro, si nous voulons développer nos économies», a-t-il déclaré.

Le professeur de l’économie a précisé que les 16 pays africains qui dépensent cette monnaie devraient utiliser les 3600 milliards de francs CFA au titre de dépôts auprès du Trésor public français pour financer le développement.

«Personne n’interdit à nos pays d’utiliser le volet excédentaire des réserves de change pour financer la croissance. L’accord signé avec la France en 1945, dans le cadre du fonctionnement du compte d’opérations avec le Trésor, était qu’elle couvre l’émission monétaire des pays de la zone franc à hauteur de 20 %. Aujourd’hui, nous la couvrons quasiment à 100 %. Cela veut dire que nous n’avons plus besoin de l’assureur qu’est la France pour avoir la fixité entre le CFA et l’Euro. Les dirigeants africains doivent prendre leurs responsabilités», a-t-il dit.

Pour le professeur Nubukpo, la monnaie doit être au service de la croissance et du développement.

«Pour cela, il faut des crédits. Or le ratio crédit à l’économie sur PIB dans les pays de la zone franc est de 23 % quand il est de plus de 100 % dans la zone euro. Si bien qu’il est quasiment impossible pour nos pays de rattraper les économies émergentes si le franc CFA reste arrimé à l’Euro», a avancé M. Nubukpo.

Pour l’économiste togolais, la révision de l’arrimage du franc CFA à l’Euro doit suivre des étapes. Tout d’abord, il sera question de redéfinir les objectifs des deux banques centrales d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale et de revoir leur capacité à financer la croissance économique et évaluer la qualité de leur gestion monétaire. Ensuite, le régime de change entre l’Euro et le CFA devrait être modifié pour parvenir à un régime plus flexible permettant ainsi un arrimage du CFA à un panier de devises.

Du coup, le dispositif institutionnel doit être revu pour éviter que le franc CFA ne soit encore déterminé par les événements au sein de la zone euro au lieu de la conjoncture au sein de la zone franc.

Pour Kako Nubukpo, la non-utilisation des 3600 milliards de francs CFA dont les pays de la zone franc disposent auprès du Trésor public à Paris est une «servitude volontaire» des deux banques pour le fait que la France ait officiellement ouvert le débat, si l’on s’en tient aux déclarations de François Hollande, en octobre 2012, à Dakar, où il encourageait les gouverneurs des banques centrales africaines à utiliser de façon plus active les réserves de change dont les Etats de la zone franc disposent auprès du Trésor public français.

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