Selon plusieurs sources, Monsieur et madame Henri Konan Bédié seraient parti en France, avec armes et bagages. Loin de nous l’idée de nous offusquer de ce qu’un homme de son âge puisse aller se faire soigner à l’étranger s’il en a les moyens, mais là, il semblerait que les bagages aient été évalués à un demi container. Et comme en France on trouve en principe de tout – chocolat, café, bonne chère, alcool à gogo et cigares de qualité, pourquoi autant de bagages pour quelques semaines de villégiature, de cure rajeunissante ou de check up médical ?
Alors je vais oser l’hypothèse suivante : en pays Akan, il existe des codes ; il y a ce que l’on dit, et ce que l’on ne dit pas. Et c’est souvent dans ce qui n’est dit pas qu’il faut chercher la bonne information. Derrière l’évidence – les Bédié viennent prendre les eaux et le soleil en France –, le message à décrypter : …avec armes et bagages.
Le climat ivoirien est aujourd’hui plus que maussade : à la pluie et la morosité ambiante, ajoutez la montée en puissance de l’armée française – qui reçoit des blindés légers par tranches de 50 et 60, en attendant le gros de la livraison–; la découverte d’un vaste trafic de vraies fausses cartes d’identités, permettant à plus de 500 mille électeurs étrangers sans papiers de voter pour le « bon » candidat; les bruits d’enregistrement de faux ivoiriens sur les listes électorales en France. Bref, autant d’informations inquiétantes sur le futur bon déroulement de ces « élections libres et apaisées », promises sur fond de tricherie à l’échelle encore plus énorme qu’en 2010. Comment ne pas penser que Mr et Mme Bédié n’ont pas seulement avancé la date de leurs congés d’été, mais que derrière ce départ tapageur se cache un vrai déménagement ? Ainsi, le rat de Daoukro quitterait le navire Côte d’Ivoire, ou descendrait du train de l’émergence, toujours à quai à l’aéroport Houphouet Boigny.
Oui, celui qui a appelé à voter massivement Ouattara s’en va, laissant ses fidèles et ses moins fidèles à leurs problèmes : qu’ils se débrouillent tout seuls face au président sortant; lui, Bédié s’en lave à présent les mains…
En d’autres termes, l’appel de Daoukro n’a plus de garant sur le terrain, ni même de défenseur !
Ce départ est un signal fort adressé par Bédié à Ouattara, son « meilleur ami ». Celui qui participait à toutes les inaugurations de ponts et de routes, celui à qui Dominique Ouattara donnait très filialement le bras, prend les devants et s’embarque pour un exil doré, renonçant à assumer jusqu’au bout la brigue d’un second mandat par son frère, à l’heure où ce dernier semble plus que jamais résolu à l’emporter, fût-ce au prix d’une victoire encore plus dangereuse et sanglante que la première.
Ouattara ne pèse plus rien… Il multiplie les visites, les inaugurations, les promesses, il couve et chouchoute Affi, son opposant patenté, qui en retour lui accorde le label de la « réconciliation en marche »; tout le monde sait pourtant que de part et d’autre, sur le bord des routes, on n’en finit pas d’acheter et de véhiculer les adorateurs censés suppléer à l’absence des vrais admirateurs. Comment oser encore parler de réconciliation à venir, lorsque tous les adversaires et même les amis se rebellent et prennent le large pour échapper à la tempête à venir et se désolidariser du candidat Ouattara, trop éloigné des aspirations du peuple ?
Merci, N’zueba pour ce départ qui aurait pu passer inaperçu, s’il n’avait été souligné par tes bagages façon « train de marchandises » : un train de marchandises qui n’emporte avec lui aucun acteur de cette émergence tellement chantée par notre soliste présidentiel. Merci, Nzueba de venir grossir les rangs des exilés qui font dérailler la mélodie de l’ex chantre du FMI.
Shlomit Abel, 8 juin 2015
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