Côte d’Ivoire machine grippée – Bakayoko & Co gagneront-ils le pari des 3 millions de nouveaux électeurs ?

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Présidentielle 2015 – Bakayoko and co peuvent-ils gagner le pari des 3 millions de nouveaux électeurs ?

Ces paramètres qui grippent déjà la machine

L’opération de révision de la liste électorale (RLE) a été lancée à Yamoussoukro le 1er juin 2015. Depuis cette date, on n’observe pas encore de bousculades devant les centres d’enrôlement aussi bien dans les quartiers d’Abidjan qu’à l’intérieur du pays. Dans certaines contrées, rapportent des interlocuteurs, personne n’est informé de l’existence d’une telle opération. Les équipes mobiles annoncées sont pour l’instant invisibles. À Abidjan, hormis des panneaux publicitaires en bordure de voies que très peu de personnes lisent, la communication autour de l’opération est encore morose pour attirer des foules. Le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko a pourtant pris soin de consulter les groupes sociaux constitués pour faire passer le message de sensibilisation. Pendant une semaine, politiques, chefs religieux, associations, journalistes et corps préfectoral ont eu droit au grand oral sur tous les aspects techniques du processus de révision de la liste électorale. Ils ont été sollicités pour relayer le message auprès des groupes qu’ils dirigent, dans les instances des partis politiques, dans les mosquées, dans les églises, dans les ‘’grins’’ et ‘’agoras’’. Apparemment ces canaux n’ont pas encore montré leur efficacité. Il faut peut-être attendre vers la fin de l’échéance comme l’aiment bien les Ivoiriens pour observer le contraire.

En plus de cette timidité, d’autres facteurs limitants font que l’opération a du mal à prendre son envol. Certains partis politiques comme le Fpi d’Affi N’guessan dénoncent déjà des obstacles préjudiciables aux potentiels électeurs. Parmi ces obstacles, on note l’inégale répartition des 2000 centres d’enrôlement. Selon ce parti, des zones densément habitées sont moins dotées que celles de moindre densité de population sans que l’on sache quelle est la logique qui a prévalu. Or, selon les prévisions, sont concernés les 5,6 millions d’électeurs de 2010 auxquels vont s’ajouter les nouveaux majeurs dont le nombre est estimé à 3 millions. Soit une population cible d’un peu plus de 8 millions d’individus à prendre en compte. En ne considérant que les 2000 centres fixes définis par la CEI, il faudra enrôler près de 4000 électeurs par centre en un mois. Les machines d’enregistrement ont-elles les capacités nécessaires pour supporter ce flux avec l’expérience que l’on a de la biométrie ?
Au-delà de ces aspects techniques, le dispositif réglementaire en lui-même peut s’analyser comme un autre facteur contre-productif. Pour sûr, si l’exigence de la carte nationale d’identité est unanimement acceptée, celle du certificat de nationalité pose cependant problème de par son coût (le certificat dit sécurisé) et de par la lourdeur administrative. Passé le délai des audiences foraines, pour s’offrir ce document, il faut se rendre dans un tribunal. Combien de personnes auront ce temps et les moyens nécessaires pour quitter leurs zones d’habitation pour aller au tribunal et subir toutes sortes de tracasseries avant d’avoir le fameux papier ? Autant dire que ces personnes choisiront de s’abstenir et vaquer tranquillement à leurs occupations quotidiennes.

Le contexte politique
et le souvenir douloureux de la crise postélectorale de 2010. Il n’y a qu’à interroger les citoyens ordinaires dans les rues d’Abidjan et de l’intérieur du pays pour se rendre compte de leur dégoût de la chose politique. Certains vous répondront qu’il faut bannir les élections en Côte d’Ivoire pour éviter les morts inutiles quand d’autres vous diront carrément qu’ils n’iront pas voter parce qu’ils n’y voient aucun intérêt. Le traumatisme de la crise est encore vivace dans les esprits. Les événements à répétition depuis les élections de 1995, de 2000 et plus près de nous ceux plus violents et plus meurtriers de 2010 vont surement aggraver le taux d’abstention. Et le fait que les mêmes acteurs politiques, le même président de la CEI soient encore présents suscite encore plus de peur que de sérénité, à l’approche d’octobre 2015. Les plus sceptiques font déjà leurs provisions s’ils ne s’apprêtent à quitter le pays.

Au niveau purement politique, certains dans l’opposition comme la CNC ne sont même pas encore convaincus des conditions de l’équité et de la transparence du processus électoral. Ils maintiennent la pression sur le gouvernement et exigent toujours le remplacement de Youssouf Bakayoko. Pendant ce temps sa jeunesse prépare une marche le 9 juin 2015 et ne semble pas être préoccupée par l’enrôlement. Du côté de la coalition au pouvoir, c’est déjà la veillée d’armes et on s’apprête à envoyer des missions à l’intérieur du pays pour la sensibilisation. On est convaincu que part favori à cette élection, celui qui aura réussi à motiver le plus de militants à s’inscrire sur la liste électorale.

Autant de contradictions et de controverses qui auront une répercussion sur le bilan du recensement électoral. À ce rythme et dans ce contexte il n’est pas sûr que les prévisions optimistes de la CEI soient atteintes à plus de 50 %. En 2010, non seulement le processus était inclusif, mais la CEI a dû solliciter des reports pour atteindre les 5,6 millions d’électeurs.

SD à Abidjan

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