Après des années de litige, le tracé de la frontière entre le Burkina Faso et le Niger, issu de la colonisation, va être modifié d’ici 2016. La justice internationale a tranché, et 18 communes vont du coup changer de pays.
Ces deux pays pauvres du Sahel, immense région confrontée à des groupes islamistes et mafieux qui se jouent des frontières, ont été des colonies françaises jusqu’à leur indépendance en 1960. Ils partagent environ un millier de kilomètres de frontière commune, dont un tiers a déjà été borné. Le reste du tracé, contesté par les deux parties, a été redéfini dans un arrêt rendu le 16 avril 2013 par la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, qui a attribué 786 km2 nigériens au Burkina Faso, tandis que 277 km2 burkinabè ont été rendus au Niger.
D’après la secrétaire permanente de la commission nationale des frontières du Burkina Faso, Kouara Apiou Kaboré, le Burkina Faso gagnera ainsi « quatorze villages », contre « quatre » pour le Niger à la fin du bornage, prévu « d’ici 2016 ». Désormais, 630 kilomètres doivent être bornés pour marquer définitivement la nouvelle frontière.
« Les villageois sont installés ici depuis des années à cause de la fertilité des sols et ce sont ces terres cultivables que nous perdons », regrette Souleymane Wérémi, préfet de Falangountou, département frontalier qui va céder les quatre villages au profit du Niger.
Inquiétude
Les autorités des deux pays assurent qu’elles vont minimiser l’impact de ce changement sur les populations. Mais, du côté des villageois concernés, la nouvelle est accueillie avec crainte. « Je suis très inquiet de savoir qu’on va nous changer de pays », confie Amidou Moukaïla Maïga, cultivateur dans le village de Wibora, qui va passer du Burkina au Niger. « J’ai peur que nos infirmiers et nos enseignants ne veuillent pas changer de pays et rentrent au Burkina. Et à ce moment-là, comment va-t-on faire? », ajoute-t-il.
Au terme de l’opération, « il y aura un recensement des populations des localités concernées, qui auront le droit de choisir leur nationalité », assure Mme Apiou, sans pouvoir estimer le nombre d’habitants concernés. « Elles disposeront de cinq ans pour le faire », a-t-elle poursuivi.
Ces nouvelles limites permettront de gommer « des frontières dessinées à l’équerre par d’autres personnes que les Africains », selon le porte-parole du gouvernement nigérien Marou Amadou, qui rappelle que le tracé actuel « datait de 1926 » et de la colonisation.
Les deux pays avaient engagé depuis des décennies un processus de matérialisation de leur frontière par la création d’une commission technique mixte, mais des divergences étaient apparues sur certains points de bornage. « Bien tracer les frontières permet davantage de cohésion entre nos deux peuples, qui en ont besoin pour l’avenir », affirme M. Amadou à l’AFP.
Le Burkina Faso dispose de plus de 3.000 kilomètres de frontière avec le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Niger et le Togo, dont un tiers restent encore à délimiter, selon les autorités. L’ancienne Haute-Volta a connu deux guerres frontalières avec le Mali en 1974 et en 1985, le différend entre les deux pays ayant depuis lors été résolu, tandis que les limites avec le Ghana et le Togo demeurent celles qui ont été héritées de la colonisation. Des discussions ont été ouvertes avec la Côte d’Ivoire pour une nouvelle frontière commune, selon Mme Apiou. Le Burkina et le Bénin ont de leur côté saisi conjointement la CIJ en septembre 2009 pour régler leur litige.
Les questions de frontières sont sources de conflits en Afrique, malgré la décision de l’Union africaine de respecter les frontières héritées de la colonisation après les indépendances des États africains.
J.A/AIP
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