Côte d’Ivoire – à Abidjan, la prolifération des « gbêlêdromes » fait le bonheur des picoleurs

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(MAGAZINE)

Par Serge Alain KOFFI

Chaises et tables en bois, disposées généralement sous un hangar de fortune : les “gbêlêdromes’’, bistrots de consommation du “gbêlê’’, un genre de gin produit en Côte d’Ivoire par distillation du vin du palmier, connaissent un franc succès à Abidjan où ils se sont multipliés ces dernières années au grand bonheur des férus de cette boisson.

Assis devant une petite table sur laquelle sont posées de petits verres contenant un liquide de couleur marron, Romeo Lehou, la quarantaine, informaticien, devise gaiement avec ses amis de l’îlot 3, un sous-secteur de Port-bouet (commune populaire au sud d’Abidjan) dans le “gbêlêdrome’’ de Suzanne Akossua, leur “tantie’’ du quartier.

Chaque soir, ils s’y donnent rendez-vous pour faire causette, mais surtout pour boire du “gbêlê’’, plus connu en Côte d’Ivoire sous le nom générique de Koutoukou.

“J’en bois depuis 1984 donc bientôt je mets fin à ma carrière’’, affirme avec humour Romeo Lehou pour traduire, non sans susciter les rires de ses compagnons, son vieil attachement à la consommation de cette liqueur.

Si ces bistrots se comptaient autrefois sur les bouts des doigts, force est constater qu’ils se sont multipliés de façon exponentielle ces dernières années à Port-bouet en particulier et généralement dans toute la capitale économique ivoirienne.

Fréquentés de plus en plus par les jeunes, ces bistrots ne désemplissent pas, à la joie des vendeuses. Suzanne Akossua, vendeuse d’origine ghanéenne, ne cache pas que “ (son) activité marche bien’’. “Mes recettes journalières peuvent souvent s’élever à 10.000 Fcfa’’, dit-elle, avec satisfaction.

Cependant, elle déplore le fait que de nombreux clients viennent boire à crédit et refusent par la suite de solder la dette.

En Côte d’Ivoire, cette boisson alcoolique traditionnelle avait été interdite en 1964, puis de nouveau autorisée en 1999, pour lutter contre la distillation clandestine, qui représente des dangers pour les consommateurs.

Depuis, le “gbêlê’’ continue de plus en plus d’occuper dans le pays une place de choix aussi bien dans la consommation des boissons contenant de l’alcool que dans les habitudes socioculturelles des Ivoiriens.

Si Alain Adjehi, déclarant en Douane, affirme en consommer seulement le soir juste “comme un apéritif’’, Pascal Apahou, agent d’assurance, lui par contre, loue, ses “vertus thérapeutiques’’.

“C’est moins cher et à la portée de la bourse de tout le monde’’, ajoute pour sa part, Franck Anohi, sans emploi. C’est que la tournée dans un petit verre coûte 100 FCFA et 500 FCFA dans la bouteille de 0,5 litre. Il y en a même en version améliorée dans des petits sachets, made in Ghana, et vendus à 100 francs CFA l’unité.

“Avec l’argent d’une seule bière (dont le prix oscille entre 500 et 900 FCFA) qui n’aura aucun effet sur moi, je peux, avec moins d’argent, m’enivrer rapidement avec gbêlê’’, poursuit-il, entre deux éclats de rire.

Autrefois consommé généralement par des personnes d’un certain âge, le “gbêlê’’ est de plus en plus prisé par les jeunes. Il n’y a pas un quartier à Abidjan qui n’a son “gbêlêdrome’’. Son faible coût le rendant accessible aux personnes les plus défavorisées de la société.

Cependant, la consommation excessive de cette boisson artisanale dont la teneur en alcool reste inconnue, n’est pas sans conséquences sur la santé.

“Les férus du gbêlê sont exposés à des maladies comme la cirrhose de foie’’, prévient Dr Pascal N’guessan, médecin dans un centre hospitalier.

SKO

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