Réconciliateurs
Essy Amara et Charles Konan Banny, deux des « irréductibles » du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda), ont dévoilé leurs programmes : réconcilier les Ivoiriens. Excellente idée, tant nous avons besoin, en ce moment, de cette fameuse réconciliation. Et, à vrai dire, ils ne risquent pas de chômer, tant nous avons des gens fâchés dans ce pays. Pour se mettre en jambes, ils pourraient commencer par réconcilier leurs nouveaux amis du Front populaire ivoirien (Fpi).
Ils ne l’ont peut-être pas remarqué, au moment où ils allaient déposer leurs valises dans la maison bleue, Affi N’Guessan et Aboudramane Sangaré ne se parlaient plus. Ils en sont même à s’insulter sur la place publique et à dévoiler les petits secrets des uns et des autres. Pour nos « irréductibles » qui affirment être devenus candidats pour réconcilier les Ivoiriens, lorsque l’on va déposer ses bagages dans une maison dont les occupants ne s’adressent plus la parole, la moindre des choses, c’est de commencer par les réconcilier. Vous n’allez quand même pas laisser vos nouveaux amis se battre sur la place publique sans rien faire ! Surtout que ceux-ci se partagent les fameux 47% de voix de Gbagbo sans que l’on sache qui en détient la plus grande proportion. Alors, messieurs les réconciliateurs, nous vous regardons. Nous vous prendrons au sérieux le jour où vous amènerez Sangaré et Affi à s’embrasser, de même que César Étou et ses camarades de Notre Voie. Si vous réussissez cette mission, vous pourriez essayer de réconcilier les Ivoiriens par le travail bien fait, l’ordre, la propreté, l’honnêteté, l’effort. Si vous réussissez cela aussi, c’est sûr que vous aurez nos suffrages.
Cela dit, de quoi s’agit-il lorsque l’on parle de réconciliation ? Qui est fâché avec qui dans ce pays ? Ce que nous voyons en ville et dans les campagnes, ce sont des populations qui vivent en bonne intelligence, comme par le passé. Il y a quelques semaines, nous nous trouvions dans le sud-ouest, une région où se retrouvent toutes les communautés de notre pays, voire de toute l’Afrique de l’Ouest. Pendant la crise post-électorale, personne n’avait pris la machette contre son voisin, comme on l’a vu dans d’autres pays en Afrique. Certes, il y a eu officiellement 3000 morts que l’on ne saurait passer par pertes et profits. Ces morts sont de tous les camps. Et nous en sommes arrivés là parce que Laurent Gbagbo n’a pas eu l’intelligence de se comporter comme Goodluck Jonathan vient de le faire au Nigeria ; à savoir reconnaître simplement sa défaite. La tâche de consoler les victimes et leurs familles avait été confiée très officiellement à Charles Konan Banny. S’il revient nous parler encore de réconciliation, on peut se demander ce qu’il a fait à la tête de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr). Les morts ne reviendront pas. Mais on peut indemniser leurs familles. C’est la mission qui vient d’être confiée à Mgr Ahouana et nous lui souhaitons de la réussir, en sachant que la réconciliation ne se décrète pas. C’est le temps qui cicatrise le mieux les blessures, même les plus profondes.
Qui d’autre est fâché ? Il y a bien sûr Aboudramane Sangaré et Affi N’Guessan, et avec eux, tous leurs partisans qui sont prêts à en venir aux mains. Mais il y a surtout les « irréductibles » de Laurent Gbagbo qui restent toujours convaincus que c’est ce que Yao N’Dré a dit après l’élection de 2010 qui est valable ; ce qui revient à penser que c’est Alassane Ouattara l’usurpateur ou le voleur de pouvoir. Oui, ceux-là n’adresseront la parole à M. Ouattara et ses partisans que le jour où le Woody sera revenu de sa prison et réinstallé dans son fauteuil présidentiel, celui que Dieu lui avait donné. Et comme, a priori, ce n’est pas demain la veille, je ne sais pas trop ce que nos réconciliateurs pourront faire pour les réconcilier. Qui d’autre est fâché ? Il y a tous ceux qui ne font pas partie des « irréductibles » du ‘’Christ de Mama’’, mais qui ont perdu une position du fait de sa chute et qui ne cesseront d’être fâchés que lorsqu’ils auront une nouvelle position ou l’espoir d’en trouver une. Et puis, il y a tous ceux qui se disent fâchés parce que c’est chic d’être fâché et de s’entendre dire « Pardon, ne te fâche plus. On te donnera une enveloppe pour refroidir ton cœur.»
Cela dit, je vous souhaite à tous une excellente fête de Pâques, en espérant que la mort et la résurrection de Jésus arriveront à réconcilier Affi et Sangaré ; KKB et Guillaume Soro ; Banny, Essy et Bédié.
Venance Konan
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