Henri Konan Bédié peut jouir des ors et lambris du pouvoir sans être aux affaires ! A 80 ans bien sonnés cette année, le prince des Nambê de Daoukro ne s’est jamais aussi bien porté qu’il l’est à présent. Pratiquement comme à l’époque de sa présidence, entre 1993 et 1999, où il succéda au vieux Félix Houphouët-Boigny, le premier président de la République de Côte d’Ivoire, disparu le 07 décembre 1993.
Les plus anciens se souviennent que ce jour-là, l’ancien chef du Parlement ivoirien avait dû batailler ferme pour coiffer au poteau, le Premier ministre d’alors, un certain Alassane Dramane Ouattara, qui avait clairement affiché ses visées pour le fauteuil présidentiel. Un triomphe que le président Henri Konan Bédié dut essentiellement, à feu le général Robert Guéi, chef d’état-major des armées à l’époque, Laurent Dona Fologo, Secrétaire général du PDCI et surtout à Laurent Gbagbo, le leader de l’opposition significative qui lui, avait opté pour l’application de l’article 11 de la constitution, bien que n’aimant pas particulièrement cette disposition textuelle « pour son caractère monarchique », comme il aimait se justifier sur la question.
En somme, un trio qui avait refusé de conduire le pays à l’aventure que représentait Alassane, bien dans le rôle du tocard. Bref, Henri Konan Bédié, dans sa posture actuelle d’inspirateur théorique de la gouvernance Ouattara, se voit ainsi projeté un peu plus de 20 années en arrière. Un statut grassement rétribué par la présidence ivoirienne si on en croit des indiscrétions en provenance de cette institution.
En effet, selon la source, pour s’attacher le soutien indéfectible du PDCI à sa gouvernance, ce sont au bas mot, 27 millions de Fcfa qu’Alassane Ouattara verse chaque mois au président Aimé Henri Konan Bédié, comme rentes viagères. Soit 5 millions de plus que sous la décennie Gbagbo. Une rallonge de cinq points en récompense certainement de l’appel de «N’zuéba », – lancé entre les deux tours de la présidentielle de 2010 –, à la chefferie Akan, à voter Ouattara lors du sprint final face à Gbagbo.
Aussi Bédié bénéficie-t-il de véhicules de son choix en cas de besoin. Et quand on sait le goût prononcé du « sphinx » de Daoukro pour les grosses berlines, on imagine aisément ce que cela coûte au contribuable ivoirien. De plus, avec ses enfants bien casés dans la haute sphère de l’administration Ouattara, le président du PDCI ne se plaint pratiquement de rien s’agissant des besoins familiaux notamment. Surtout que dans l’affaire, son épouse, Henriette Bomo Bédié, a pu hisser son ONG, « Servir », au rang d’association d’utilité publique, bénéficiant ainsi de gros financements publics. A titre d’exemple, le District d’Abidjan lui a récemment offert la rondelette somme de 200 millions de nos francs à l’occasion de son dernier gala de bienfaisance. Fait notable, tout ce qui est évoqué plus haut n’empêche pas, dit-on, Ouattara de satisfaire les demandes de fonds régulières introduites par Bédié.
Cerise sur le gâteau : pour tous ses déplacements à l’extérieur, le patron du PDCI a à sa disposition, l’avion présidentiel. C’est d’ailleurs à bord de cet engin que l’homme a rallié, en début de semaine, Malabo, accompagné d’une forte délégation, pour rencontrer son vieil ami de président Théodoro Obiang N’guema Mbasongo. Les mauvaises langues prêtent au visiteur venu d’Abidjan, d’être allé solliciter une fois encore, la bourse du n°1 équato-guinéen dans l’optique de la modernisation du parti doyen de Côte d’Ivoire. Avec pareils égards, le président Henri Konan Bédié a-t-il des raisons objectives de ne pas accompagner la présidence de Ouattara ? Evidemment non, si l’homme veut se la jouer quelque peu perso.
Au total, un traitement princier qui fâche quelques-uns dans l’entourage du chef de l’Etat qui estiment que ce dernier est trop large avec son allié de Bédié, un homme qui, se souviennent-ils, lui a pourtant fait vivre ses pires moments en politique, avec notamment toute la direction du RDR jetée en prison à la fin des années 90, avec à la clé, un mandat d’arrêt international lancé contre Alassane Ouattara pour « nationalité douteuse ».
Contraint de ce fait à l’exil, le champion des « Adorateurs » ne dut son salut et son retour au pays qu’au putsch militaire de Noël 1999 qui balaya le régime Bédié. Pour ceux qui se demandaient encore par quel tour de magie le « masque» fait aujourd’hui ami-ami avec le « grand masque » qu’il traitait hier de tous les péchés d’Israël, ils ont désormais la réponse à leur préoccupation.
Géraldine Diomandé Aujourd’hui
(*) titre original : « Voici ce que Ouattara verse chaque mois à Bédié afin d’obtenir de lui le soutien du PDCI à sa candidature unique au RHDP ».
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