INTERVIEW
Vous avez été ambassadeur, ministre des Affaires étrangères pendant neuf ans. Votre candidature à la présidentielle a surpris plus d’un. Tout le monde se demande ce qu’Essy Amara vient faire dans l’arène politique ?
Apparemment, je n’avais aucune raison de venir me mettre dans cette lutte. La force d’un Etat, c’est le tissu social. Quand il est solide, la paix règne. Quand il est fragilisé, c’est un danger. Depuis la mort du Président Houphouët notre pays est très divise comme tout le monde le sait. A l ‘avènement du pouvoir militaire en 1999, le général Guei s’était engagé avec le Conseil National de Salut Public à balayer la maison et à réconcilier les ivoiriens; cette mission n a pas été atteinte. Dès la prise du pouvoir, le Président Gbagbo à engager le forum de la Réconciliation Nationale qui n’a pas été une réussite car quelques mois après ça a été le début de la grande crise qui a divisé le pays. Le Président Ouattara avait annoncé lors de sa campagne qu’il allait faire de la réconciliation la priorité de ses priorités. Aussitôt élu il a créé la CDVR. Au terme des travaux de cette commission l’objectif de la réconciliation visé est très loin d’être atteint. Aujourd’hui la Cote D’ivoire demeure profondément divisée. Fort du constat que la réconciliation n’est pas réalisée et des dangers que court notre pays, je me suis senti dans l’obligation de présenter ma candidatures au élections de 2015. Toute ma carrière a été consacrée à la diplomatie et à la résolution des conflits. J’avais été à l’origine d’un document publié le 13 avril 1998 par les Nations Unies sur les causes des conflits en Afrique. Dans ce document, il y a tellement d’indices qui indiquent des conflits ou des troubles probables sur le continent. Cela m’a beaucoup troublé. Ce document identifie la source des conflits en Afrique. Tous ces indicateurs se retrouvent malheureusement en Cote D’Ivoire. Je ne peux pas être un sachant et rester les bras croisés. Pour résumer la réponse a votre question, je suis obligé d’entrer dans l’arène politique pour gagner les élections de 2015 afin de donner une chance a la réconciliation entre les ivoiriens. Le Président Houphouët disait que les problèmes de personnes étaient les plus difficiles à régler. Quelle que soit la bonne volonté des Présidents Ouattara, Bédié et Gbagbo ils ont été les principaux acteurs qui divise le pays. La réconciliation ne peut donc venir que d’une quatrième personne.
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Au cours de l’une de vos sorties avec Charles Konan Banny et KKB, vous avez tenu des propos qui semblent avoir choqué des imams. Que s’est-il réellement passé ?
Dans l’environnement électoral où j ai tenu cette conférence de presse, certains de mes propos ont été rapportés dans la presse de sorte à choquer des imams et même des ambassadeurs de pays arabes avec qui j’ai toujours entretenu des relations d’amitiés et de fraternité sans failles. J’ai beaucoup de respect pour tous nos imams et Je suis particulièrement fier de cette nouvelle génération d’imams qui ont été formés en Egypte, à la Mecque, à Médine, etc., et qui sont des personnes très talentueuses. Quand je vois la qualité de nos imams et la maitrise avec laquelle, ils font leur devoir, c’est une fierté pour moi. L’avènement de cette nouvelle génération a permis à la jeunesse musulmane ivoirienne de mieux comprendre l’islam et de fréquenter les mosquées avec enthousiasme. Aussi en aucune façon je ne peux dire quoi que ce soit qui puisse contrarier cette réalité. Pour ce qui concerne les pays arabes, mon parcour s personnel de musulman peut rassurer tout mes frères du monde arabe. J’ai été l’un des Africains qui était le plus impliqué dans les relations avec le monde arabe pour des raisons diverses. Lorsque j’étais ambassadeur aux Nations Unies, tous les ambassadeurs musulmans me connaissaient. J’étais en lien étroit avec le monde arabe. Avec la guerre froide, beaucoup de pays arabe au Nations Unies n’étaient pas amis. A telle enseigne, que lorsqu’on voulait construire la mosquée de New-York, c’est moi qui avais été choisi pour être le président du comité de construction de la mosquée. Quand j’ai été choisi comme président de ce comité, cela m’a pris beaucoup de temps et d’efforts. Nous avons pu faire la mosquée, Dieu merci. Pendant cette période, j’ai effectué beaucoup de voyages dans les pays arabes et des Pays musulmans comme le Malaisie et l’Indonésie. Grâce à la construction de cette mosquée, j’étais devenu un acteur clé dans le monde musulman aux Nations Unies. J’avais été invité par le gardien des deux lieux saints de la Mecque et Médine à effectuer le grand pèlerinage à la Mecque et m’avait fait le grand honneur de me faire prier à deux reprises dans la Kaaba. Fait inédit, le Pape Jean Paul II, m’avait envoyé en mission pour voir le roi Fahd plusieurs fois pour régler des problèmes religieux. Le monde islamique a été mon monde naturel. Je sais à quel point un pays comme l’Arabie Saoudite lutte avec de gros moyens contre toutes formes d’extrémisme. Ce Pays ne peut donc en aucun cas être associé aux mécréants de Boko haram et autres terroristes qui sèment la mort et la désolation partout en contradiction avec les valeurs de l’islam. Dans tous les cas j’ai reçu une délégation d’imams et nous nous sommes bien compris et avons dissipé toute forme de malentendu. A ce propos, je tiens a interpeller tous nos amis de la presse afin de faire l’effort de ne pas inviter la religion dans la politique.
Est-ce que vous vous êtes compris avec les imams ?
Oui effectivement nous nous sommes compris et même très bien compris. Tout s’est bien passé. C’est une question de compréhension et de contexte. Dans votre journal, vous avez interprété certains concepts que j’ai utilisés. Quand on les enlève du contexte dans lequel j’ai fait le développement, et que cela n’a pas été jusqu’au bout de sa logique, cela peut prêter à confusion. Sinon, je ne m’attaquerai jamais à un imam encore moins à un Etat arabe. J’ai failli moi-même être imam. Parce que mon père m’avait inscrit dans une école coranique, je devais donc évoluer vers ce métier. Mais enfin de compte par la volonté de Dieu, je n’ai pas fait cela. J’ai laissé l’école coranique très tôt pour l’école laïque. J’ai beaucoup de respect pour les imams. Je l’ai connais presque tous. Parce que j’ai prié dans presque la moitié des mosquées d’Abidjan. Quelque fois je change de mosquées, car cela me permet de voir la réalité du pays. Si vraiment certains imams, semblent avoir été choqués par ce que j’ai dit, sans comprendre avoir le contexte dans lequel je l’ai dit, je m’en excuse.
Avec Communication Essy Amara
Source: L’Expression
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