Jeu d’alliances
Il est impérieux pour notre pays qu’Alassane Ouattara poursuive le travail qu’il a commencé, qu’il termine ses chantiers, en ouvre de nouveaux, et que les fruits de la croissance soient répartis entre tous les Ivoiriens. Pour cette raison, le Pdci-Rda aurait tort de faire bande à part au premier tour, ou qu’une candidature indépendante émerge de ses rangs.
Le Rhdp doit réformer son union sacrée, maintenant, afin de donner une victoire éclatante au Président Ouattara dès le premier tour, et marginaliser définitivement le Fpi… Qu’il y ait aussi des personnes frustrées au Pdci-Rda peut se comprendre. Mais se jeter pour cela dans les bras du Fpi est le pire des calculs. Personne ne doit oublier le vrai visage de ce parti dont toute l’idéologie repose sur la violence. Et ne nous trompons pas. C’est parce que le Fpi est arrivé au pouvoir par la violence, régnait dans la violence qu’il avait fallu lui opposer une autre violence. Personne ne doit prendre le risque de donner une seconde chance à ce parti. S’il y a des points de divergence au sein du Rhdp, ce groupement a tout le loisir de s’asseoir et discuter pour aplanir tous les différends.
C’est ce que nous écrivions dans ces colonnes, dans un éditorial intitulé L’union sacrée » publié le 23 juin 2014, longtemps avant « l’Appel de Daoukro » qui date, lui, du 17 septembre 2014. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda) a finalement décidé de soutenir la candidature du Président Alassane Ouattara, et de ne pas accepter de prétention indépendante issue de ses rangs. Certes, quatre personnalités se réclamant du Pdci-Rda ont annoncé leur désir de concourir pour la présidence, mais le « vieux parti » leur a clairement fait savoir qu’elles le feront sans pouvoir utiliser son label. Ces quatre personnalités ont quand même persisté dans leur intention et, comme nous l’annoncions aussi dans d’autres chroniques et interviews, elles ont décidé de faire la cour au Front populaire ivoirien (Fpi). Il ne pouvait en être autrement. Avec « l’Appel de Daoukro » et l’emprise que Bédié exerce sur son parti, le vivier dans lequel ceux que l’on appelle « les irréductibles » peuvent puiser ne se trouve qu’au Fpi. Ce parti qui fait saliver avec les 47% de voix dont on le crédite depuis la présidentielle de 2010. Faut-il aussi s’étonner que ces personnalités aient choisi de s’allier à l’aile la plus extrémiste du parti frontiste ? Ne dit-on pas qui s’assemble se ressemble ? Et leur refus de « l’Appel de Daoukro » ne provient-il pas de ce que Bédié, avec qui certains ont des contentieux historiques, demande de soutenir Ouattara qu’ils rejettent de toutes leurs fibres?
Ainsi, nous sommes repartis dans un nouveau jeu d’alliances improbables comme nous en avons l’habitude. Souvenons-nous. En 1995, c’étaient le Rdr et le Fpi qui s’alliaient contre le Pdci-Rda de Bédié. Puis, sous le régime militaire et au début de la crise militaro-politique, ce fut l’alliance du Fpi et du Pdci-Rda contre le Rdr. En 2010, le Pdci-Rda et le Rdr se retrouvèrent contre le Fpi. Comme on le voit, chacun des trois principaux partis de notre champ politique s’est allié à un autre contre un troisième. Le cycle étant bouclé, nous sommes désormais dans les fractions de parti. Ainsi, aujourd’hui, une fraction du Pdci-Rda s’allie-t-elle à une fraction du Fpi contre le Rdr. Ajoutons à ces deux fractions le minuscule parti de Mamadou Koulibaly, qui est sorti du Fpi. La question est de savoir ce que ces deux fractions, plus un avorton de parti, peuvent représenter face à l’autre fraction du Pdci, celle dirigée par Bédié, alliée au Rdr et aux autres partis du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). N’oublions pas une chose très importante : la marque de fabrique du Fpi est la violence. Ce parti s’est construit dans la violence, est parvenu au pouvoir par la violence, a régné dans la violence et a quitté le pouvoir par la violence. Ne l’oublions jamais. Laurent Gbagbo, le gourou du Fpi, disait que les alliances ne valaient que par les objectifs qu’elles permettaient d’atteindre. Pour le Fpi, peu importe l’allié, pourvu qu’il lui permette d’atteindre son objectif. Et une fois cet objectif atteint, il pouvait renier l’alliance sans état d’âme. Et même se retourner contre l’allié. Le Rdr en sait quelque chose. Ceux qui se réclament du Pdci-Rda (ce parti que le Fpi a toujours considéré comme le serpent à décapiter) et qui cherchent à servir d’escabeau à la frange la plus extrémiste du Fpi pour lui permettre de se remettre dans le jeu l’appendront à leurs dépens.
Venance Konan
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