RGPH 2014
Combien sommes-nous vraiment ?
Le 17 mars 2014, il y a exactement un an, Alassane Dramane Ouattara donnait le coup d’envoi du quatrième recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2014) de la Côte d’Ivoire. Là où Albert-Abdallah Mabri Toikeusse, ministre d’État, du Plan et du Développement, disait, le 10 mars, que ce dénombrement de la population se fera «essentiellement en 21 jours» et ses résultats, disponibles «avant la fin du mois de mai» 2014, l’opération a pris quatre mois (17 mars – 14 juin).
A l’issue du Conseil des ministres du 3 septembre 2014, le gouvernement a donné trois informations en rapport avec cette opération:
– d’un, seulement 22.671.301 personnes ont été recensées à l’issue d’une opération bâclée, au double plan technique et populaire en raison de la faible mobilisation des populations qui ont mordu à l’appât du mot d’ordre de boycott du FPI;
– de deux, la population a augmenté: les habitants de la Côte d’Ivoire seraient 23 millions d’habitants en 2014. Voici l’explication du gouvernement par la voix de son porte-parole, Nabagné Bruno Koné: «En considérant que le taux de croissance démographique est de 2.6%, nous pouvons dire qu’en fin décembre 2014, nous sommes exactement 23 millions d’habitants.» Pas un de plus, pas un de moins.
– et de trois, la part de la population étrangère a décru en Côte d’Ivoire, qui reste, malgré tout, un «gros pays d’immigration». Sur les exactement 23 millions d’habitants, 17.172.297 sont des Ivoiriens (75.8%) et 5.491.972, des étrangers (24.2%). La loi n°2013-653 du 13 septembre 2013 portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration a sans aucun doute joué un rôle important dans cette réduction de la population étrangère, autrefois estimée à au moins 26%.
Selon cette nouvelle disposition, les personnes nées en Côte d’Ivoire de parents étrangers et âgées de moins de 21 ans révolus à la date du 20 décembre 1961 sont déclarées «ivoiriennes» et disposent d’un délai de deux ans pour régulariser leur situation. Et en seulement trois mois (avril 2014, lancement de l’opération, à juin 2014), Mamadou Gnénéma Coulibaly, garde des Sceaux, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, a déclaré que «12.000 demandeurs » ont souscrit pour bénéficier de la nationalité ivoirienne «par déclaration» en lieu et place de la procédure de naturalisation, en vigueur, jusque-là.
Une structuration de la population au pifomètre.
Au cours du Conseil des ministres du 23 décembre 2014, le gouvernement a soutenu qu’à la date de juin 2014, la population ivoirienne se chiffrait à 22.671.531 habitants. Mais, précise-t-il pour ne pas être en porte-à-faux avec le développement de son porte-parole en septembre, «en tenant compte du nouveau taux d’accroissement annuel moyen intercensitaire de la population, estimé à 2,6% (contre 3,8% au RGPH de 1975 et 3,3% à celui de 1998), la population ivoirienne est estimée à 23 millions à fin décembre 2014».
Les problèmes de tous ordres qui ont jalonné le RGPH 2014 sont à l’origine de toute cette gymnastique de projection. Le 23 octobre 2014, c’est-à-dire après le Conseil des ministres du 3 septembre, Mabri Toikeusse a donné un autre son de cloche qui tendait à démentir les chiffres du gouvernement qui n’étaient pas définitifs. «Les données collectées dans le cadre de ce recensement sont en train d’être consolidées et les résultats seront connus en novembre prochain,» soutenait-il.
En novembre, attendu au rendez-vous, Mabri a brillé par son absence et aucun résultat définitif n’a été fourni à l’opinion nationale et internationale. Or, sans données fiables, le gouvernement, depuis septembre et sous l’effet d’une baguette magique, est parvenu à une structuration au pifomètre de la population ivoirienne notamment par sexe (11.716.826 hommes, soit 51,7%, contre 10.954.505 femmes, soit 48,3%), par âge (36,2% de la population auraient un âge compris entre 15 et 34 ans, tandis que 77,7% de la population, soit environ 4 personnes sur 5, auraient moins de 35 ans) et par origine ( 17.172.995 personnes vivant en Côte d’Ivoire seraient de nationalité ivoirienne, soit 75,8%, et 5.491.972 de nationalité étrangère, soit 24,2%). Car, le gouvernement a voulu maquiller en succès un échec patent qui a coûté 12 milliards de FCFA à l’État.
FB
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