« Un procès de la honte» selon Me Dadjé
L’audience a été suspendue très tôt ce matin à deux heures (GMT) pour reprendre cet après-midi aux environs de 15 h 30. A l’ouverture c’est en quelque cinq minutes que la décision du juge a été rendue. Le président de la Cour, Dembélé Tahirou, en l’absence des six jurés, a jugé la requête des avocats de l’Etat recevable. Dans celle-ci, Me Soungalo Coulibaly et ses pairs avaient requis la somme de 2 mille milliards de FCFA (3 milliards d’Euros) à titre de dommages et intérêts. Le juge tout en trouvant la requête fondée et recevable, a tout de même indiqué que le montant est « excessif » et qu’il faut le ramener à des « proportions raisonnables ». Aussi a-t-il fixé la somme de 965 milliards de FCFA (1,4 milliard d’euros) que les condamnés doivent verser à l’Etat. Toutefois aucune précision n’a été faite quant à savoir si les condamnés sont tenus de payer ce montant « solidairement » comme l’avaient demandé les avocats de l’Etat dans leur plaidoirie.
Jugeant ce verdict, l’avocat de Simone Gbagbo, dépité et désarçonné par ce qu’il venait d’entendre, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer un jugement sans précédent, à ne même pas ‘’faire figurer dans les annales’’ de la justice ivoirienne. Puis Me Rodrigue Dadjé de contre-attaquer en ces termes : « Dans ma jeune carrière d’avocat c’est la première fois que j’assiste à un procès aussi honteux et scandaleux. Toutes les décisions sont honteuses et scandaleuses. La condamnation d’hier est scandaleuse. Il n’y a pas de faits, il n’y a pas de preuves mais il y a quand même eu condamnation. Aujourd’hui encore, l’Etat de Côte d’Ivoire n’a produit aucun document pour justifier son préjudice. Sur quels éléments de preuves sont adossés les 965 milliards ? En termes de dommages et intérêts il faut apporter le lien qui existe entre le dommage causé et le montant fixé. C’est la plus grande honte de la Côte d’Ivoire et on devrait déchirer cette décision parce que si elle apparaît dans les annales judiciaires de la Côte d’Ivoire, ce sera une grande honte. Dans tous les pays du monde, il n’est pas possible de fixer une condamnation sans justifier le préjudice subi. Il n’y a plus de justice indépendante en Côte d’Ivoire. Le pouvoir politique a décidé. Que pouvons-nous faire ? »
Notons que pour sa part, la partie civile représentée par les avocats de l’Etat s’était dit satisfaite du verdict prononcé tôt ce matin à 2 h GMT. Pour Me Soungalo, cette décision se justifie et elle permet à l’Etat d’avoir les moyens pour réparer les préjudices subis pendant la crise postélectorale. Dans sa plaidoirie, il avait indiqué que compte tenu des destructions, l’Etat s’était endetté à hauteur de 300 milliards pour entamer la reconstruction. Il avait ajouté qu’un rapport du Bureau d’étude technique et de développement (Bnetd) évaluait le préjudice à 965 milliards de FCFA. C’est certainement sur la base de ce rapport que le juge a fixé le montant des « dommages et intérêts ». reste à savoir comment les condamnés s’y prendront pour payer la somme tout de même exorbitante pour quelque 65 personnes condamnées. Va-t-on vers la saisie de leurs biens et comptes ? On en saura un peu plus après le pourvoi en cassation dont le délai de cinq (5) jours court encore.
S. Debailly
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