Pour voir Laurent Gbagbo, il ne suffit pas d’arriver aux Pays Bas. Une fois à La Haye, il faut montrer patte blanche, subir divers contrôles avant d’avoir accès au détenu. De retour d’une visite qu’il a rendue à l’ancien chef de l’Etat, Demba Traoré, ancien DG du Vitib témoigne…
7 janvier 2015, période de présentation de vœux traditionnels du Nouvel An. Parti de Paris et après avoir parcouru 500km, je me retrouve devant le centre pénitencier de Scheveningen situé à 32 pompstationsweg. Une bâtisse intimidante. Après le contrôle d’identité, une première porte blindée s’ouvre pour donner accès aux casiers de rangement. Ici on laisse tout objet électronique et autres objets non autorisés. C’est aussi dans cette salle que l’on subit le même traitement que dans les aéroports les plus sécurisés du monde. Tout est passé au peigne fin, pas de chaussures, pas de ceinture, tant pis si votre pantalon flotte, les dames avec du fer dans les soutiens gorge, subiront une fouille corporelle dans une salle à côté. Lorsque vous passez le détecteur de métal ultra précis et vos affaires passées au scanneur, vous poussez un ouf de soulagement. Une autre porte s’ouvre et sous surveillance vidéo vous prenez place dans une salle d’attente froide à tout moment de l’année. De là vous ne pouvez sortir que si l’on vous autorise ou si un garde bien bâti vient vous chercher.
De cette salle d’attente, escorté par un garde, vous passerez à travers deux autres portes blindées l’une après authentification de votre escorte grâce à son badge, l’autre après activation à distance, comme pour vous prévenir que même l’escorte ne contrôle pas tous les accès. Dans un froid glacial, vous êtes contraint de faire une centaine de pas pour vous retrouver devant une autre forteresse dont le mur fait environ un immeuble de deux étages. Une autre porte blindée s’ouvre, après une dizaine de pas vous vous retrouvez devant un deuxième poste de contrôle plus rigoureux que le premier, alors que vous avez tout laissé dans les casiers, êtes passé par un détecteur de métal et un scanneur, avez été escorté sous surveillance vidéo tout le long du chemin ! Ici encore votre identité est vérifiée, et vous reprenez à zéro le contrôle (détecteur de métaux, sans ceinture et chaussures, scanneur). Une autre porte blindée s’ouvre et vous êtes enfin dans le bâtiment qui abrite les détenus. C’est vraiment à ce moment-là qu’il faut dire ouf ! L’escorte vous installe dans une salle de 10m2 sous surveillance vidéo et va chercher votre hôte. Au total c’est une dizaine de portes
blindées, deux détecteurs de métaux et deux scanneurs que vous traversez sous escorte et sous surveillance vidéo avant de vous asseoir dans cette salle. Si votre rendez-vous est à midi, l’illustre hôte descendra du 3ème étage muni d’un plateau de nourriture préparé par lui ou par un codétenu mais porté par lui-même afin que vous
partagiez le déjeuner. Si vous le voyez porter son colis votre reflexe sera de vouloir l’en décharger, mais vous serez rappelé à l’ordre ; car il doit porter lui-même son colis, tout comme faire son lit, et laver son linge!… Toujours, un garde vous sortira de votre conversation pour vous rappeler que vous n’est pas au palais, encore moins en train de faire les cents pas dans les jardins de la résidence des hôtes à Yamoussoukro, ou de faire un pause Aloco à l’Hôtel Président dans la suite présidentielle, mais plutôt dans un centre de détention et que l’heure de la séparation est arrivée. A ce moment-là, le plus dur commence pour beaucoup, car, comment s’empêcher d’avoir des larmes aux yeux quand sous vos yeux, le Chef est à nouveau escorté tenant en main son plateau de plats vides. Pire, vous avez sali des assiettes qu’il reviendra à Laurent Gbagbo de laver dans la cellule! De quoi à vous faire vomir ce que vous venez de savourer…».
Demba Traoré,
Exilé pro-Gbagbo
Dans l’Expression
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