Alexis Tsipras a tenu son discours de politique générale ce dimanche 8 février devant le parlement grec. Il refuse de céder à la pression européenne et maintient ses engagements de campagne. Le gouvernement grec se dirige vers une négociation dure avec Bruxelles, afin de restructurer la dette du pays.
Son discours de politique générale a duré plus d’une heure et demie. Le nouveau premier ministre grec Alexis Tsipras a dévoilé dimanche 8 février au soir, devant les députés nouvellement élus, les grandes lignes du programme de son gouvernement. Un programme qui ne cède nullement à la pression des partenaires européens et de la BCE. Au contraire. Tsipras est venu confirmer tous les engagements de campagne de Syriza.
Octroi de l’électricité gratuite, accès au logement et à des repas pour tous les Grecs dans le besoin ; réintégration des employés municipaux et des fonctionnaires licenciés ces dernières années ; rétablissement de la 13e mensualité de retraite pour les faibles pensions ; rétablissement d’ici 2016 du salaire minimum à son niveau initial, y compris pour les moins de 25 ans (ces derniers sont soumis à un salaire minimum de 480 euros brut par mois depuis 2012) ; retour aux conventions collectives d’avant les cures d’austérité ; réhausse du seuil d’imposition à 12 000 euros par an (passé à 5 000 euros en 2012) ; annulation dès cette année de l’impôt foncier mis en place par le gouvernement Samaras : toutes ces mesures font partie des « priorités » du nouvel exécutif, afin d’affronter la « crise humanitaire » et de tourner la page de l’austérité.
Nulle concession, donc, face à la décision de la BCE cette semaine et à la pression exercée depuis les élections par les membres européens, Allemagne en tête. Tsipras a réitéré son objectif : une restructuration de la dette grecque, afin de la rendre « viable » et de permettre à l’État grec de dégager des fonds budgétaires pour faire des investissements, seule façon selon lui de renouer avec la croissance. Il a proposé en outre la création d’une banque de développement. « Il faut que les négociations avec les partenaires européens aboutissent à un accord sur un allègement de la dette afin que l’on ait une marge budgétaire pour pouvoir mener une politique de relance et que l’on sorte de la spirale déficitaire. »
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PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART
À aucun moment de son discours le premier ministre n’évoque la « troïka », ce triumvirat formé ad hoc en 2010 et qui regroupe Commission européenne, BCE et FMI. Cela fait précisément partie des revendications du nouvel exécutif depuis son arrivée au pouvoir : il ne veut plus négocier avec cet ensemble sans légitimité démocratique, mais avec les « partenaires européens » et l’Union européenne.
Il a évoqué par ailleurs la demande d’un emprunt relais afin de tenir jusqu’en juin (plusieurs obligations contractées par l’État grec arrivent à échéance d’ici là) et de s’accorder le temps de la négociation avec les Européens. Et a annoncé qu’il réclamerait à l’Allemagne des indemnités pour les dégâts subis par la Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le remboursement du prêt forcé imposé par les nazis pendant l’Occupation, jamais remboursé.
Alexis Tsipras a affiché la volonté du gouvernement de tourner la page, aussi, de décennies de clientélisme et de gabegie. C’est la fin annoncée de nombreux privilèges, comme l’octroi de voitures avec chauffeurs pour les élus parlementaires et de nombreux postes ministériels, ou des dépenses policières excessives allouées au service du seul premier ministre : une page se tourne, définitivement, pour le système politique grec.
Le système fiscal devrait aussi être revu de fond en comble, afin de mieux cibler les fraudeurs et d’épargner les classes moyennes, lesquelles ont payé le plus lourd tribut à l’austérité qui gouverne le pays depuis 2010. « Un système fiscal simple, stable et équitable », a prôné le premier ministre. L’administration sera également soumise à une vaste réforme, qui commencera par une évaluation des fonctionnaires sur « des critères objectifs » – Tsipras faisant allusion aux coupes aveugles opérées par les précédents gouvernements, comme la fermeture en quelques heures de l’ensemble de l’audiovisuel public en 2013, et annonçant au passage sa réouverture.
« Notre proposition, a souligné le premier ministre, est une négociation dure (…). Un nouveau contrat sera établi entre la Grèce et l’Union européenne à travers un programme de moyen terme qui ne sera pas un programme d’austérité. Je suis optimiste, je suis convaincu que nous allons y arriver. » Le vote de confiance interviendra mardi et semble déjà acquis, en raison de la coalition formée avec le petit parti nationaliste des Grecs indépendants : le gouvernement Tsipras repose sur une majorité de 162 députés sur 300.
PAR AMÉLIE POINSSOT
MEDIAPART
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